Le Père Jean-Marie GRIZARD,
1838-1929


Jean-Marie Grizard naquit le 11 janvier 1838 à Oyé, petite paroisse du diocèse d'Autun. Il appartenait à une famille de situation aisée et profondément chrétienne. Sage et pieux, le jeune Grizard semble avoir été irréprochable en tout ; s'il attirait l'attention, c'était sans le vouloir, par le fait de cette perfection inconsciente. Humble, il devait l'être toute sa vie, même dans les plus hautes charges ; rester caché fut toujours son plus cher désir.

Il fit ses études secondaires au collège ecclésiastique de Semur, jusqu'à la philosophie inclusivement. Son désir du sacerdoce datait de l'enfance, puis vint la vocation de la vie religieuse. Il se mit à chercher où Dieu le voulait. Il pensa aux capucins ; fit une retraite à la Trappe de S SeptFonts ; alla consulter le saint curé d'Ars qui lui dit: "Vous serez prêtre, vous aurez une longue carrière et vous ferez beaucoup de bien..." mais il ne précisa pas davantage. C'est par une tante religieuse de St-Joseph de Cluny qu'il connut la congrégation du Saint-Esprit : petite société qui envoyait ses missionnaires dans les régions les plus malsaines et auprès des populations les plus abandonnées. Cela répondait à ce besoin de vivre dans l'obscurité, qui l'a poursuivi toute sa vie.

Quand il eut fini sa théologie à Paris, rue Lhomond, il passa, à la fin de 1861, au noviciat, qui se trouvait à Monsivry, près de Paris, dans une charmante propriété où l'on jouissait à la fois du bon air et de la tranquillité. Les novices étaient chargés à tour de rôle du vicariat de Villejuif, et s'occupaient des soldats des deux forts de Bicêtre et d'Ivry. Il fut ordonné prêtre dans la chapelle de la rue Lhomond, le 5 avril 1862, des mains de Mgr Mabile, évêque de Versailles, en même temps que douze autres novices. A sa profession, le 24 août 1862, il espérait une affectation en terre lointaine, mais il fut maintenu en France. Il l'accepta sans rien dire, car durant toute sa formation il avait pris l'habitude de se porter au-devant de ce qu'il y avait de pénible pour la nature.

Ses trente premières années d'activité furent consacrées à la formation des jeunes clercs : 3 ans au petit scolasticat de Cellule, 5 ans au grand scolasticat à Langonnet et Chevilly, puis 22 ans au noviciat, dont 17 ans à Chevilly et 5 ans à Orly. Il avait acquis dans cette fonction une véritable maîtrise, et ce fut certainement une perte pour les maisons de formation, quand en 1892 le Chapitre général le choisit comme premier Assistant. Il alla donc, à 54 ans, résider à Paris près du Supérieur général.

La République, établie en France en 1875, étant mal accueillie par la majorité du clergé français, le Gouvernement cherchait à voter des lois anticléricales : en 1880 ce fut la dissolution de la Compagnie de Jésus, en 1882 l'école primaire obligatoire et la~ique. Plusieurs lois successives étaient intervenues pour régler la question des impôts dus par les congrégations, et il en était sorti une situation compliquée et contradictoire, qui était dangereuse, précisément parce qu'elle était peu claire et se prêtait à tous les abus. En 1895, une nouvelle loi, appelée Droit d'abonnement, abolissait toutes les lois précédentes.

Le Supérieur général, le Père Emonet, gravement malade, avait dû laisser la responsabilité de traiter cette importante question au Père Grizard. Il s'agissait d'accepter la loi ou de partir en exil. D'accord avec le Nonce et plusieurs congrégations, il estima que cette loi, odieuse comme loi d'exception qui mettait les religieux à part des autres citoyens, était cependant une loi supportable. Il avait vu juste, mais ceux qui refusaient de se rallier à la République lui en tinrent longtemps rigueur. Il en souffrit, mais en silence, comme d'habitude.

En 1896, à la mort du Père Emonet, le Chapitre général élut Mgr Alexandre Le Roy ; celui-ci tint à garder le Père Grizard comme premier Assistant. Il resta donc à l'administration de la Congrégation, remplaçant le Supérieur général durant ses absences, mais n'ayant plus la responsabilité principale. Il remplit excellemment sa fonction jusqu'en 1919. Il avait 81 ans.

Il lui restait encore dix années à vivre. Il les consacra à poursuivre son œuvre spirituelle ; par correspondance avec ses anciens novices ; par les prédications, la confession et la direction spirituelle, près de tous ceux qui venaient à lui, et spécialement les religieuses de St-Joseph de Cluny et les Sœurs de la Réparation de la rue d'Ulm. Il est mort sereinement à Chevilly dans sa 92e année, laissant une réputation de sainteté largement diffusée.

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