Le Père Gustave Jauny,
décédé à Misserghin, le 13 juillet 1922,
à l’âge de 74 ans.


Gustave Jauny était né à Sommedieu (Meuse), le 20 mars 1848, et avait d’abord travaillé à l’atelier de forge de son père : c’est là que le désir d’être missionnaire s’empara de son âme, et pour mettre à exécution cette inspiration, il commença à 17 ans ses études au petit séminaire de Verdun. Sa vocation s’affermit dans cette maison, puis au grand séminaire pendant l’année de philosophie qu’il y passa, et à la fin de cette année, il demanda à être admis aux Missions Étrangères. Une inquiétude, celle de se voir isolé en mission, commença dès lors à le poursuivre ; il consulta les capucins de la rue de la Santé, les jésuites de la rue de Sèvres ; le sentiment unanime de ces directeurs d’occasion fut que le séminariste des Missions Étrangères devait entrer dans une congrégation de missionnaires où il trouverait la vie en communauté avec l’apostolat lointain. Après deux ans à la rue du Bac, il revient donc à Verdun où son directeur, l’abbé Didiot, ancien élève du Séminaire français et, plus tard, doyen de la faculté de théologie à l’Institut catholique de Lille, le dirigea sur Notre-Dame de Langonnet, au mois de décembre 1872.

Les hésitations de notre confrère étaient terminées pour le moment ; prêtre le 12 juillet 1874, il fit profession le 23 août suivant et fut envoyé au collège Saint-Charles, à la Réunion. Il avait indiqué à ses supérieurs son attrait pour l’enseignement, il fut professeur. Bon professeur et bon surveillant, de ceux qui ne se font pas une renommée au dehors mais au dedans sont de tout repos. De la Réunion, il passa à Maurice, au collège Saint-Louis, quand le collège Saint-Charles eût été fermé en 1878 ; et, en 1881, à la suppression du collège Saint-Louis, il revint en France.

Ce séjour en Europe lui valut des ennuis de toute sorte : sa mère était morte depuis plus d’un an, son père, qui avait fait des pertes d’argent, restait à la charge de ses enfants et ne pardonnait pas à son fils missionnaire de l’avoir abandonné ; l’une de ses sœurs se préparait à entrer en religion et se trouvait arrêtée dans ses projets par ces embarras de famille ; enfin notre confrère lui-même était bien fatigué de son séjour aux colonies.

Il se remit pourtant et partit bientôt pour Loango. À Landana, où il fut placé, il eut la charge du petit séminaire, avec vingt enfants de force diverse.

En 1886, il fut nommé préfet apostolique du Congo portugais lorsque, après le Congrès de Berlin, l’enclave de Cabinda revint au Portugal et fut séparée, au point de vue canonique, du Congo français.

Sa santé s’accommodait mal du climat et la fièvre le força à quitter le Congo.

Quand il fut rétabli, il partit pour l’île Maurice (septembre 1887). Pendant plus de huit ans qu’il y resta, il fut attaché à la Communauté de Grand-Port, puis curé de l’île Rodrigues.

À son retour en France (1897), il put rendre des services appréciés à Langonnet, comme directeur du collège et du petit scolasticat, puis, sa vue baissant, il fut successivement attaché aux maisons de Bordeaux, de Marseille, de Miserghin.

Il se trouvait dans cette dernière communauté quand, en 1903, cette communauté fut fermée. Que faire avec son infirmité sinon rester sur place en obtenant sa sécularisation afin de continuer son ministère chez les Sœurs trinitaires ? Il fut en effet sécularisé, par indult du 4 janvier 1904, et lui qui n’avait pensé rompre que les liens civils avec la congrégation, s’en trouva séparé au for ecclésiastique. C’était une méprise : il protesta dans la suite qu’il eût voulu conserver ses obligations de religieux autant que lui permettait sa nouvelle position.

Cependant, il se retira dans son pays natal, à Sommedieu, près de sa sœur malade qu’il assista jusqu’au bout, pendant que d’autre part il édifiait la paroisse par sa bonté et son dévouement. Sa sœur morte au début de 1912, le P. Jauny revint à Paris presque complètement aveugle et presque paralysé. Il ne s’inquiétait guère des effets de sa sécularisation ; il vécut six mois à Chevilly puis rejoignit Miserghin sans vouloir profiter d’une liberté qu’il n’avait pas sollicitée ; mais à la fin de 1918, il songea à rentrer dans le rang et, par précaution, avec l’assentiment de la maison mère, renouvela ses vœux et se prépara plus immédiatement à mourir.

Au mois de janvier dernier, faisant sa promenade ordinaire dans la pépinière, il fut pris d’une crise d’étouffement et fut ramené à sa chambre par le médecin lui-même qui passait par là. Ce dernier crut à une crise d’asthme mais, le malaise persistant, il ausculta le malade et conclut à de l’œdème pulmonaire. Vers la même époque, les facultés mentales du père semblèrent atteintes, il parut tomber en enfance, cessa de dire la messe et continua de descendre chaque jour à la chapelle pour recevoir la sainte communion.

Le 9 juillet, il sentit qu’il descendait pour la dernière fois, il reçut les derniers sacrements, ce jour même, avec une conscience plus éveillée, puis, le 13, vers treize heures, sans agonie, il rendit son âme à Dieu au moment où le frère infirmier lui proposait à boire un peu de lait. -
BG, t. 30, p. 868.

Page précédente