Le Père Pierre LÉNA,
1898-1939


Pierre Léna est né le 6 février 1898, à Port-Louis, où ses parents habitaient 32 rue de la Pointe. Issu d'une famille patriarcale, originaire du Faouët, le petit Pierre vécut dans une atmosphère de foi profonde et éclairée ; il n'offrit aucune résistance à la formation solide que, a défaut de sa mère, morte prématurément, lui inculqua une tante inlassablement dévouée. Aussi fut-il à l'école Saint-Pierre et au catéchisme un des premiers élèves, en même temps qu'à la paroisse un choriste assidu et pieux. Quand la démarche fut faite près de M. Léna d'offrir son fils au Seigneur, la réponse fut affirmative, et l'enfant se mit aussitôt au travail, travail qui fut toujours régulier, soutenu et satisfaisant.

A cette époque, le petit séminaire diocésain de Sainte-Anne étant enlevé àsa destination, Pierre Léna commença ses études secondaires au Faouët, et les termina à l'institution St-Louis de Lorient. Après de brillantes études, couronnées par le baccalauréat sciences-philosophie, il fut admis sans peine au grand séminaire de Vannes. Autour de lui on avait pensé qu'il choisirait les missions de la congrégation, où ses deux oncles, les PP. Louis Léna du Faouët et Louis Audran de Pluvigner, semblaient l'y attirer, et luimême en avait le désir. Mais il voulut rester pour le moment dans le diocèse de Vannes. Entré au séminaire en 1914, il commença son cours de philosophie, mais ne put l'achever, car la guerre avait enlevé des professeurs à leurs classes, et Pierre Léna, à 18 ans, fut nommé professeur au collège St-François -Xavier. C'est là que la conscription l'atteignit.

Il fit ses classes militaires à St-Brieuc, et au printemps 1918 il fut envoyé à St-Leu dans l'Oise, pour être incorporé dans le 59, régiment d'artillerie, où il retrouva, mobilisé, l'abbé Chevassu son ancien vicaire de Port-Louis. Au début d'avril 1918, le régiment fut appelé au secours des Anglais dans les Flandres, où il eut à soutenir de rudes combats, et où il perdit 60% de ses effectifs. Pierre se montra excellent soldat, consciencieux dans son service. Il portait sur ses manches les galons de brigadier (caporal dans l'artillerie). Le danger ne l'effrayait pas.

Le samedi 10 mai, Pierre qui avait passé quelques jours à l'arrière pour se remettre des gaz, venait de rejoindre sa batterie, vers neuf heures du soir. Voulant, avant de dormir, s'assurer du pointage du tir qui devait se faire dans la nuit, il se rendit à son canon. Par malheur, un obus allemand de 105 éclata près de lui, et ses éclats l'atteignirent en lui causant d'affreuses blessures. L'abbé Chevassu, présent à ce moment, lui donna l'extrême-onction et le saint viatique. Le lendemain matin, après le combat de la nuit, une ambulance le conduisit à Bourbourg près de Dunkerque pour les premiers soins ; il fut ensuite envoyé à St-Brieuc, où il resta pour une grand année de soins. Il marchait péniblement et souffrait encore du pied, mais c'est alors qu'il se rendit au séminaire de Vannes, pour annoncer qu'il voulait entrer dans la congrégation du Saint-Esprit.

Pierre Léna fit son noviciat à Chevilly en 1919-1920, puis il compléta sa philosophie et suivit les cours de théologie, jusqu'à la prêtrise en 1923, et la consécration à l'apostolat le 13 juillet 1924. Il fut nommé professeur de mathématiques à Cellule. Il était doué pour les sciences exactes, il réussit dans sa classe "Excellent professeur, clair et très méthodique, écrit son supérieur ses élèves appréciaient beaucoup ses cours et réussissaient àmerveille aux examens." Il consacrait ses loisirs à la musique et faisait chanter par l'école apostolique les beaux chants qu'il composait lui-même.

A l'instar de plusieurs de ses confrères de Cellule qui, en même temps qu'ils enseignaient, poursuivaient leurs études à la faculté de Clermont, le P. Léna prépara sa licence de sciences. Mais la marche à pied l'épuisa autant que son ardeur au travail ; il dut renoncer aux cours de la faculté. Après les vacances de 1934, il consulta un médecin spécialiste de Clerinont, car la paralysie raidissait de plus en plus ses membres. Le docteur déclara le cas incurable. Il suivit pourtant un traitement à l'Institut Pasteur de Paris et au Val-de-Grâce, mais sans succès. Il dut rejoindre Langonnet à l'été de 1935.

Là, pendant quatre ans, il souffrit, résigné et patient. Il ne disait pas quelle peine c'était pour lui d'être arrêté à 37 ans, en pleine activité et au cours de succès flatteurs ; il acceptait la volonté de Dieu qui le clouait sur son lit. Pourtant il aurait voulu guérir ; il voulut prier la Sainte Vierge à Lourdes, même : il se fit accompagner par l'abbé Chevassu en septembre 1937, et revint, non pas soulagé dans ses souffrances, mais réconforté, avec un excellent moral qui ne se démentit jamais.

Enfant, il avait été énergique, il le fut jusqu'au bout; il avait offert sa vie àDieu pour les âmes, son sacrifice accepté de Dieu dans une plénitude que nous ne pouvons apprécier, fut soutenu par lui sans défaillance. C'est dans ces sentiments qu'il rendit l'âme, le 7 novembre 1939. Il avait 41 ans.

Au cimetière, on l'a déposé dans la tombe de son oncle le P. Louis Audran, sépulture de famille, où leurs corps reposent en paix.

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