LE P. Louis JOLY
décédé LE 21 décembre 1805, DANS LA communauté de Saint Joseph Du SEYSSINET
Notice faite par le P. Vulquin.


Le P. Louis Joly, en religion Jean Berchmans, était né le 11 avril 1870, à La Motte-Servolex, diocèse de Chambéry, d'une famille de pieux et laborieux cultivateurs.

Dés sa plus tendre enfance, Louis montra de remarquables dispositions pour la prière. Tandis que ses jeunes camarades s'empressaient de quitter l'église pour courir à leurs jeux, il aimait à prolonger ses visites au saint Sacrement, édifiant tout le monde par son maintien modeste et recueilli. On sentait que la grâce agissait dans cette âme d'enfant et la préparait de loin à une vocation sainte et spéciale.

Il avait onze ans quand il comprit que Dieu l'appelait à la vie religieuse. Il songea d'abord à suivre son frère aîné qui était entré chez les Fils du bienheureux de la Salle; mais, en venant à lui pour la première fois dans la sainte communion, Notre-Seigneur lui accorda de nouvelles lumières et lui fit connaître qu'il voulait le faire participer à son divin sacerdoce. Le lendemain de sa première communion, Louis déclara à sa mère qu'il désirait être prêtre. Aux difficultés pécuniaires qui lui furent objectées, il ne répondit rien, mais il attendit qu'il plût à Dieu de les résoudre; sa confiance ne fut point trompée.

Un Père Jésuite d'Avignon, où se trouvait une de ses soeurs, ayant connu par celle-ci les désirs du pieux enfant, le fit venir et le fit admettre à l'École apostolique de Sainte-Garde, où il resta trois années et dont il conserva toujours le plus agréable et le plus reconnaissant souvenir.

D'Avignon Louis Joly fut envoyé à Clermont-Ferrand, au séminaire des Missions africaines. Malgré son vif désir d'aller un jour évangéliser le continent noir, le jeune séminariste s'aperçut bien vite que Dieu le voulait ailleurs, et trois mois après son arrivée à Clermont, il demandait à se retirer. Il ne put dormir pendant la nuit qui précéda son départ, se demandant avec anxiété où il devait diriger ses pas, lorsque, se jetant à genoux, il récita un fervent " Souvenez-vous ", pendant lequel la pensée de la Congrégation du Saint-Esprit lui vint à l'esprit. Marie, pour laquelle, encore tout enfant, il avait eu une tendre dévotion, lui montrait la voie dans laquelle Dieu l'appelait. Le lendemain, Louis vint frapper à la porte de Cellule, où il fut admis comme postulant scolastique. C'était le 24 décembre 1885. Une année après, le 21 décembre 1886, il était reçu à l'oblation et prenait rang parmi les scolastiques titulaires. " Cette fois, écrivait-il à l'une de ses soeurs, je suis là où le bon Dieu me veut; je suis content; prie pour moi, tout ira bien. "

M. Joly resta à Cellule jusqu'au mois d'août 4888. Comme tous les élèves de cette pieuse maison, il conserva pour ses anciens maîtres, spécialement pour son vénéré supérieur, la plus filiale gratitude. Quelques semaines après avoir quitté le petit scolasticat, il écrivait au Père Directeur

Je pense souvent à toutes les bontés que vous avez eues pour moi. Je sortais des Missions africaines, j'étais sans ressources, ne sachant où aller, et voilà que vous me recevez dans votre scolasticat, comme la Soeur de charité reçoit l'enfant abandonné au coin d'une rue!

Après avoir passé quelques mois au grand scolasticat de Chevilly, M. Joly fut envoyé à Rome pour y faire ses études de philosophie et de théologie et y prendre ses grades. Il y reçut la tonsure le 24 décembre 4889, les ordres mineurs le 22 juin de l'aimée suivante. Mais déjà s'étaient manifestés avec une intensité nouvelle les symptômes de la maladie de poitrine qui devait sitôt l'emporter : force lui fut de rentrer en France.

