Le Père Jules LEVASSEUR,
1869-1925


Jules Levasseur naquit en Touraine, à Neufflé-Pont-Pierre, près d'Avoine, le 30 octobre 1869. Fils unique, il fut élevé avec la plus tendre sollicitude par des parents foncièrement chrétiens. De cette éducation première il garda la franche gaieté et l'abandon qui marquent les caractères heureux, entourés d'affection dès leurs premières années, et aussi le sens du devoir tel que l'entendent les âmes vraiment pieuses, avec le fréquent rappel des pensées de foi. Sa famille avait déjà fourni des prêtres à l'Église ; ses parents ne désiraient rien tant que de donner leur fils au bon Dieu ; lui-même se sentait attiré par le sacerdoce.

Il entendit la vocation Haut au petit séminaire de Tours, où il fut placé à l'âge de onze ans, et comprit bientôt que Dieu ne lui demandait pas seulement d'être prêtre, mais encore de quitter son père et sa mère et d'être religieux. Comme les Lazaristes dirigeaient le petit séminaire, ce fut dans leur congrégation qu'il se crut tout d'abord appelé, et en conséquence entra à Dax dans leur maison de probation. Dieu lui ménageait des épreuves ; de Dax, avant d'avoir pris aucun engagement, il fut envoyé à Lisbonne, puis à Antoura en Syrie. Sa spontanéité trop vive lui valut des déboires : ses supérieurs se demandèrent s'il était vraiment fait pour la vie à laquelle il aspirait ; en même temps, il acquérait, chez quelques-uns d'entre eux, de vives sympathies pour ses qualités très réelles. On tenta de prolonger son expérience, et on l'envoya au petit séminaire de Nice professeur de huitième.

Il y resta un an, y donna pleine satisfaction, étudia sa vocation sous un directeur qui s'appliqua à discerner les vrais attraits de son dirigé, et conclut enfin que celui-ci n'entrerait pas chez les Lazaristes. M. Levasseur s'adressa par la suite à la congrégation du Saint-Esprit et entra à Chevilly en septembre 1892. Ayant déjà fait deux ans de théologie, il acheva ses études ecclésiastiques au bout d'un an et put passer au noviciat en septembre 1893. Prêtre à Noël suivant, il prononça ses vœux le 15 août 1894 et commença son ministère. Sa première maison fut le collège de Merville (Nord), dans un milieu où l'étude était en honneur, où les relations au dehors étaient faciles. Son séjour à Merville se prolongea jusqu'aux tristes jours de 1903, les jours d'exil, qui le conduisirent à Gentinnes, en Belgique. La direction de l'école apostolique lui fut confiée de 1904 à 1906. En 1906, on fit droit à ses instantes demandes et on l'envoya en Haïti comme missionnaire, en résidence à la Madeleine, à Port-au-Prince. Le P. Levasseur a souvent déclaré que les neuf années qu'il y passa furent les plus douces de sa vie. D'abord chargé de conférences religieuses au monde intellectuel et savant de la capitale et des villes, il parut plus de cent fois, exactement 122 fois, dans la cathédrale de Port-au-Prince ; il fut ensuite affecté au ministère paroissial, ce qui combla ses vœux.

Ainsi préparé par sa longue expérience de Port-au prince, il était nommé en 1915 curé de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe. Il ne délaissa pas le ministère de la parole qu'il aimait, mais sa prédication se fit plus simple, plus familière : on sentait le père qui parle à ses enfants. Il passa dix ans dans ce poste, mais c'est là qu'il sentit les premières atteintes du mal qui devait l'emporter : l'angine de poitrine. Il avait si bien conquis toutes les sympathies que ce fut une désolation dans la paroisse quand on sut qu'il allait partir.

Il vint à la Martinique en janvier 1925. On lui donna un poste de tout repos, à L'Espérance. C'était un orphelinat de garçons, à quatre kilomètres de Fort-de-France, dans un site très agréable et un climat très doux. Il y avait une soixantaine d'orphelins confiés à un Père, aidé d'un Frère et de deux Sœurs. Le Père Levasseur ne tarda pas à se remettre de ses malaises. En octobre, Mgr Lequien lui demanda de prendre la direction du séminaire-collège. Tout le monde s'en déclarait enchanté et on augurait les meilleurs résultats de son arrivée au séminaire, quand Dieu jugea à propos de l'enlever d'une façon foudroyante, lors d'un bain, le 19 octobre 1925. Il avait 56 ans.

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