Fr. Félicien GRUNEISSEN
Bulletin Général Tome XI, n° 133, p. 729


né à Than (Haut-Rhin), diocèse de Strasbourg (68), le 02/06/1838 ; premiers vœux à Langonnet, le 28/09/1862 ; vœux perpétuels à Bagamoyo, le 25/12/1871 ; décédé à Bagamoyo, le 02/02/1878, à l’âge de 39 ans, après 15 ans de profession .

On a déjà donné quelques renseignements sur le Frère Félicien en annonçant sa mort (n° 121, p. 131) ; nous nous bornons à ajouter ici un extrait d’une lettre du P. Horner sur les derniers instants du cher Frère .

« J’ai le cœur brisé de douleur en vous annonçant la mort de l’excellent Frère Félicien . C’est une perte bien grande pour Bagamoyo .

« Ce bon frère avait passé 15 ans dans la Mission, sans jamais être retourné en France ; il était sans doute mûr pour le Ciel .

« Depuis longtemps il soupirait lui-même après l’heureux moment qui l’unirait pour toujours au divin Maître, à la bonne Mère du Ciel, à notre Vénérable Père . Tous les jours, il parlait de la mort . « Il nous faut aller au Ciel » disait-il souvent . Au premier de l’an, il disait devant tout le monde : « J »espère que ce sera ma dernière année sur la terre . » - A la Supérieure des Sœurs, il adressait ces autres paroles : « Ma Mère, je vous souhaite le Ciel cette année-ci, allons-y ensemble, il y a déjà si longtemps que nous sommes en Afrique pour le gagner ! J’espère au moins que ce sera, cette fois, la dernière année . »

« Depuis longtemps, le bon Frère se traînait, c’était un homme usé . Mais comme il était ainsi depuis de longues années, on n’y faisait pas trop attention, et personne ne s’attendait à un dénouement si subit . Sa vie se prolongeait comme par miracle . Aucun de ceux qui ont connu le tempérament si chétif du Frère Félicien n’a pu être surpris de sa mort . On est plutôt étonné qu’il ait pu vivre si longtemps en Afrique . Quinze ans, en effet, c’est beaucoup pour une santé comme la sienne .

« Le bon Frère est mort comme il a vécu, c’est-à-dire, saintement . Il a eu le privilège de mourir un samedi, et l’un des jours de l’année qui nous sont les plus chers, le 2 février, fête de la Purification de la Ste Vierge, et jour anniversaire de la précieuse mort de notre Vénérable Père et Fondateur . Ah ! quelle aura été sa joie de le revoir au ciel dans la gloire ! La veille, il était encore debout à 6 h du soir, quoique se traînant à peine . Il se coucha après avoir pris un peu de nourriture . A 9 h du soir, le P. Baur alla le voir . Le Frère était déjà endormi, mais en dormant, il laissait échapper des gémissements qui dénotaient un état de souffrance . Le Père voulait faire coucher un noir dans la chambre du cher malade . Celui-ci ne le voulut pas . Il préférait, diait-il, rester seul . Le lendemain, dès 5 h 1/2, le P. Baur s’empressa d’aller le voir de nouveau . Il le trouva étendu par terre, en proie à une forte fièvre . Le Frère Félicien avait voulu se lever pour aller à la chapelle et faire la Ste Communion . Mais ses forces avaient trahi son courage ; et en s’habillant il était tombé sans connaissance . Le Père Baur se hâta de lui donner l’extrême-onction ; et le bon Frère succomba peu après . Il s’était confessé et avait communié la veille . La mort du frère Félicien a été une grande perte pour la Communauté de Bagamoyo . Il avait un don tout particulier pour inculquer aux enfants la piété si douce dont son âme était remplie . Aussi furent-ils tous vivement attristés par cette mort ; plusieurs, et surtout les grands, avaient d’abord cherché à retenir leurs larmes, mais ils finirent par éclater en sanglots . En jetant l’eau bénite sur la tombe du regretté Frère, ils poussaient des cris déchirants .

« Cette mort a fait voir une fois de plus le charme et les attraits de la véritable vertu . On peut vraiment citer le Frère Félicien comme un modèle . Le voyant fatigué, je lui offris souvent de l’envoyer se remettre en France et passer quelques temps dans sa famille . « Non, mon Père, me répondait-il, laissez-moi mourir en Mission . Je ne veux plus revoir mes parents, j’en ai fait le sacrifice pour toujours . » - On ne peut donc que s’écrier en voyant une telle mort : Fiant novissima mea horum similia car ce bon et regretté Frère était un religieux exemplaire et accompli .

« Voilà bien des épreuves ; mais je fais mes actes de résignation pour tout ce qui pourra encore arriver . Je le vois de plus en plus : les Missions ne peuvent vivre et s’établir que par la croix . Et comment, du reste, pourrait-il en être autrement, puisque Notre Seigneur a choisi la croix pour sauver le monde .

« Puis, ce bon et regretté Frère Félicien, du haut du Ciel, il sera un protecteur pour la Mission à laquelle il a si généreusement sacrifié sa vie . »
Lettre du P. Horner 7 février 1878

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