R.P. André KIEFFER
Annales du Diocèse de Port-Louis 1916, p. 146
13/09/1923


né à Ichtratzheim (Bas-Rhin), diocèse de Strasbourg (67), le 30/11/1861 ; premiers vœux à Grignon, le 15/08/1890 ; vœux perpétuels à Chevilly, le 28/05/1893 ; diacre à Chevilly, le 14/07/1889 ; prêtre à Grignon, le 28/10/1889 ; décédé à Strasbourg (67), le, à l’âge de 61 ans, après 33 ans de profession . Il a travaillé à Maurice du 11/05/1911 jusqu’au 07/06/1923 .

Un câble annonce la mort du R.P. André Kieffer C.S.Sp. Hier à 5 heures après-midi il s'est éteint presque subitement à l'hôpital civil de Strasbourg . Il y était entré à la fin d'août pour une myocardite très grave . Dès son admission, il avait réclamé et reçu les derniers sacrements .

Parti de Port-Louis mal-en-point le 7 juin (1923), il avait débarqué à Marseille le 7 juillet, ayant supporté péniblement la longue traversée . Aussi parut-il à la Maison-Mère « exténué, faisant peine à voir par sa maigreur » . Il ne s'attarda pas à Paris . Il entendait regagner sa paroisse mauricienne le plus vite possible et, pensa-t-il, rien ne hâterait autant son rétablissement que le bon air de son Alsace natale.

Il était né le 20 novembre 1861 à Ischtratzheim, d'une très modeste famille campagnarde . Au sortir de l'école primaire du village il dut aider les siens dans les travaux des champs, puis aller gagner sa vie à Strasbourg .

Depuis sa petite enfance il se sentait la vocation missionnaire . Mais la gêne de ses parents faisait obstacle à la réalisation de ses désirs secrets .

Soudain, en 1878, la Providence lui ouvrit la voie . Le vicaire d'Ischtratzheim lui enseigna les rudiments du latin puis le fit envoyer à Paris, où il suivit les cours du petit séminaire de Saint-Nicolas-du Chardonnet . Enfin, le 4 septembre 1880, il entrait à Notre Dame de Langonnet comme postulant de la Congrégation du Saint-Esprit . Scolastique à Chevilly pour la philosophie, à Braga, en Portugal, pour la théologie, le 28 octobre 1889 il était ordonné à Grignon par Monseigneur Duboin C.S.Sp. qui, de 1872 à 1875, avait été Recteur du collège Saint-Louis et Supérieur Principal de Maurice .

Peu après sa profession, émise le 15 août 1890, il fut dirigé sur l'Angola, I'Est-Afrique Portugais . Au Counène, en Cimbébasie, il remplit des postes importants : sous-directeur d'orphelinat, professeur au séminaire indigène, curé, supérieur de stations, procureur de la mission .

Dans le courant de 1906 il quitta le Continent Noir pour une chaire au collège de Braga . La Révolution du 3 octobre 1910, qui bannit les religieux du Portugal, l'y surprit et l'en expulsa .

II arriva chez nous le 11 mai 1911 .
Dés juin il s'en fut rejoindre à Rivière-Séche son compatriote, le R.P. Kocher C.S.Sp. Celui-ci mourut le 24 janvier 1912 . I1 lui succéda comme curé . Pour desservir cette paroisse de 4,500 fidèles disséminés sur un vaste territoire infesté de paludisme, il n'eut de vicaire que jusqu'en février 1915 . I1 est mort à la peine, dans sa soixante-deuxième année .

Sa mauvaise santé habituelle et, ces dernières années, un état fiévreux presque permanent, n'affectaient pas son caractère jovial . Conteur de grande classe, il relatait ses aventures missionnaires en Afrique avec une verve impayable, relevée d'une forte pointe d'accent alsacien . Sur les Portugais de l'Angola et de la métropole il ne tarissait pas d'anecdotes plus pittoresques les unes que les autres . D'une phrase, il campait un personnage, situait un épisode burlesque ou tragique, dépeignait une ville, un paysage . A l'écouter on n'était pas seulement amusé, on s'instruisait . Et l'on était édifié : son sens du comique n'empiétait jamais sur les droits de la charité .

Il était peu connu du public, même du clergé . Timide de tempérament, sortant le moins possible, ses rares contacts avec le dehors le laissaient dans l'ombre . Par contre, ses fidèles l'entouraient d'une estime, d'une affection sans bornes. Quel pasteur il faisait ! Toujours, sur son visage émacié, la sérénité ; toujours, sur ses lèvres exsangues le plus engageant sourire ; toujours, à l'égard de tous, la bonté, la patience, l'aumône opportune, spirituelle ou matérielle ; toujours sur la brèche malgré la malaria qui le minait, malgré même des accès de fièvre violents .

Ses paroissiens hibernaux, les "baigneurs" qui venaient passer la saison froide sur la plage de Trou-d'Eau-Douce, étaient à l'unisson de la population locale . Pour lui épargner la fatigue des longues courses en "cariole" de louage brimbalante, ils lui offrirent un bon cheval et une voiture confortable, prenant à leur charge tous les frais d'entretien .

Le Père Kieffer ne sera pas oublié dans les bas de Flacq . On se souviendra de lui comme d'un curé admirable, aussi indulgent pour autrui que rigoureux pour soi .
(Le 3 octobre eut lieu un) service de requiem à la cathédrale pour le R.P. Kieffer C.S.Sp. Monseigneur l’Evêque assiste au trône et, selon son invariable coutume, prononce un éloge funèbre .

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