Le Père Pierre LE DEZ,
1894-1964


Le P. Pierre Le Dez est né à Scaër le 27 aoùt 1894, fils de Louis et de Marguerite Pensivy. Il fit ses études secondaires dans les écoles de la congrégation qui avaient dû à cette époque s'établir hors de France : à Suse en Italie pour les 4 premières années, et à Gentinnes en Belgique pour les trois dernières. Il les couronna par le baccalauréat-ès-lettres. Mais déjà la guerre approchait. Il passa le conseil de révision à Maubeuge le 3 mai 1914, et ce fut ensuite cinq années de vie militaire. Il sut tout supporter, sans perdre sa vocation ni sa bonne humeur. Démobilisé il entra au noviciat et fit profession à Langonnet le 1er novembre 1920. Prêtre à Chevilly le 28 octobre 1924, il reçut l'année suivante son obédience pour le Cameroun.

Arrivé à Edéa en septembre 1925, il fut affecté à Samba l'année suivante et y travailla jusqu'en septembre 1931. On a dit qu'à cette époque l'Esprit Saint soufflait en tempête sur le Cameroun.

Une lettre du P. Le Dez nous le fera comprendre. Il écrit le 15 janvier 1927 au Frère Théodule Canivel, originaire de Quimperlé, qui était alors au secrétariat de la Maison Mère à Paris. On y verra à la fois l'action du Saint Esprit et celle du Père Le Dez. Il écrit d'Edéa :

" Bien cher Frère, Je suis impardonnable, dites-vous, clamez-vous à pleins poumons : Quel mufle !! Il ne répond même pas aux lettres. Ne me lancez pas trop la pierre. Je ne suis pas dans une sinécure ici. Je suis à 130 km d'Edéa, à Samba, où j'ai en 6 mois installé une mission superbe. J'y ai à moi seul plus de 500 chrétiens et presque le double de catéchumènes. J'y passe un mois sur deux, et chaque fois que je viens ici je m'appuis pour l'aller et le retour 260 km, plus les centaines que je fais en brousse, car j'ai tout un pays à desservir. Je me suis appuyé un boulot fantastique et je pensais (ce qui m'encourageait) qu'en octobre j'aurai eu un confrère pour m'aider. Hélas ! Tous ont passé sous mon nez et je me vois encore seul ici, triste perspective, pour au moins un an : me demandant si mes Supérieurs veulent ma mort. Je n'en puis plus et suis rendu. Sur 80 kg que j'avais au débarquement au Cameroun, je n'en ai plus que 58 aujourd'hui. Mgr Vogt un peu alarmé en me voyant en cette drôle de position, m'ordonne un mois de repos. Mais il a oublié de m'envoyer ou un remplaçant ou un aide. Si bien que me voici de nouveau seul au boulot plus que jamais. Il y a des vacances à Noël dans certains pays, mais ici non. Oyez seulement.

Arrivé à Samba le 24 décembre, le 10 janvier j'avais déjà entendu plus de 1600 confessions et renvoyé beaucoup sans sacrement. En outre j'ai prêché une retraite de 3 jours pleins (8 sermons) à mes 121 catéchistes, du 6 au 10 janvier. Sans être méchant il m'arrive parfois de murmurer contre le Maison-mère qui sur une promotion de 60 jeunes Pères, ne trouve le moyen de doter le Cameroun que de 5 martyrs de plus. Qu'est-ce que cela pour ce pays : en 8 mois à Samba j'ai fait plus de 1200 baptêmes et si j'avais eu le temps d'examiner les catéchumènes j'en aurais fait davantage. Certains jours je me démoralise en pensant à mon boulot, et quand il me faut descendre à Edéa j'ai la mort dans l'âme en abandonnant ma mission pendant un grand mois. J'y laisse après moi plus de 300 écoliers, 70 jeunes filles dans l'œuvre des fiancées, 20 élèves catéchistes et tous mes ouvriers. Comment tout cela marche-t-il quand je ne suis pas là 99 Je m'arrête dans mes lamentations ; bien que secrétaire près du Soleil, vous n'êtes pas Supérieur général et ne pouvez rien changer à ma triste situation. Priez seulement pour un pauvre bougre, et si un jour vous apprenez que j'ai claqué du bec, faites une bonne communion pour moi. Que je n'oublie pas cependant de vous offrir mes vœux de l'an, les plus sincères et chaleureux : "Blavez mad." (Bonne année) Veuillez présenter mon respect au R.P. Cabon s'il vous plaît. Bien votre en Notre Seigneur - Pierre Le Dez.

On ne sera pas étonné d'apprendre que le P. Le Dez ait été appelé à se consacrer aux œuvres Pontificales de la Propagation de la Foi et de Saint-Pierre-Apôtre. Il avait la flamme missionnaire, une grande facilité d'élocution, oralement et par écrit, et beaucoup d'entregent. Il résida à Bordeaux de 1932 à 1936, et à Marseille de 1936 à 1963. Malade en 1964, il se retira à la communauté de Grasse. Il y décéda le 2 novembre, pour rejoindre tous les saints dans le Royaume de Dieu qu'il avait tant prêché. Il avait 70 ans.

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