Le Frère Ange, Ludovic LEMARCHAND,
1849-1881


Ce Frère naquit à Rennes, le 20 septembre 1849. Son père, qu'il perdit en 1851, était contrôleur-receveur des contributions indirectes dans cette ville ; sa mère, Élisabeth Huart de Châteaufort, lui fut ravie par la mort huit ans après son père. Le plus jeune des 16 enfants, Ludovic fut placé sous la tutelle de son oncle paternel, Inspecteur de l'Enregistrement des domaines. Il fut d'abord confié par lui aux Frères des Écoles chrétiennes ; puis grâce a sa sœur aînée, qui l'avait élevé et qu'il considérait comme une seconde mère, il fut mis en apprentissage comme mécanicien ajusteur à Nantes. Se trouvant seul et sans soutien, il se laissa entraîner par de mauvais camarades. Sa pieuse sœur, pour le remettre en bonne voie, lui conseilla d'aller passer quelques jours à la Trappe de la Meilleraye. Elevé dans des sentiments religieux, il accepta volontiers. Son intention était d'y faire seulement une courte retraite, puis d'aller rejoindre un de ses parents, capitaine au long cours. Mais Dieu, qui l'attendait dans ce saint asile, lui toucha le cœur ; et sur sa demande, il fut reçu comme novice de chœur, au commencement de 1869.

Arriva la guerre de 1870. Lejeune aspirant trappiste fut forcé de prendre les armes comme mobile. Il passa huit mois à Paris, pendant le siège, et y fut nommé caporal. A l'expiration de son service, il s'empressa de retourner à la Meilleraye. Mais quand sa santé se trouva trop fatiguée, il fut obligé de quitter ce monastère au bout de cinq ans. Cependant avant de renoncer à la vie de trappiste, il voulut faire à Thymadeuc un nouvel essai. Il y entra comme oblat le 11 novembre 1876. Mais il dut quitter à la fin de février 1877.

Alors, sur le conseil du R.P. Abbé de Thymadeuc, il vint frapper à la porte du noviciat de N.D. de Langonnet le 4 mars 1877. Reçu novice quelques mois après, il se fit toujours remarquer par une conduite régulière ; et au moment de sa profession, le 19 mars 1879, il fut heureux de se consacrer de tout cœur au bon Dieu dans notre Institut, où il avait enfin trouver sa place.

Employé sur place au collège comme professeur du cours préparatoire, il s'acquittait facilement de ses fonctions. Il avait un grand ascendant sur ses jeunes élèves, dont il était très aimé. Il faut dire qu'il avait dans ses allures et son ton quelque chose d'un peu dégagé, qui rappelait son séjour au régiment; mais ce genre même contribuait à lui donner plus d'autorité encore sur les enfants.

Les missionnaires spiritains venaient de prendre en 1879 la direction de l'école communale de Dakar. Le F. Ange fut choisi l'année suivante pour cet emploi. Il fut heureux de s'y dévouer et partit pour le Sénégal le 5 octobre 1880. L'oeuvre dont il fut chargé n'était pas sans difficultés. Ce bon frère s'y consacra avec un zèle qui fut couronné de succès. Dès la fin de la première année, l'administration le félicita, après les examens, des progrès qu'il avait fait faire aux enfants.

Durant les vacances, on l'envoya se reposer à St-Joseph de Ngasobil. Il y vint avec le F. Ausonne qui venait de faire une fièvre bilieuse hématurique, mais le F. Ange semblait lui-même bien portant. Le Père Lossedat raconte la suite : " Le 30 octobre, avant d'aller au lit, le F. Ange me dit: "Mon Père, je suis pris à mon tour." Je lui dis de se reposer, et je fis appeler le médecin qui diagnostica chez le Frère la fièvre bilieuse hématurique. Le bon Frère voulut alors faire une confession générale de toute sa vie. Il la fit dans les conditions les plus édifiantes. On voyait qu'il avait reçu une grande abondance de grâces. Il en exprimait lui-même sa vive reconnaissance àDieu devant tous les confrères, avec une grande effusion de coeur. Il remit son âme à Dieu avec la ferveur d'un saint, le 13 novembre 1881, âgé de 32 ans. "

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