Mgr Pierre GOURTAY,
1874-1944


Mgr Pierre Gourtay naquit à Châteaulin le 7 Mai 1874, d'Yves Gourtay et de Marie Louarn. Il aima son pays de toute son âme, il aima de même sa famille, sans jamais un regard en arrière; il avait le cœur d'un missionnaire, qui supporte son sacrifice sans défaillance. Jeune encore, il reconnut sa vocation et entra dans la Congrégation du Saint-Esprit ; il prit l'habit des novices à l'école apostolique de Mesnières, en Normandie, le 19 mars 1891, comme on le faisait alors, et continua pendant 9 ans encore sa formation sacerdotale et religieuse. Profès à Grignon d'Orly le 22 septembre 1898, il fut ordonné prêtre à Chevilly le 28 octobre 1900 et acheva ses études ecclésiastiques l'année suivante.

Son premier poste fut celui de professeur au collège de Langonnet, non pas qu'on ne lui reconnut point les qualités du missionnaire, mais sa nature offrait des ressources variées ; il était prêt à tout et accepta tout pendant les huit années qu'on lui fit attendre les missions. Car au bout d'un an, le collège de Langonnet supprimé par la loi sur les Associations, il fut à la tête d'une section d'enfants de Saint-Michel à la disposition de l'Abbaye pour aider aux travaux de jardinage puis à la dispersion de 1903.,.on lui confia divers ministères hors communauté, comme service religieux de chapelles, éducation d'enfants, jusqu'à ce que en 1909, il fut envoyé au Gabon.

Il y fut curé de Saint-Pierre de Libreville. Libreville est le chef-lieu de la colonie ; le service paroissial s'y fait comme en France, mais on y atteint un grand nombre de noirs, paroissiens au même titre que les blancs, ou enfants des écoles, malades de l'hospice, adultes au catéchisme.

C'était le temps de la mise à exécution de la loi de Séparation. Le bâtiment de la cure appartenait à la colonie; on en enleva l'usage au curé qui dut bâtir un presbytère le P. Gourtay s'y mit sans récriminer. Les écoles furent laïcisées on les transféra à la résidence du Vicaire apostolique, à la paroisse Sainte-Marie. De lourds impôts, des taxes exorbitantes frappèrent tous les colons; la Mission en pâtit comme les autres. Le curé de Saint-Pierre, autant qu'on peut en juger dans ses rapports, ne s'émut pas de ces misères ; très accommodant, sans transiger avec son devoir, il avait le secret de s'entendre avec les gens de bonne foi, même adversaires, et de s'adapter à tout.

Après six ans, il rentra en France, fatigué, en pleine guerre (avril 1916) ; le climat de l’Afrique équatoriale ne lui convenait pas. Il prêta son concours où l'on voulut : il fit surtout la classe, jusqu'à ce que, en 1919, il fut destiné à l'île de la Réunion, dans la mer des Indes. Presque aussitôt, il fut nommé supérieur principal de ses confrères, et en même temps prit la charge de la cure de SaintBenoît, à l'Est de l'île, dans la partie du Vent, la plus exposée aux ouragans et souvent ravagée par le volcan. Saint-Benoît avait besoin d'un curé actif. Le P. Gourtay le fut ; avec de maigres ressources, il restaura le presbytère et l'église ; grâce à l'estime et la bienveillance de tous ses paroissiens et du conseil municipal, il eut la consolation non seulement de remonter sa paroisse, mais de la lancer dans un sensible progrès matériel et moral. Des calamités survinrent : en 1927, le volcan se réveilla : tremblements de terre, éruptions de laves, pluies torrentielles qui inondèrent la partie basse de toute la région. En 1931, du 4 au 8 mars, un cyclone terrible balaya la paroisse : l'église, si patiemment réparée et embellie, fut détruite.

Mgr de Beaumont, crut bon en ces circonstances d'appeler près de lui à Saint-Denis le Supérieur principal et lui confia la paroisse de la cathédrale. Le 4 Février 1932, un nouveau cyclone qui épargna la partie du Vent s'abattit sur la pointe Nord de 1'lle, Saint-Denis et le Port, et y accumula les ruines.

