Le Frère Tudy LAVANANT,
1901-1937


Jacques Lavanant naquit à Guipavas, le 24 avril 1901, d'une de ces familles bretonnes qui gardent toutes les traditions de foi du passé. En 1912, il commença ses études classiques dans notre petit scolasticat de Gentinnes. La guerre l'y surprit ; il y passa de dures épreuves, comme tous ses camarades, épreuves à la fois physiques et morales, qui affaiblirent son tempérament et l'exposèrent, plus que d'autres, aux atteintes de la grippe espagnole. Comme d'autres il fut frappé de ce mal, mais le mal détermina chez lui une encéphalite léthargique, suivie du syndrôme parkinsonien. Pendant plus de dix-huit ans, ces suites de la grippe s'aggravèrent peu à peu et le conduisirent à la mort en 1937.

Le 22 septembre 1918, il passa de Gentinnes à Louvain, où il resta jusqu'au 2 janvier suivant. A cette date, il fut rapatrié. Chez lui, il trouva ses frères et sœurs, son père François Lavanant et sa mère Jeanne Milin. Or comme on l'appelait à Langonnet pour achever ses études, il s'excusa de ne pouvoir abandonner les siens qui avaient besoin de son aide : il avait 18 ans, et était capable d'aider à la ferme.

Pourtant il lui fut permis, à la rentrée des classes de 1919, d'entrer au collège de Lesneven pour y faire sa rhétorique. il y était déjà tourmenté par la maladie qui le suivra désormais jusqu'au bout, et l'arrêtera brutalement chaque fois qu'il s'efforcera d'aller de l'avant. Le 4 février 1920, il écrit en effet sur son carnet de notes : "Je promets à Notre-Dame du Folgoët d'aller y faire un pèlerinage le 8 septembre, si je suis délivré de cette maladie du sommeil qui me tourmente depuis le mois de juin 1918." Le penchant à la somnolence ne l'empêche pas néanmoins de subir avec succès les examens de la première partie du bacalauréat-ès-lettres à la fin de l'année scolaire.

Ce succès le poussa à entrer au Séminaire des Colonies, où il fut admis en octobre 1920. Cette année scolaire fut pénible; il ne put l'achever : en classe, il dormait pendant les explications du professeur, en étude il dormait sur ses livres. On fut obligé de lui accorder des vacances avant l'heure.

L'année suivante, il devait faire son service militaire. Comme son mal n'était pas nettement diagnostiqué, on espérait, et lui-même le premier espérait que la vie d'exercice lui ferait du bien. Au bout de trois semaines de caserne, il fut amis au Val-de-Grâce ; il y était réformé en novembre 1921, avec le conseil de s'abstenir de toute étude, d'alcool et de tabac !

A peine revenu chez lui à Guipavas, il demande à rentrer dans une communauté, à St-Ilan d'abord, puis à Langonnet. On lui assigna Langonnet; il consulta les médecins, suivit un traitement qui lui fit du bien et reprit sa place au Séminaire en octobre 1922. Ce nouvel essai ne réussit pas davantage : le 11 décembre suivant il quittait encore une fois le Séminaire pour soigner sa poitrine gravement atteinte.

Il passa l'hiver chez ses parents ; au printemps, il se rendit en Alsace, chez sa sœur établie à Haguenau, puis dans un sanatorium près de Ribeauvillé. Le succès de ce changement d'air fut tel qu'il eut l'espoir, non de reprendre ses études, mais de se consacrer à Dieu dans la vie religieuse comme Frère. A cet effet, il entra au noviciat de Chevilly le 15 novembre 1923. Au moment de faire profession, en mai 1925, il hésita. Seule sa santé l'avait écarté du Séminaire ; puisque sa santé lui permettait désormais d'être Frère, pourquoi ne tenterait-il pas encore d'atteindre au sacerdoce ? A cet effet, il demanda d'être envoyé dans quelque colonie où, le soleil aidant, il se remettrait, achèverait ses études, et recevrait les saint ordres sur place.

La maison-mère acquiesça à son désir: en septembre 1925 il partit pour la Réunion, afin d'aider, à l'école de Cilaos, à l'éducation des petits apostoliques. Il connut de mauvais jours dans cette nouvelle position, et quand l'école fut provisoirement fermée, il revint en France : on avait constaté que le climat tropical ne lui valait rien.

N'y avait-il pas de quoi se décourager dans cette suite d'aventures ? Cette fois sa santé paraissait bien compromise. La congrégation, qui l'avait jusque-là considéré comme l'un des siens, ne pouvait l'abandonner. Il demanda à reprendre sa place au noviciat des Frères ; on le lui accorda. Par indult spécial, il obtint de subir son épreuve à l'abbaye de Langonnet. Il la commença en juillet 1928 et fit profession le 15 septembre 1929 sous le nom de Frère Tudy, bien qu'il fut désormais incapable de rendre service. Depuis longtemps déjà ses membres étaient gagnés par la rigidité qui est le symptôme le plus marquant de sa maladie. La paralysie l'obligea à garder la chambre, ou à ne sortir que dans une voiturette. Mais son intelligence resta entière et il lisait beaucoup. Sa piété fervente et sa soumission à la volonté divine toujours très édifiante. Bientôt la tuberculose pulmonaire prit le dessus. Faisant la sacrifice de sa vie pour la congrégation, il est mort comme un saint le 3 juillet 1937, âgé de 36 ans.

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