Monseigneur René GRAFFIN,
1899-1967


Mgr René Graffin est né le 6 mai 1899, au château des Touches, à Pontvallain, d'une famille de grande bourgeoisie terrienne. Un de ses frères, le colonel Graffin, mourut en déportation durant la guerre de 1939-1945. René Graffin fit ses études secondaires au collège Saint-Jean de Béthune à Versailles. Rêvant d'aventures au service du Seigneur, il songea à entrer aux Missions Étrangères de Paris, rue du Bac. Mais la destinée concrète tient parfois à peu de chose... Par une erreur providentielle, le chauffeur de taxi déposa le jeune René Graffin au 30 de la rue Lhomond, chez les missionnaires du Saint Esprit ! Le Frère portier l'envoya s'expliquer directement avec Mgr Le Roy, alors supérieur général, qui lui dit : " Alors vous voulez vous faire missionnaire ? - Oui, répondit-il. - Eh bien, entrez chez nous, faites-vous spiritain..."

Et Mgr Le Roy prouva au jeune bachelier l'avantage de devenir à la fois missionnaire et religieux. Et c'est ainsi que le futur archevêque de Yaoundé entra au noviciat, puis au scolasticat des Pères du Saint-Esprit.

Il fit son service militaire au Proche-Orient, en Syrie, et s'y révéla un maître en mécanique-auto et dans la conduite des lourds véhicules militaires. Pour l'Afrique, c'était un excellent apprentissage. Il fut ordonné prêtre à Chevilly, près de Paris, le 28 octobre 1925, et reçut son obédience pour le Cameroun en juillet 1926.

Le Père René Graffin fut placé à la mission de Mvolyé (Yaoundé), où il travailla quelques années comme vicaire de la paroisse. Le Vicaire apostolique de l'époque, Mgr Vogt, résidait à la mission de Mvolyé et le supérieur de communauté était le P. Brangers, un homme expérimenté, qui avait été auparavant missionnaire au Katanga. Tout de suite, le P. Graffin se distingua par une grande docilité et une application méthodique au travail missionnaire. C'était l'époque où l'on disait que le Saint-Esprit soufflait en tempête au Cameroun.

Le P. Graffin se mit immédiatement à l'étude de la langue seconds qui n'eut bientôt pour lui aucun secret. Mgr Vogt avait décidé que ses, missionnaires devaient pouvoir confesser et prêcher au bout de six mois. Le P. Graffin y parvint facilement et se révéla tout de suite un confesseur expérimenté et un prédicateur écouté.

Mgr Vogt s'était aperçu que très souvent les alentours immédiats d'une mission étaient négligés par ses missionnaires, qui visitaient la brousse lointaine, et ne stationnaient jamais dans les villages proches. Le P. Graffin, au contraire, consacra souvent ses après-midi à une petite tournée dans les villages voisins de la mission de Mvolyé. Il y confessait les fidèles et s'y rendait le lendemain matin pour y célébrer la messe et y donner la communion.

Mgr Vogt lui demanda aussi de composer une grammaire ewondo avec un lexique, en vue de faciliter l'usage de la langue aux Européens nouvellement arrivés. Avec l'aide du P. François Pichon, ce manuel fut élaboré et imprimé à Paris par les soins de Mgr Graffin, son oncle, professeur de langues orientales à l'Institut catholique de Paris.

Outre ses travaux de linguistique, son enseignement au petit séminaire et ses autres tâches quotidiennes, Mgr Vogt avait confié au P. Graffin un secteur de brousse au nord de Yaoundé, secteur situé à 80 km de distance. Le P. Graffin installa le centre de sa future fondation dans un endroit appelé Nkol-Avolo, qui devait plus tard être doté d'une grande église, d'une habitation pour les missionnaires, d'écoles et de dépendances diverses.

