Le Père Raphaël Laurent, décédé à Loango, le 22 juin 1904, à l’âge de 36 ans

Raphaël-Marie Laurent naquit à Siévoz (Isère) le 28 septembre 1868. Son père était un de ces dignes instituteurs d’autrefois, dévoués, modestes, attachés à leurs devoirs et, par dessus tout, à leurs devoirs de chrétiens. Il avait neuf enfants. Raphaël en était l’aîné.

Le jeune Raphaël-Marie fit sa première communion à Simandres le 20 juin 1880 et, l’année suivante, il entra au petit séminaire de la Côte-Saint-André et, en 1886, au grand séminaire. Au lendemain de son ordination (11 juin 1892), le jeune prêtre est placé comme professeur à l’externat Notre-Dame, à Grenoble. Il se dévoue de tout cœur à cette fonction ; mais elle ne suffit pas à son zèle. Il veut être missionnaire. Il avait lu avec un intérêt particulier la vie du P. Libermann. Étant à Grenoble, il se trouvait en rapport avec l’œuvre de l’école apostolique de Seyssinet.

Son parti est pris et, le 1er août 1895, l’abbé Laurent arrive au noviciat d’Orly. Le 15 août 1896 il fait sa profession religieuse et reçoit son obédience pour le Congo français.

Il débarque à Loango, le 23 novembre 1896. Le lendemain, Mgr Carrie lui confie la direction de son petit séminaire qui, l’année suivante, est transféré à Mayumba ; le Père Laurent y suit ses élèves, et il y construit une sorte de petit ermitage, consacré à sainte Anne. C’est là, sur une pointe sauvage, dominant la belle lagune de Mayumba, qu’il aimait à aller prier et méditer.

La maladie l’oblige à rentrer en Europe en novembre 1902. Sur la fin de son congé, il eut la douleur de perdre son père. Durant son séjour en France, il fut occupé quelque temps, comme sous-directeur, au noviciat des frères de Chevilly.

À son retour au Congo, en août 1903, le P. Laurent fut chargé par Mgr Carrie de la Procure de Loango. Il ne s’attendait nullement à recevoir cette fonction nouvelle. Il l’accepta cependant avec un esprit de parfaite obéissance, et il s’en acquitta avec autant de tact et de prudence que de dévouement. Aussi chacun faisait-il des vœux pour qu’il conservât cette charge, quand, sur son désir, il fut nommé à la station de Boudianga, située à douze jours de marche au nord-est de Loango.

La mission de Boudianga est alors, sans contredit, la plus pénible du vicariat. Ravitaillement difficile, population réfractaire à la civilisation, site peu enchanteur, rien n’y satisfait la nature. Mais le P. Laurent est un homme de sacrifice, et malgré tout il s’y attache. Travailleur infatigable, il s’applique avec ardeur à l’étude de la langue kota et commence une série d’instructions très goûtées des indigènes.

Mais que de tristesses à côté de consolations encore rares ! Un jour, son école se vide tout entière, et ce jeu des enfants se renouvelle plusieurs fois sans la moindre raison.

La terrible fièvre le visite trois fois en six mois. Sur le conseil de ses confrères, les PP. Kieffer et Dubois, le dévoué missionnaire se décide à venir consulter le docteur à Loango. Il croit n’avoir qu’une légère affection au foie et pense pouvoir après quelques jours de soins rentrer dans sa chère mission. Hélas ! Il ne devait plus la revoir.

À son arrivée à Loango, le 24 mai 1904, son état n’avait rien d’alarmant. Trois semaines plus tard, il paraissait assez bien rétabli, et lui-même se mit à préparer sa caravane pour retourner à Boudianga.

Le 17 juin, dans la soirée, il arrangeait ses dernières charges quand il se sent repris par la fièvre. Il absorbe aussitôt une forte dose de quinine et se met au lit. Le lendemain matin, nous constatons avec douleur que la fièvre a pris durant la nuit un caractère de la dernière gravité : épanchement bilieux très prononcé, hématurie noire, prostration presque totale, accompagnée de hoquets fréquents. Le 22 au matin, les hoquets ayant à peu près disparu, nous lui proposons le saint viatique ; il accepte avec reconnaissance. À deux heures de l’après-midi, il perd l’usage de la parole et l’agonie commence. Tous les membres de la communauté se réunissent près de lui. Au mouvement des lèvres du moribond, on voit qu’il fait de suprêmes efforts pour s’unir aux pieuses invocations qu’on lui suggère ; enfin, à quatre heures cinq, il rend à Dieu sa belle âme. -
BG; t. 22, p. 767.

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