Le Père Jean Hirlemann,
décédé à Puyloubier, le 20 octobre 1987,
à l’âge de 86 ans.
Quelques mois avant sa mort, il écrivait :
« Mon Dieu, je suis un pécheur mais je suis votre prêtre.
« Ordonné le 12 mars 1927 à Ottawa, par un évêque du Nord-Canada, le jour même je recevais mon obédience pour le Congo français. Parti de New-York sur un cargo, cinquante trois jours après, j’arrivais à Brazzaville. Là commença ma vie missionnaire, interrompue treize ans après par la guerre.
« En 1940, j’ai vécu l’épopée de la France Libre. j’ai aimé la Légion étrangère, unissant mon existence à celle de ces hommes devenus fils de France par le sang versé pour elle. Ma retraite militaire est venue. Peu préparé par mon passé, j’ai accepté d’être en Provence, en paroisse.
« J’ai fait un peu de bien, mais “on n’a rien fait tant qu’on n’a pas tout fait”, disait le saint curé d’Ars.
« Âgé, je suis dans ma soixantième année de sacerdoce et je continue à servir. Je prie. Mon chapelet ne me quitte jamais. J’attends l’appel du Bon Dieu avec une humble confiance : j’ai été votre prêtre. »
Son apostolat au Congo (1927) commença à Kibouendé, dans les privations. Son ministère à Bacongo de Brazzaville fut ensuite très astreignant : une seule paroisse pour l’immense agglomération qui compte aujourd’hui quatre vastes églises.
À heure fixe, sur sa moto, à travers les sables, Jean allait de Saint-François aux places de catéchisme du village. Adultes et enfants se plaisaient à reprendre les belles réponses du catéchisme lari de Côme Jaffré. Jean possédait la langue et possédait Dieu. A dix-sept heures précises, il partait de case en case, méthodiquement, avec son lot bien classé des fiches du quartier. Les portes s’ouvraient toutes ainsi que les cœurs. C’est le charme de l’Afrique que cette facilité de contact. À vingt heures, Jean entrait en prière.
Le dimanche, les foules dévalaient le ravin de la Glacière pour remplir à quatre ou cinq reprises l’église Saint-François récemment bâtie par le F. Hyacinthe.
Jean ne paraissait guère préparé à devenir un baroudeur. Cependant, mobilisé au Congo en 1939 comme aumônier militaire, il accompagne la Légion étrangère pendant vingt ans. Comment ce doux conquit-il les durs de Bir Hackeim, d’Indochine, des Aurès ? Car il les conquit. Là encore, il avait ses secrets : son affection et la Médaille miraculeuse.
Compagnon de la Libération, officier de la Légion d’honneur, croix de guerre avec cinq citations, et Croix de la valeur militaire, l’aumônier prestigieux, auréolé de la baraka, prit sa retraite en 1959 comme “petit curé” de Saint-Mitre-les-Remparts. Il rendit au pèlerinage antique de Notre-Dame de Vie des célébrations ferventes. En 1971, pour être plus près de ses “hommes”, il obtint d’être nommé à Puyloubier. Ceux de la maison de retraite et d’innombrables autres légionnaires frappaient à la porte de Jean ; en appelaient à sa bourse et, bien davantage, à son vieux cœur. Pourtant, ils ne touchaient pas tout à fait le fond de son escarcelle. De vieux catéchistes du Congo, de vieux missionnaires recevaient leur mandat, méthodiquement, à date fixe, et la province de France n’était pas oubliée.
Et Jean vivait très modestement, assisté par une sœur admirable, Mlle Gabrielle, vénéré par tous dans les environs de la montagne Sainte-Victoire. Il vécut et mourut pauvre, tellement “bon type”. -
Mgr Raymond de La Moureyre - PM, n° 134.