Le Père Grégoire LE GUENNEC,
1875-1960


Le P. Le Guennec naquit le 9 février 1875 à Kemé en Quiberon, où résidait son père, capitaine de cabotage.

Etudes primaires à Quiberon, secondaires à Mesnières et à Langonnet, Théologiques à Langonnet et Chevilly. Il accomplit son service militaire en 1896-97. Profès en 1898, il devint prêtre le 28 octobre 1899. Durant sa formation il réussit à régulariser sa conduite, fort inégale au début, et mérita en finale cette appréciation du P. Kieffer : " Progrès sensible. Très bien, riche nature, en très bonne voie. "

Affecté aux missions portugaises de l’Angola, le P. Le Guennec débarqua à Benguéla en novembre 1900 ; il est mort le 18 juillet 1960 à 85 ans, à la mission de Bimbé dans le diocèse de Nôva-Lisboa.

Avec lui disparaît le dernier de la vieille garde spiritaine de l'époque héroïque. C'était le temps, difficile à imaginer de nos jours, du char boer, dans un vaste pays où n'existait encore ni route, ni chemin de fer ; où les vélos étaient fort rares. C'était l'époque où l'on paraissait encore convaincu que la conversion de l'Afrique noire devrait s'opérer par le rachat des esclaves rassemblés dans des villages chrétiens. Le nom du P. Le Guennec restera lié à l'évangélisation du peuple des Vimbundu qui occupe tout le vaste territoire du diocèse de Nova-Lisboa, ainsi que des régions importantes des évêchés limitrophes de Silva-Porto et de Sa-da-Bandeira. De tous les prêtres pionniers de ce pays, il est le mieux connu, le plus populaire.

Et ceci pour deux raisons : par ses séjours assez prolongés dans presque toutes les stations anciennes, mais surtout parce que les livres actuellement en usage dans la chrétienté (catéchismes, histoire sainte, cantiques, vocabulaires, etc.) sont pour la plupart le résultat des connaissances hors ligne que possédait de la langue indigène le vénérable défunt : s'il ne les a pas composés de toutes pièces, il les a retouchés et perfectionnés en maître incontesté.

Bel homme svelte au regard vif et à l'allure décidée, équipé pour une tournée de brousse, veston en kaki, chaussé de hautes-bottes, la grosse canne en main, au milieu des porteurs, l'inséparable chien à ses côtés, on ne pouvait s'empêcher de penser à la figure sympathique de ces officiers de marine, fils comme lui du pays de Bretagne, si riche en hommes de valeur. D'une constitution robuste à toute épreuve, on a toujours eu du mal à comprendre comment il pouvait tenir et se conserver avec l'alimentation restreinte qu'il prenait ; son menu consistait invariablement de légumes frais, de bananes et de pain beurré. Un gros pot de café, qu'il buvait toujours sans sucre, était à sa disposition à la cuisine. Quand on insistait pour qu'il prenne de la quinine, il en absorbait du coup 8 à 10 comprimés, et s'en était fait pour plusieurs mois.

Cet homme légendaire, rude à la besogne, avait cependant gardé un cœur de père, débordant d'affection et de dévouement, toujours prêt à rendre service, au risque de se priver, lui-même et ses confrères.

Quand il était jeune, ne craignant pas les aventures risquées et périlleuses, il n'y voyait au fond que des épisodes faisant naturellement partie de la vie missionnaire.

Chez tous, le bon et vaillant P. Le Guennec a laissé le souvenir d'un missionnaire qui a mis au service de l'Eglise toutes ses forces physiques et ses capacités intellectuelles. Pour ses frères en religion, son nom évoquera toujours un confrère qui a pratiqué, sa vie durant et de façon peu commune, la charité fraternelle. Tous sont unanimes à dire qu'il fut un exemple vivant et rare de cette belle vertu si importante dans la vie commune. Tenait-on devant lui des propos de médisance, il y coupait court : "Ah bah, nous avons tous nos défauts". Se livrait-on à des critiques malveillantes concernant les supérieurs, il déviait la conversation : "Allons donc, nous ne ferions pas mieux à leur place." Aussi lui appliquons-nous la parole du Maître : "On lui pardonnera beaucoup, parce qu'il a beaucoup aimé."

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