Le Frère Cassien LE BLEIS,
1911-1984


Gildas, de son nom de baptême, naquit à Pont-l'Abbé, capitale du pays bigouden, le 23 novembre 1911. Les premières manifestations de sa vocation missionnaire transparaissent sur une vieille photo d'enfants de choeur de Pont-l'Abbé, armés d'énormes paroissiens gregoriens, et dont le verso manuscrit nous précise que "la relève est assurée". Ceci permettait à Gildas de rejoindre l'Abbaye de Langonnet; ses débuts se passeront dans une brume un peu équivoque : les pieds au postulat des Frères, la tête à l'école apostolique, dans la cour d'à-côté, il en restera un peu acide. En 1928, c'est le postulat à Cellule ; puis en 1929, le noviciat à Chevilly, où il fait profession, le 3 septembre 1930, sous le nom de Frère Cassien.

Sa grande passion - sa grande consolation - sera le travail sur bois, à Chevilly de 1929 à 1935, et à Mortain en 1935-1936, avant de partir à Diohine, au Sénégal en 1936. Même les intermèdes de la guerre, depuis l'Afrique jusqu'à l'Allemagne, donneront encore au caporal-chef d'une unité sanitaire, l'occasion d'exprimer ses talents d'artisan sur bois. En 1945, nouveau cheminement au Sénégal : deux ans au petit séminaire de N'Gasobil, avant la période la plus épanouie de sa vie, 1947-1956, à Rufisque ; à sa passion de la menuiserie s'ajoute une ouverture sur la catéchèse des enfants et la formation des Frères africains. C'est aussi l'époque des grands chantiers : sa gloire, la charpente de l'église de Thiadiaye.

En 1956, il remonte vers l'Afrique du Nord pour huit ans, au-dessus d'Oran, à Misserghin, centre de formation professionnelle, de recherches dans le domaine des agrumes. Petit à petit, l'apiculture empiétera sur tout ; d'ailleurs, à ce sujet, il a été beaucoup écrit et beaucoup parlé. Puis la marche vers le nord se poursuit : retour sur Paris, la rue Lhomond, de 1964 à 1968. Ensuite la marche vers l'Ouest, par Mortain et Saint-Ilan, en attendant de s'enfoncer dans la Bretagne profonde et de retrouver sa vieille Abbaye, en 1975.

Nous retiendrons de lui sa recherche de Dieu, sa dévotion au Père Brottier, sa compétence technique, ses astuces, son dévouement courageux, sa volonté de gagner sa vie. Nous lui pardonnons volontiers ses moments difficiles, fonction souvent de son taux d'urée. La dernière ligne droite, avant l'arrivée, fut remarquable de calme et de sérénité : pèlerinage quotidien, avec un grand sourire sous une grande barbe, du côté de l'Allée des Moines, vers son domaine extérieur, le rucher. C'était son théâtre secret, son théâtre de plein air, déjà un coin de paradis. Des heures durant, il jouissait : des ouvrières surchargées d'énormes fardeaux de pollen, au moins une toutes les trois secondes. Ah ! ces ruches ! toutes de sa fabrication, bien structurées, astucieuses, du préfabriqué savant. Une piqûre d'abeille par ci, par là, c'est très bon pour les victimes d'infarctus, ça liquéfie le sang disait-il avec humour. Hélas ! Le cœur, le diabète... les piqûres d'abeille n'ont pas suffit Le Frère Cassien s'est envolé, chargé de pollen et de nombreux secrets, rejoindre, en ce temps du 15 août, la Reine d'une autre ruche. Ce jour, le cierge pascal de vraie cire d'abeilles, exhalait un parfum tout particulier, apprécié de sa famille et de ses nombreux amis apiculteurs.
Robert Lein

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