P. Auguste HAABY
Annales du Diocèse de Port-Louis,
par Mgr Joseph Mamet 1916 – 1926 ; p. 68


Né le 07 / 10 / 1855 à Blotzheim, (Haut-Rhim 68), diocèse de Strasbourg ; premiers vœux à Chevilly, le 28 / 08 / 1881 ; vœux perpétuels à Port-au-Prince (Haïti) le 02 / 02 / 1885 ; diacre à Chevilly, le 26 / 09 / 1880 ; prêtre à Chevilly, le 21 / 11 / 1880 ; A Maurice du 21 / 02 / 1891 à sa mort ; décédé à St Jean le 30 / 09 / 1919 âgé de 63 ans, après 38 ans de Profession ; il est enterré à St Jean .

1° OCTOBRE 1919 . Quinze jours tout juste écoulés, le caveau des prêtres de Saint-Jean se rouvre pour recevoir le R.P. Haaby C.S.Sp. La mort de son auxiliaire l'avait profondément affecté . Souffrant du foie, des reins, de troubles cardiaques depuis le début de l'année, son état empira brusquement, et il est décédé hier dans son presbytère, à quatre heures de l'après-midi . Un voyage en mer le sauverait, avaient déclaré les médecins, il y a trois ou quatre mois ; si longue était la liste des passages retenus qu'une place ne put lui être trouvée à bord d'aucun navire . Au vrai, cette perspective de départ ne lui souriait guère : s'il l'eût sérieusement voulu, plus d'un partant éventuel lui aurait volontiers cédé son tour .

Augustin Haaby était né le 7 octobre 1855 à Blotzeim, diocèse de Strasbourg . Sa philosophie terminée à Vesoul, comme il avait opté pour la nationalité française, il dut faire un an de service militaire ; encore indécis sur sa vocation, il n'était pas séminariste mais simple étudiant . D'avril 1876 à juin 1877 il fut incorporé au 9me hussard ; avec sa haute taille très droite, sa large carrure, sa noble tête aux traits accentués, il était certainement l'un des plus beaux cavaliers du régiment .

Dès sa libération, il entra comme postulant dans la Congrégation du Saint-Esprit, le 21 juin 1877 . Son ordination ne tarda pas, elle eut lieu le 21 novembre 1880 .

Sa première obédience le conduisit au séminaire-collège Saint- Martial, à Port-au-Prince, en Haïti . Il y exerça les fonctions d'abord de surveillant, puis de professeur de cinquième et de quatrième . En même temps il était l'aumônier de l'Ecole Nationale des Filles, tenue par les Sœurs de Saint-Joseph-de-Cluny, et qui comptait de deux à trois cents enfants ; toutes ses heures libres et la plupart de ses jours de congé y passaient . Il demeura neuf ans dans ces postes, d'octobre 1881 à novembre 1890 . Ce fut une période particulièrement troublée pour la République Noire ; des révolutions sévirent pendant toute l'année 1883 et recommencèrent d'août à octobre 1889 . Il n'éprouva aucune difficulté de la part de ses élèves ; tous l'aimaient et lui obéissaient de bon cœur .Par contre, le climat ne lui convenait pas ; il souffrait de paludisme chronique . Aussi ses supérieurs l'envoyèrent-ils se refaire en Europe . Son séjour en France n'allait durer que juste deux mois : du 30 novembre 1890 au 1er février 1891 . On avait besoin de sujets pour Maurice, on fit appel à son dévouement ; il était loin d'être remis, mais il accepta sans hésitation .

Il arriva chez nous à la fin de février ou au début de mars 1891 . Quatre mois auparavant, le 5 novembre 1890, les Pères jésuites avaient quitté le populeux faubourg de l'Est, où ils s'étaient installés en 1861 en vue d'y fixer le centre de la Mission Indienne, et où ils avaient fondé l'église Saint-François Xavier pour la population créole . La Congrégation du Saint-Esprit leur avait succédé dans le ministère auprès de cette grosse agglomération, dépendant alors canoniquement de .la cathédrale, mais qui allait être érigée en paroisse le 5 mai 1892 . Le Père Haaby y fit ses débuts comme vicaire .

Le 23 janvier 1895 il prenait possession de la cure de Saint-Jean, gouvernée jusqu'alors par le clergé séculier ; il devait l'occuper pendant tout le reste de sa vie, vingt-quatre ans et demi .

Ce quart de siècle fut une bénédiction sans mélange pour la paroisse-mère des Plaines- Wilhems.

Le Père Haaby s'adonna corps et âme à un œuvre de restauration matérielle et spirituelle .

Il avait la coquetterie de son église . Il ne cessa de l'embellir et de l'orner, malgré une situation pécuniaire fort obérée par les dégâts du cyclone de 1892 .

Sa douceur , son extrême courtoisie, sa compassion pour les pauvres, lui acquirent d'emblée une influence qui ne fit que grandir avec le temps . De fort tiède qu'elle était, sa paroisse devint l'une des plus ferventes du diocèse . Il eut très vite ses ouailles bien en main et il en obtint tout ce qu'il voulut : on ne savait rien refuser au pasteur dont le zèle discret, affable, mais ferme, ne connaissait aucun préjugé, aucune barrière sociale . Aussi était-il aimé, vénéré, écouté de son troupeau entier . Lui, il ressentait pour ses fidèles l'affection intense d'un cœur particulièrement sensible et tendre . Bien longtemps avant la fin de sa vie il tutoyait presque tous ses paroissiens, du plus huppé au plus humble .

Le clergé séculier le fréquentait assidûment ; il recherchait son accueil toujours cordial - ses avis aussi, marqués de gros bon sens et d'esprit surnaturel . Pour maints de ses confrères spiritains il se montra le consolateur suprême . A ceux qui vinrent terminer leurs jours auprès de lui à la cure de Saint-Jean, ses exquises délicatesses, son attention constante adoucirent les tristesses de carrières sacerdotales réduites à l'impuissance par la vieillesse ou les infirmités .

Sa paroisse prenant tous les jours plus d'importance, il avait établi les Dames de Lorette dans les hauts de Quatre-Bornes en janvier 1904 . La construction de la chapelle du Rosaire suivit : elle fut ouverte en janvier 1908 .

Le déclin de sa santé ne l'empêcha pas de remplir jusqu'au bout, et avec compétence, la mission de contrôler les travaux du séminaire, et d'effectuer tous les paiements .

Pendant ses vingt-huit ans de ministère chez nous il ne prit qu'un seul congé : parti pour la France le 30 avril 1904, il revint à la fin de novembre suivant .

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