Le Père Albert LE FLOC'H

Né : le 23/07/44 à Quimper (29) Profès : le 8 septembre 1962 à Cellule Prêtre : 27/06/71 à Guingat, Décédé le 28 mars 2013 à la Maison médicale Jeanne Garnier (75015)

AFECTATIONS :
R.D. CONGO
: Kongolo (72-75 ; vicaire) ; FRANCE : Vanves (75-80 ; Vocations et 1er cycle) ; R.D. CONGO : Kongolo (80-82 ; Pastorale des jeunes) ; Kabongo (82-84 ; Pasto-rale de brousse) ; FRANCE : Paris (84-85 ; santé) ; R.D. CONGO : Kongolo (85-88 ; Aumônier Srs CIMKO) ; Lubumbashi (88-91, curé Paroisse St Amand) ; FRANCE : Maison-Mère (91-92 ; Recy-clage) ; Chevilly (92-97 ; Accueil et Supérieur Régional Nord) ; Maison-Mère (97-98 ; AFRN), R.D. CONGO : Lubumbashi (98-2001 ; Maître des Novices) ; FRANCE : Maison-Mère (2001- sept 2012 ; Secrétaire Provincial).

Ce 23 juillet 44, Maman se doutait bien qu'elle avait des jumeaux, mais ce fut quand même le branle-bas pour accueillir comme il se doit Marie-France et le petit Albert. Oui, il était tout menu, c'est pourquoi Maman l'a mieux nourri et qu'il fut vite un jeune garçon rondelet.
Albert est l'exemple d'une vocation précoce : septembre 55, à peine onze ans, il part à Lan-gonnet pour suivre sa sixième chez les Spiritains. Marie-France m'a raconté qu'ils étaient tellement insouciants qu'ils se sont amusés à jouer à cache-cache entre les lits du dortoir.
Ses années de formation à Saint-Ilan, à Cellule, à Mortain furent heureuses. Résultats plus que satisfaisants, sportif et dynamique, scout toujours prêt.
Il fallait une bonne dose d'aventure et de générosité pour partir en coopération deux ans à Kongolo dans le Congo-Kinshaha, en 1966, seulement 4 ans après le massacre de 20 con-frères le 1er janvier 1962 et une rébellion en 1963. Albert à rencontré à Kongolo notre frère Daniel BOUJU et son ami Pierre BAUDET au collège LIBERMANN. A 21 ans on a de l'enthousiasme et de la créativité. Albert était la joie de vivre et très généreux. Il a pris goût à ce trait majeur dans sa vie : le souci de la formation en toutes circonstances, le souci d'un travail bien fait et précis. Sur son carnet d'adresse, il a encore quelques noms de ses anciens élèves. Beaucoup malheureusement sont déjà décédés.
Pendant sa théologie à Chevilly, il y a un fait marquant : le pèlerinage de Chartres. Il était un fervent de ce pèlerinage et il y a noué de solides amitiés. Albert a de la fidélité en amitié.
Jeune prêtre, Albert repart à Kongolo, comme vicaire d'un aussi jeune curé que lui, SOOI, dans la paroisse où fut érigée l'église en mémoire des 20 martyrs de Kongolo. Ce furent ses trois années les plus heureuses. Il faisait de tout, mais plus particulièrement s'occupait des jeunes et de formation des responsables laïcs. De 1972 à 1975 il fut aussi le compagnon d'une trentaine de coopérants, professeurs au collège LIBERMANN. Plusieurs d'entre eux sont avec nous aujourd'hui. Nous nous sommes retrouvés pour une messe en l'honneur du Père BOUJU en la chapelle de la rue Lhomond, toujours bien convaincus que ces années de bénévolat sont à marquer d'une pierre blanche dans nos vies.
Après trois ans, le voilà rappelé à Vanves pour l'accompagnement de jeunes candidats Spi-ritains et l'animation vocationnelle. L'un d'entre eux me disait : " Albert était vraiment sympa. A peine je lui avais écrit, il est venu me voir chez moi. Et si je suis Spiritain aujourd'hui, c'est grâce à lui ". Il reste cinq ans à Vanves puis de nouveau repart à Kongolo, tou-jours pour la pastorale des jeunes. En 1982, je me trouvais tout seul dans une immense mis-sion de plus de cent villages, à Kabongo. Albert s'est un peu sacrifié pour venir avec moi. Dieu sait combien Albert était disponible. Il suffit de voir le nombre de postes qu'il a tenu par la suite : Kabongo, Paris, Kongolo, Lubumbashi, accueil à Chevilly , Maître des novices à Lubumbashi et enfin secrétaire provincial rue Lhomond.

