Mgr Mathurin LE MAILLOUX,
1878-1945


Mathurin Le Mailloux naquit à Grazo, hameau de la commune de Theix, le 29 novembre 1878. Tout le monde parlait breton autour de lui ; il apprit le français à l'école du village. A 14 ans il entra au petit séminaire de Sainte-Anne d'Auray, où il parcourut le cours secondaire, y compris la philosophie, de 1892 à 1897. Tandis que deux de ses frères se décidaient pour le ministère en Bretagne, lui songeait à partir au loin, chez les infidèles.

En septembre 1897, il entra au noviciat d'Orly que dirigeait le Père Genoud. Pieux comme il l'était, le jeune homme n'avait pas besoin d'être converti, mais il fut gagné par l'idéal de la vie religieuse, auquel il resta fidèle toute sa vie. Il fit profession le 4 septembre 1898. Prêtre en 1901, il reçut son affectation l'année suivante pour l'Angola portugais, cette vaste et magnifique mission de l'Afrique méridionale. Presque tous les Pères appartenaient à la Province de France, la Province de Portugal étant trop faible numériquement, en ce temps-là, pour fournir les missionnaires nécessaires.

Il y arriva en janvier 1903 et, après une année passée à Malange, en qualité d'économe, il fut placé au poste de Mussuco, qui venait d'être fondé. Il devait y rester 28 années sans discontinuer. On trouverait probablement bien peu d'exemples d'une pareille stabilité dans la congrégation, où les besoins des oeuvres et les difficultés du personnel obligent à des changements fréquents un peu partout. En plus de la chance, le caractère du P. Le Mailloux dut y être pour quelque chose doux, conciliant, aimé de tous, il ne désirait nullement changer, et les autres désiraient encore moins le voir partir. Son long séjour lui permit de réaliser un travail utile à tous points de vue, matériel, moral et surnaturel.

En arrivant, il fut économe, et capitaine du petit vapeur qui circulait sur le Cuango. Il se fit remarquer par son habileté pour la chasse aux hippopotames. Quand il rentrait avec deux ou trois de ces animaux monstrueux, c'était une joie folle pour les enfants, qui entrevoyaient de gigantesques ripailles. Une grande partie était vendue, ce qui procurait des ressources à la mission. Il s'occupa aussi de choses plus importantes : c'est à lui que sont dues toutes les constructions de Mussuco, une des stations les mieux dotées sous ce rapport de tout l'Angola. En 1907, il transporta tous les bâtiments de la mission dans un endroit plus salubre et plus central. Par le fait, ils furent tous refaits à neuf. L'année suivante il était nommé supérieur, et il se donna désormais avec plus d'ardeur encore à toutes les améliorations qu'il jugeait nécessaires. Il était d'une activité incessante et avait I'oeil à tout. Avec l'aide de deux Frères portugais, il construisit une magnifique église vouée au Sacré-Coeur, la plus belle de tout le pays.

En même temps, il ne négligeait pas la partie spirituelle. La région était très difficile à évangéliser. Elle était adonnée tout entière à un fétichisme grossier, et se trouvait entre les mains de quelques chefs plus ou moins sorciers, qui dominaient par la terreur, et faisaient aux conversions une opposition sournoise et efficace. La mission put contrecarrer leur action, grâce aux ressources abondantes qu'elle devait à l'habileté de son supérieur. Elle éleva de nombreux enfants, filles et garçons, qui plus tard fondèrent des foyers chrétiens. Peu à peu les païens furent ébranlés, et un mouvement se dessina vers le christianisme. Quand le Père quitta la mission, en 1931, il y avait déjà plus de 6.000 chrétiens là où, auparavant, on n'en rencontrait pas un seul.

Il espérait bien rester pour toujours à Mussuco. Or, à 53 ans d'âge et 30 ans de séjour en Angola, une nomination romaine l'affecta au Cameroun, comme Préfet apostolique en 1931. L'année suivante, il devenait le premier évêque de Douala. Le sacre eut lieu le 12 septembre 1932, dans la basilique de Sainte-Anne d'Auray, seizième évêque du petit séminaire, qui fêtait alors son centenaire.

A Mussuco, le missionnaire avait vu les conversions se faire par unités et à grand'peine. Au Cameroun, l'évêque assista à une véritable tempête de Pentecôte. En arrivant en 1931, il avait trouvé 67.000 catholiques ; quand il mourut 14 ans plus tard, il y avait 120.000 baptisés et 50.000 catéchumènes. Il fallut encore beaucoup bâtir ou agrandir ; et la ville de Douala fut dotée d'une magnifique cathédrale, construite par le Frère Materne.

En 1941, lorsque l'année de la France Libre arriva au Cameroun avec le colonel Leclerc, l'évêque de Douala sut prendre l'attitude qui convenait et fit chanter le Te Deum . Les libérateurs lui en furent reconnaissants : le général de Gaulle vint en 1945 lui décerner officiellement la médaille de la Résistance. Quant à lui, dans le pressentiment de sa mort prochaine, il disait : "Qui eût dit que j'accumulerais un jour Légion d'honneur, Croix du Bénin, Médaille de la Résistance ? ne me reste plus qu'à gagner la croix de bois, avec la récompense que j'espère fermement du Seigneur." Après une courte maladie, l'évêque, humble et confiant, est décédé le 17 décembre 1945, âgé de 67 ans. Son corps repose dans la cathédrale de Douala.

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