Envoyé dans sa famille, au milieu de laquelle il resta cinq mois, il arriva le 29 janvier 1894 à la communauté de Seyssinet; il y fut successivement employé comme surveillant et comme professeur. Ce fut à partir de ce moment que sa dévotion à saint Joseph prit un nouvel essor. Il demandait avec ferveur au patron des causes désespérées de lui rendre la santé afin de porter l'Évangile en Afrique, ou, si tels n'étaient pas les desseins de Dieu sur lui, de lui obtenir du moins la grâce du sacerdoce. Cette humble et persévérante prière devait être exaucée. M. Joly fut ordonné sous-diacre le 8 octobre 4893, diacre le 23 décembre de la même année et prêtre le 40 mars 1894, à Grenoble, des mains de Mgr Fava. Il reconnaissait être redevable à son bon père saint Joseph de ces précieuses faveurs; aussi aimait-il à ajouter à la signature de ses lettres : " Poitrinaire de saint Joseph. "

Vers le milieu de septembre 4894, M. Joly se rendit au noviciat de Grignon, où il suivit les exercices de la communauté autant que son état de santé pouvait le lui permettre. Le 48 avril 1895, il fut appelé à Paris pour professer la philosophie aux élèves du Séminaire colonial, et le 45 août, il fit sa profession avec ses confrères restés à Grignon.

Il nous était revenu le 10 novembre 1895, après sa profession, déjà épuisé par la maladie. Mais il avait demandé à saint Joseph la faveur de consacrer ses dernières forces à l'œuvre des Petits-Clercs. Grâce aux soins dont il fut entouré et surtout à la grande énergie de sa volonté, il put faire encore pendant près de trois mois ses quatre heures de classe par jour.

Ses élèves, qui formaient une classe supplémentaire, venaient d'être répartis entre les classes de 7° et de 6°, et, par ce fait, il allait se trouver libre et Bans travail. C'était le premier jour de la neuvaine préparatoire à la fête jubilaire du patronage de Saint-Joseph. Il s'y mit de tout coeur et, durant ces neuf jours, demanda tout spécialement à ce grand protecteur et père de lui obtenir un signe de la volonté de Dieu sur lui. Or, le jour même de la clôture de cette solennelle neuvaine, le 45 décembre, il s'aperçut que ses jambes étaient enflées. C'était la réponse de saint Joseph, il le comprit ainsi et ne songea plus qu'à se préparer à la mort.

Elle ne devait plus, en effet, se faire attendre bien longtemps. Le R. P. Supérieur, voyant que le cher malade s'affaiblissait de plus en plus, lui administra les derniers sacrements en présence des Pères, des Frères et des Clercs, ses anciens élèves, le 24, après la prière du matin. Il suivit avec attention et ferveur les prières liturgiques; puis, répondant aux paroles de sympathie et d'encouragement que venait de lui adresser le P. Supérieur, il remercia de toutes les bontés qu'on avait eues à son égard, demanda pardon à tous des scandales qu'il aurait pu donner, se recommandant aux prières et au pieux souvenir de tous ses confrères, se disant heureux de mourir aux pieds de saint Joseph, en qui il avait la plus filiale confiance. Quelques instants après, il émettait avec bonheur ses voeux perpétuels.

A part deux crises qui avaient fait craindre que ce ne fût la fin, la journée s'était assez bien passée lorsque, vers deux heures et demie du soir, le cher malade expira doucement, sur son lit, après avoir reçu une dernière absolution. C'était le samedi 21 décembre.

Les funérailles eurent lieu le lendemain, dimanche, après les vêpres de la paroisse. La cérémonie, présidée par le R. P. Supérieur, se fit dans notre chapelle. M. le Curé et presque tous les habitants de Seyssinet noies donnèrent une preuve de leur douloureuse sympathie en accompagnant notre cher défunt à sa dernière demeure. Les religieuses du Bon Pasteur, qui habitaient autrefois Seyssinet, avaient bien voulu nous accorder la faveur d'inhumer notre regretté confrère dans la partie du cimetière qui leur est exclusivement réservée.

" Reposez en paix, à l'ombre de la croix, cher confrère; nous ne vous oublierons pas dans nos mementos de chaque jour et nous espérons que, du haut du ciel, vous prierez pour la communauté de Seyssinet que vous avez tant aimée!

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