Le Père Charles LE FUR
décédé à Chevilly, le 19 septembre 1997, âgé de 73 ans inhumé à Chevilly, le 22 septembre
Né 29.12.24, Landudal (29). Profês : 05.10.44, Piré. Prêtre : 01. 10.50, Chevilly.

AFFECTATIONS : Cameroun: Eseka (51-59) ; Douala, cathédrale (59-64) ; Japoma (64-66) Makak (66-68) ; Saint-André (68-78) , Dizangué (78-90) ; Bépanda (90-93). France : Chevilly (93-97).


Au mois de septembre 1936, arrivaient à l'abbaye de Langonnet trois jeunes Finistériens, en vue de devenir missionnaires : Charles Le Fur, de Landudal,, André Landrein, de Pont-Aven, Hervé Briec, de Combrit. Pendant quinze ans, nous avons cheminé ensemble, et nous sommes devenus et restés des arruis.

En 1951, Charles et André sont affectés au Cameroun. En 1953, Hervé, recevant la même affectation, les retrouve. Charlick était un camarade épatant : fidèle, discret et calme. On avait plaisir à le côtoyer et à le fréquenter, car il avait la relation facile et beaucoup d'humour, un humour gai et amical. Sa cible favorite, C'étaient, bien sûr,« les Bigoudens » : il n'était pas « Glazick » pour rien !

Charlick a passé toute sa vie active dans le diocèse de Douala. Il ne venait que très rarement à Yaoundé. Conséquence regrettable pour nous : on ne se voyait presque jamais. Mais nous savions qu'il était courageux au travail et proche des gens, fidèle à visiter les communautés chrétiennes, surtout les plus isolées. Sa cordialité et sa simplicité le faisaient aimer des jeunes comme des adultes.

Notre génération a dû vivre un événement capital pour le pays : l'accession à l'indépendance, le ler janvier 1960. Il a fallu adapter nos mentalités et ce ne fut pas toujours si simple que cela.

En 1987; au moment de repartir pour le Cameroun, après un congé au pays, Charlick faisait une sorte de bilan qu'il intitulait : « Les temps ont changé ». Il constate avec sagesse : « Tout n'est pas parfait depuis l'indépendance, loin de là ; mais où est-ce parfait ? En quelques années, et très rapidement, les gens ont évolué... Etre libre, dans son pays, est une des choses dont rêvent tous les hommes... On peut dire que maintenant, au Cameroun-Sud, l'Eglise est plantée... Ce qu'il faut aujourd'hui, c'est dans chaque village, un noyau dynamique de laïcs pour assurer la vitalité de la communauté chrétienne ». C'est la suite logique du travail des missionnaires !

Un an plus tard, 1988, ce fut pour Charlick le début des épreuves physiques et morales après un accident, où il fut horriblement brûlé aux mains, plusieurs mois de soins en France ; un retour au Cameroun ; en 1993, retour définitif en France, à Chevilly. Entre infirmerie et hôpital, ce furent là des années douloureuses, où il fit preuve, selon son entourage, lucidement et sereinement, de beaucoup de courage tranquille, de sainteté secrète...
Hervé BRIEC

HOMELIE - Messe à Bépanda-Douala le 22 Septembre 97. Père Paul MEJEAN.

A cette heure-ci, nous nous unissons à nos confrères de Chevilly, près de Paris, qui portent à sa dernière demeure le corps du Père Charles LE FUR. Son départ, de Bépanda, sa maladie, sa mort nous ont bien affectés, moi-même en particulier, car bien des circonstances nous rapprochaient : l'âge (six mois de différence), la taille j'ai hérite de son aube), le champ d'apostolat (le Diocèse de Douala) et surtout les régions de langue Bassa.

En 1951, agé de 27 ans, il arrivait au Carneroun, comme prêtre et missionnaire. A peine débarqué, il rejoignait ESEKA, paroîsse-pilote, son premier poste, puis il a parcouru à peu près tout le Diocèse

Douala, Japoma, Makak, Saint-André de Pouma, puis Dizangué et enfin Bépanda. Tantôt il servait comme premier responsable, tantôt comme second.

Nous nous sommes rencontrés à Saint André, et surtout dans l'équipe régionale de Dizangué. Nous étions : les Pères Gabriel MICHEL, Jean CHEVALIER, Martin LE LAN (avec lui, Charly) et moi-même; souvent aussi le Frère Timoléon. Nous ne passions pas un mois sans nous revoir pour partager repas, prière, apostolat et aussi une bonne partie de belote, qui souvent dépassait minuit.

J'ai choisi pour Lectures la conclusion de l'Ange Raphaël à Tobie: "Parce que tu étais bon, il fallait encore que ta foi soit éprouvée

Et le passage de St Marc que nous lisions hier au 25e Dimanche. Pour le Christ aussi, il fallait t'épreuve. Le Père Charles, qui voulait le suivre, a pris le même chemin.

D'abord en tous temps, migraines et aigreurs d'estomac. St Jean Chrysostome disait : perte des parents, des amis, victoire des ennemis, il n'est aucune douleur que le temps n'adoucisse, sauf les aigreurs d'estomac. Ces difficultés le portaient à vivre un peu séparé, même peut-être à se doper par la cigarette. Enfin, un accident d'électrocution l'a fait beaucoup souffrir et lui a valu de perdre trois doigts. Puis, ici, à Bépanda, une toux persistante ne le quittait plus. On a du l'évacuer sur Paris. Là, on a reconnu un cancer trop avancé: il a fallu lui enlever les cordes vocales. Désormais, il ne parlait plus, il avalait avec peine. Alors, peu à peu, durant trois ans, il s'est totalement coupé du monde.

Le 2e paragraphe du passage de St Marc ne concernait pas le Père Charles : la dispute entre Apôtres pour savoir qui serait le premier. Lui-même, selon les circonstances, tantôt supérieur, tantôt inférieur, n'a jamais montré la moindre réaction...

Le 3e paragraphe, par contre, nous dévoile de quel côté allait son cœur: les légionnaires de Marie, et surtout les enfants, son apostolat préféré: les préparer au Baptême et à la Communion. Il disait : « A 9 ou 10 ans, tout enfant ressent la vocation, c'est-à-dire l'appel à l'amour de Dieu. »

Ces enfants ou jeunes lui ont valu bien des joies mais aussi des épreuves. C'est en bricolant avec des jeunes un appareil de projection à Dizangué qu'il a failli mourir d'électrocution. Et, ici, à Bépanda, alors que la maladie commençait à le serrer, il s'était attaché d'affection à un jeune homme, apparemment très dévoué. Lorsque ce jeune a été surpris à voler gravement, le Père est resté sans parole, meurtri dans son cœur. Peu de temps après, il quittait l'Afrique pour toujours. Durant les 3 ans qu'il lui restait, il apprit à vivre seul. Il ne souffrait pas toujours, et il put aller dans son village natal, Landudal, en Bretagne, revivre quelques moments auprès de sa vieille mère adoptive. Elle l'avait accompagné de son amour tout au long de sa vie. Elle a quitté ce monde en paix, et, dans le séjour où la souffrance est finie, il est venu la rejoindre.

"Qui accueille un enfant comme celui-ci .. c'est moi qu'il accueille, et mon Père l'accueillera .
AMEN!