A Kabongo nous sommes vraiment devenus des amis. Albert est homme de la Parole de Dieu, de la catéchèse, du chant. Il ne laisse pas d'ouvrages matériels mais des personnes formées à la réflexion et à l'esprit ouvert. Il avait une qualité d'écoute et de discernement peu commune. Depuis ces deux années, nous nous sommes donnés le sacrement de récon-ciliation bien souvent. Oui, Albert se confessait régulièrement dans une grande humilité. Après un séjour heureux dans une paroisse de Lubumbashi, Albert revient à Chevilly pour s'occuper de l'accueil pendant 5 ans. En 1998 il devient le premier maître des Novices de la Fondation du Congo-Kinshasa. Il s'y était préparé sérieusement. Je suppose que les cours préparés par lui sont toujours dis-ponibles à Lubumbashi. Même si son passage fut assez court, ces trois années restent une référence de sérieux et de générosité. 2001 fut pour Albert une année douloureuse. Il a dû renoncer à sa charge et rentrer en France, prenant conscience alors, qu'il fallait comme Jean-Baptiste, lâcher prise et laisser la place, se déposséder.
Disponible, il devient secrétaire provincial. Il aimait à dire " boy " de l'équipe provinciale. Finalement le terme breton lui convient mieux : il est " floc'h ", en traduction littérale " écuyer ". Albert m'a toujours dit qu'il ne voulait pas être supérieur parce que trop dur, ni économe parce que trop commerçant. Ce qu'il savait très bien faire, c'était l'accueil des personnes, l'écoute, le conseil, prêcher des retraites, soutenir ceux qui en ont un peu marre. Je dirais qu'il ressemble à un calvaire en Bretagne, un granit rugueux et buriné par les intempéries, mais combien fascinant et finement ciselé dans la lumière du couchant.
Je veux rappeler son témoignage de fidélité à l'eucharistie. Mal dans sa peau, douloureux et pourtant assis au fond de la chapelle pour être moins dérangeant en cas d'urgence, il a été pour nous un exemple. Chaque matin il priait longuement la parole du jour et recevait le pain pour la marche. Que dire de sa dernière année, de ses dernières semaines ? L'évangile des Rameaux commence par évoquer un jeune âne: " Le Seigneur en a besoin ". Oui l'âne de l'humilité, pas le cheval d'orgueil. Ce fut le combat et la grâce d'Albert. A la fin, il ne restait plus que l'âne qui n'arrivait même plus à porter son Seigneur.
" Depuis le début de ma maladie, j'ai dit que je voulais, non pas la subir, mais la vivre. Je dis la même chose pour la mort, je veux la vivre et non la subir... "
Les derniers jours, tu n'avais plus la tête, mais tu avais le coeur et c'est là ta dignité. Tu avais pris dans tes bagages le livre de Mgr Jean-Claude Boulanger :
la prière d'abandon, un chemin de confiance avec Charles de Foucauld.
Oui, je suis persuadé que ce fut ta prière d'agonie : " Mon Père je m'abandonne à toi, Fais de moi ce qu'il te plaira.
Quoi que tu fasses de moi, je te remercie, Je suis prêt à tout, j'accepte tout.
Pourvu que ta volonté se fasse en moi, en toutes tes créatures, je ne désire rien d'autre, mon Dieu.
Je remets mon âme entre tes mains.
Je te la donne, mon Dieu, avec tout l'amour de mon coeur.
Parce que je t'aime, et que ce m'est un besoin d'amour de me donner,
De me remettre entre tes mains sans mesure, avec une infinie confiance, Car tu es mon Père. "

Merci à toi Albert ! Merci à Dieu pour toi ! Que notre rencontre autour de toi aujourd'hui ne soit pas triste mais pleine de paix, d'espérance et de joie profonde.
Noël PERROT

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