Mgr Vogt commençait à sentir peser sur lui le poids de l'âge et de vingt années d'épiscopat outre-mer. Il demanda à Rome qu'on lui donnât un coadjuteur. Le coadjuteur choisi fut le P. René Graffin. Il fut sacré à Notre-Daine de Paris par le cardinal Verdier, le 19 mars 1932. \'c2gé de 32 ans, il se trouvait être l'un des plus jeunes évêques du monde. Mgr Vogt disait de lui avec un certain humour " Mon coadjuteur a contre lui un certain défaut, c'est sa jeunesse mais il s'en corrigera vite, parce qu'en Afrique les années comptent double."

Les deux évêques se partageaient entre eux leurs attributions. Mgr Vogt présidait les conseils et prenait les décisions. Mgr Graffin était l'exécuteur de ces décisions. Il conduisait lui-même sa voiture et utilisait la motocyclette avec une dextérité sans pareille. D'autre part, Mgr Vogt se montrait assez las de ses démêlés avec l'Administration. Mgr Graffin en fut chargé. Il essaya d'atténuer les conflits entre la Mission et l'Administration ; il n'y réussit guère. C'est à cette époque difficile que le P. de Maupeou fut tué par un énergumène qui voulait enlever sa prétendue femme réfugiée à la mission.

Mgr Graffin (1943-1961) a été un évêque ardent au travail des conversions et à l'extension de la foi au Cameroun. Il fut également le digne successeur des évêques précédents : Mgr Vieter, l'évêque allemand, et Mgr Vogt, qui peut être considéré comme le véritable fondateur de la chrétienté du Cameroun. La vertu apostolique que montra Mgr Graffin fut la force, qui est un don de lEsprit-Saint, mais aussi un trait caractéristique de son tempérament. D'une nature plutôt autoritaire, il n'aimait pas trop partager ses responsabilités. Il y fut contraint cependant par le Saint-Siège qui lui imposa de désigner un évêque auxiliaire. Ce fut Mgr Paul Etoga qui fut désigné, et qui fut sacré évêque à Yaoundé le 29 novembre 1955 : cérémonie fameuse qui rassembla 100.000 assistants à l'hippodrome de Yaoundé.

Le 14 septembre 1955, à l'instauration de la Hiérarchie ecclésiastique en Afrique, Mgr Graffin devint le premier archevêque de Yaoundé ; il fut intronisé dans sa cathédrale par le cardinal Tisserant. Il resta archevêque de Yaoundé jusqu'en 1961, date de la nomination de Mgr Jean Zoa, originaire du diocèse.

Rentré en France, Mgr Graffin accepta la charge de professeur de morale au séminaire colonial installé à la CroixValmer, dans le Var. Quand le séminaire colonial fut supprimé, il resta comme supérieur de la Croix-Valmer, devenue centre d'accueil sacerdotal et maison de repos. C'est dans cette dernière fonction que la maladie vint le surprendre.

Le jeudi 6 avril 1967, il prit l'avion pour Paris et fut hospitalisé à l'hôpital Corentin-Celton d'Issy-les-Moulineaux, où son frère le docteur Philippe Graffin connaissait un chef de service. On constata la présence d'un cancer généralisé, et les médecins ont avoué avoir rarement assisté à une progression aussi brutale de cette terrible maladie. Le 14 avril, Mgr Graffin. exprima le désir d'être transporté à Chevilly pour y mourir au milieu de ses confrères. Son cousin, le P. Graffin de la Compagnie de Jésus, et ses deux frères encore vivants, l'accompagnèrent. Le 16 avril, il s'endormait dans la paix du Seigneur Jésus qu'il avait tant servi et fait connaître.

Les obsèques eurent lieu le mercredi 19 avril, dans la chapelle du Séminaire des Missions, présidées par Mgr Dodds, évêque de Saint-Louis du Sénégal. Six évêques étaient présents, dont Mgr Bouque et Mgr Plumey pour représenter le Cameroun. La messe des funérailles fut concélébrée par trente prêtres, dont plusieurs anciens mission naires du Cameroun, européens et africains. Mgr Chevalier, évêque du Mans, diocèse d'origine du défunt, prononça les ultimes prières au cimetière de la communauté, où repose désormais celui qui fut et demeure un grand évêque missionnaire. P. Augustin Berger

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