Le Père Fulgence Lapeyre,
décédé à Loanda, le 19 janvier 1870, à l’âge de 28 ans.


Fulgence Lapeyre naquit le 15 janvier 1842 dans la paroisse de Saint-Geniès, ancien diocèse de Sarlat (Dordogne), de parents pauvres mais honnêtes. Le père étant mort jeune, sa femme resta seule chargée de cinq enfants, qui durent gagner leur vie du produit de leur travail. Fulgence était le plus jeune.

Le 8 décembre 1856, il entra à Gourin et passa, dans la suite, à Notre-Dame de Langonnet. Deux ans après, le 24 décembre, il fut admis à la prise d’habit : l’œuvre du scolasticat était alors dans ses premiers commencements. Exactitude et régularité, esprit de foi et de vie surnaturelle, charité et obéissance, zèle et générosité : sur tous ces points, ses directeurs ont toujours rendu de lui le témoignage le plus complet et le plus satisfaisant.

D’un extérieur paisible, il conservait avec une humeur constamment égale, un doux recueillement que rien ne venait altérer. Quoiqu’il advint, il ne manifestait aucun trouble, aucune préoccupation ; il ne cédait même pas, on peut le dire, aux entraînements de sa piété pour perdre un seul instant cette précieuse possession de lui-même où la grâce le dominait avec une onction pleine de force et de suavité.

Le 23 décembre 1865, il fut ordonné prêtre et le 26 août 1866, il émit ses vœux de religion.

Quelques jours après sa profession, le T. R. Père, le plaça à la maison mère, où il fut attaché au secrétariat. Sa douceur, sa modestie, sa soumission empressée, sa parfaite discrétion, une attention constante aux diverses occupations qui lui étaient confiées, sont aujourd’hui encore autant de traits qui se rattachent à son souvenir. Après avoir donné tous ses soins aux devoirs de sa charge, il s’occupait encore de faire le catéchisme au patronage de Sainte-Mélanie et de préparer à leur première communion les enfants pauvres qu’on y réunissait.

Après un peu plus d’une année de séjour à la maison mère, il reçut son obédience pour le Congo.

Vers la fin de novembre 1867, il s’embarqua de Toulon sur un bâtiment de l’État, le Cher, qui fit successivement escale à Saint-Louis, à Dakar et au Gabon. Le 7 mars 1868, il débarquait à Ambriz. C’était un compagnon envoyé au regretté P. Espitallié pour partager ses travaux et le tirer de son isolement. Son arrivée le combla de joie et leur union, qui datait des premières années de leur scolasticat, devint plus intime encore et s’accrut tout le temps qu’ils vécurent ensemble. Il fut spécialement chargé de l’école : nous savons quel intérêt il porta à cette œuvre : il se faisait simple et petit, comme le plus simple et le plus petit d’entre ces enfants, prenait part à leurs jeux, ne restait pas indifférent à leurs naïves conversations, les instruisait, gagnait leur confiance et, par ses réprimandes ou ses exhortations, par ses paroles toujours respirant la piété et empreintes d’un sentiment de foi qu’il savait proportionner à leur âge, il s’efforçait de leur inculquer des habitudes et un esprit bien chrétien.

Cependant la mort prématurée du Père Espitallié vint bientôt le laisser à sa propre initiative. Son zèle ne fit que s’accroître avec son désir de se dévouer sans réserve aux intérêts si chers de cette mission. Mais, comptant trop sur ses forces, il ne prit pas assez les précautions voulues pour ménager sa santé malgré les recommandations réitérées de la maison mère, et bientôt son tempérament qui n’était pas des plus robustes, s’altéra sensiblement.

« Lorsque le Père Lapeyre est arrivé à Loanda, à son retour d’Ambriz, écrit le P. Carrie, il était déjà très fatigué. Aussi, peu après son arrivée, fut-il dangereusement malade ; je ne crois pas qu’il se soit jamais bien relevé de cette maladie. Lorsque je le vis pour la première fois, je fus effrayé de la pâleur de son teint, de la maigreur de ses joues. Et il n’en pouvait être autrement avec la vie qu’il menait : sa manière de se nourrir, son logement, ses travaux, tout cela était chose insoutenable pour un Européen » (Lettre du 23 janvier).

« C’est le 16 janvier, continue le P. Carrie, que j’ai vu pour la dernière fois le Père Lapeyre ; c’est moi qui ai eu la consolation de le confesser. Lorsque je lui demandai s’il ne désirait pas recevoir Notre Seigneur, il me rappela que, le matin même, il avait dit la messe et me fit part de l’espérance qu’il avait de la dire encore le lendemain. Néammoins, il me dit que si on lui apportait la Sainte Eucharistie, il la recevrait avec reconnaissance. Il semblait déjà sentir comme un avant-goût de ce bonheur dont il ne devait plus jouir cependant. »

« Le lendemain, continue le P. Dhyèvre, comme nos inquiétudes persistaient, nous allâmes, le P. Carrie et moi, consulter le médecin qui le soignait et, comme nous lui exprimions nos craintes, il nous rassura en disant qu’il était loin de désespérer, et même qu’il avait constaté un mieux. Nous nous tranquillisâmes encore, persuadés que s’il survenait quelque mauvaise crise, le médecin, directeur de l’hôpital, se ferait un devoir de nous avertir. Hélas il n’en fut rien et, tandis que le 19 au matin nous nous disposions à aller voir le cher malade, on vint nous annoncer sa mort. » -
BG, t. 7, p. 547.

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