Le P. Gourtay connaissait donc nos vieilles colonies, leurs habitants, leurs cataclysmes ; c'est lui qu'on alla chercher, malgré ses 59 ans, pour la plus rétive au progrès, Cayenne, quand Rome eût décidé de donner un Vicaire apostolique à la Guyane française ; il y fallait un bon administrateur, très conciliant et en même temps très entreprenant.

Cayenne ressemble à la Réunion avec bien des difficultés en plus. La Réunion est un pays chrétien dans. la masse de ses habitants, la population créole y est très dévouée au clergé. Cayenne, avec son arrière-pays immense, n'est vraiment chrétien que sur la côte ; encore cette population est semée de bagnards ou d'anciens forçats qui doublent leur peine ; le reste avec ses grands fleuves, ses forêts, ses savanes sans limites c'est la jungle.

Sacré à Quimper par Son Excellence Mgr Duparc, le 25 mars 1933, Mgr Gourtay partit pour Cayenne le ler septembre suivant. Un de ses premiers soins fut de consacrer l'église paroissiale de sa résidence, Saint-Sauveur de Cayenne; par là il honorait, selon son pouvoir, son siège de Vicaire apostolique ; puis il s'occupa de ses fidèles et infidèles.

Le service religieux est bien établi dans les quelques paroisses érigées ; mais les prêtres manquaient pour tenir d'autres centres il en obtint et les plaça près des plus délaissées de ses ouailles.

Pour les bagnards, il seconda tant qu'il put la croisade de prières instituée par un de ses missionnaires ; c'est de prières qu'ont surtout besoin ces malheureux; il entreprit en même temps de les réhabiliter et de sauver leurs âmes. Pour ceux astreints au doubla-e à Saint-Laurent du Maroni, il soutint la communauté des Sœurs Franciscaines de Marie qui ont école pour les enfants, dispensaire pour les malades, œuvre de secours pour toutes les nécessités. Sur son chemin l'Armée du Salut, institution protestante, tentait d'accaparer ces condamnés ; il lui barra la route par ses bienfaits matériels ; en France il intervint au Ministère des Colonies pour adoucir le sort des infortunés retenus à la Guyane ; il s'y acquit de très vives sympathies et obtint que par philantropie l'Administration secondât sa charité chrétienne : son succès lui vint d'avoir plaidé en évêque la cause des rebuts de la société.

Dans les léproseries des Sœurs de Saint-Joseph, il se heurta aux Commissions médicales préconisant pour soigner la lèpre des procédés nouveaux qui auraient éloigné des malades leurs Sœurs dévouées : il leur demanda de continuer leur assistance personnelle. Il encouragea l'orphelinat des filles à Cayenne, sous la direction des mêmes Sœurs ; pour les garçons abandonnés, il fonda à Mondélice une école agricole et professionnelle que la guerre l'a empêché d'établir comme il l'aurait voulue.

Il n'oublia pas les chercheurs d'or, civilisés sans doute, mais retombant au sauvage ; il leur envoya ses missionnaires, jusque dans leurs lointaines exploitations. Il traita avec le Gouvernement pour assurer le ministère religieux dans le très vaste territoire de l'Inini ; pour gagner les Indiens Galibis, il se plia à leurs exigences ; il aurait voulu entretenir une mission permanente dans les tribus indiennes des hauts fleuves, ainsi que parmi les noirs plus qu'à demi indépendants de la frontière hollandaise.

Ce qui le distinguait, c'est son habileté à s'assurer tous les concours ; à Cayenne on l'estimait et on le vénérait parce qu'il était un homme avec qui on pouvait causer et qui ne se refusait à aucune œuvre utile.

Il s'y est usé. A bout de forces au commencement de cette année, il consentit à se rendre dans la Guyane hollandaise pour se faire soigner; il revint à son poste, rétabli -,ri apparence, fit quelques tournées et retomba. Un voyage à la Martinique s'imposait, on attendit un avion. Quand l'avion arriva le malade n'était plus en état de partir. Il resta et mourut d'épuisement le 17 septembre 1944, à Cayenne.

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