Le Père Aloyse KARMANN
décédé à Sarreguemines (57) le 5 janvier 1999, âgé de 90 ans


Né: 09.07.08, Wiesviller (57). Profès: 08.09.28, Orly. Prêtre: 06.10.35, Chevilly
Affectations : Professeur à Neufgrange (36-39), Allex (40-45), Neufgrange (45-54)A Neufgrange : recruteur (54-56), curé (56-69), rédacteur de lEcho (69-80)Auersmacher (Sarre), aumônier de personnes âgées(80-85). Retraite : Neufgrange (85-99)

Le fils du tailleur de Wiesviller avait treize ans quand il quitta son village lorrain pour entrer à Saint-Florent. Toute sa formation, qui n'était pas négligeable, était fondée sur le dialecte local et sur le haut allemand enseigné à l'école ; la prose harmonieuse des auteurs romantiques l'a éveillé à la beauté. Malgré la difficulté réelle, il prendra goùt à la langue française, à sa littérature. Il a une mémoire fantastique, surprenante et tenace. L'histoire et la géographie l'intéressent, les sciences naturelles sous-tendent un amour inné des plantes et des bêtes, des champs et des bois. Il est entendu qu'aux mathématiques il ne comprend rien, - et ce sera toujours ainsi !

Voilà comment se prépare un professeur de lettres classiques, amateur de grands textes, sensible à la vie sous toutes ses facettes, avide de communiquer la passion du beau, de l'exaltant, du divin. Le père Karmann n'a brigué aucun diplôme officiel. Comme il n'avait pas même un certificat d'études, il dut au début de son service militaire, à Rabat, chez les zouaves, se présenter au cours des illettrés ! Juste retour des choses : bientôt, le colonel du régiment lui demandera de donner des heures de rattrapage scolaire à sa fille. Au fait, c'est dans le Maghreb qu'il prit le goùt des vastes étendues, des horizons illimités, du grand silence.

En 1936, le jeune prêtre relevait d'une grave pleurésie. Son état de santé ne permettant pas de rêver d'un envoi en mission lointaine et Neufgrange demandant un professeur de français et de latin, tout naturellement on pensa à lui. C'était le début d'une carrière d'enseignant, qu'il poursuivit dix-huit années durant. Il put exploiter l'acquis de connaissances variées et précises, transmettre sa Sensibilité au beau et au bien. Il meubla l'intelligence, l'imagination et le cœur de ses élèves que captivaient ses narrations, modulées de gestes amples et calmes. Par ses lectures de récits en prose ou en vers, il alimentait les mémoires et stimulait les imaginations : il fallait que les enfants eussent des idées et sussent les exprimer.

En 1954, les exigences de l'Education nationale écartent de sa chaire ce professeur pas comme les autres. Il reste cependant à Neufgrange, et peut mettre en action des qualités de conférencier, de prédicateur, de directeur de conscience. Tout ce que jusque-là il n'avait manifesté qu'à l'occasion, il le vit pleinement, révélant son âme de prêtre, d'apôtre, de missionnaire d'un Seigneur qu'il aimait secrètement et ne demandait qu'à faire aimer par tous.

Il avait de tout temps répondu aux sollicitations du clergé mosellan, sarrois ou alsacien. Nommé recruteur, il s'applique pendant deux ans à découvrir des enfants attirés par la vie missionnaire. Puis il accepte la charge de curé à Neufgrange. Là, il s'intéresse à la vie des gens, visite en bon pasteur les personnes âgées et les malades. Avec beaucoup de réflexion il collabore avec le maire Lampert à la remise en état et à l'embellissement de l'église mise à mal par la guerre. Un de ses soucis constants a été la catéchèse des jeunes et leur formation chrétienne.

A partir de 1969, il devient rédacteur de l'édition bilingue de l'Echo de la Mission. Il s'est appliqué à parler des missionnaires spiritains de notre région de l'Est, et à les faire parler. Il a même tenu à entreprendre un voyage d'information en R.C.A. et au Cameroun. Il en a rapporté une foule de souvenirs qu'il a évoqués avec une précision minutieuse, jusqu'à ses derniers jours.

Ayant pris sa retraite, il continua à répondre aux appels du clergé voisin, mais surtout il rédigea, en allemand, à la gloire de son village de Wiesviller, un ouvrage considérable, comme une hymne à sa Lorraine natale et un adieu aux siens.
Repris du P. René COURTE

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