Le Frère Désiré Lorentz,
décédé à Bouenza, le 19 juin 1895,
à l’âge de 31 ans.


Marie-Joseph Lorentz naquit à Willer (Haut-Rhin), le 17 septembre 1864. Il fit profession, à Chevilly, le 8 avril 1892, sous le nom de F. Désiré, et le 25 avril 1892, il s’embarquait à Marseille avec les PP. Sand et Schmitt et le F. Mamert, pour aller fonder la mission de Buanza (Congo français).

Dès son arrivée à Buanza, le 2 juillet 1892, le F. Désiré semblait avoir adopté cette triple devise : travailler pour Dieu, souffrir pour Dieu et passer inaperçu aux yeux des hommes. Menuisier-charpentier habile et intelligent, on eût dit qu’il avait fait vœu de ne jamais perdre un instant, se trouvant mal à l’aise quand la fièvre le condamnait à un repos forcé.

À Buanza, les forêts sont rares et, pour se procurer les bois indispensables à la construction de nos nombreux bâtiments, le F. Désiré dut installer son chantier à trois ou quatre lieues de la mission. Pour former ses charpentiers et ses scieurs de long, il était obligé de passer des semaines entières dans la forêt où le logement et la nourriture n’étaient guère supérieurs à ceux des Noirs. Quand ses ouvriers étaient suffisamment formés, il se hâtait de revenir à la mission, pour y vivre de la vie de communauté ; mais lorsque sa présence devenait encore nécessaire dans la forêt, ce qui arrivait trois fois par semaine, il partait le matin pour revenir le soir.

Notre saint confrère aimait ces sortes de voyage, car alors il avait toute liberté de s’adonner à la mortification. Quand il sortait, il trouvait mille raisons pour ne pas accepter le vin qu’on lui offrait, et quand on lui cachait une boîte de conserves au fond de sa serviette, il la rapportait intacte, le soir. Lorsque, dans ces pénibles travaux, à la maison, on le pressait de prendre quelque chose à trois heures, il prétextait sa forte constitution pour décliner l’offre.

À une grande mortification, notre saint confrère joignait un ardent amour de la pauvreté. Lorsque, après son décès, on passa son trousseau en revue, on fut aussi surpris qu’édifié du petit nombre d’effets qu’il avait usés pendant les trois années qu’il avait passées à Buanza.

C’est surtout auprès des confrères malades que le Frère Désiré ne savait plus mettre de bornes à l’ardeur de sa charité ; quand il était chargé de les soigner, il s’oubliait lui-même jusqu’à sacrifier son repos et sa santé, et si la maladie prenait un caractère sérieux, il restait nuit et jour auprès du patient, cherchant à unir aux remèdes des paroles de paix et de consolation. C’est, sans doute, en me soignant de la sorte, pendant une fièvre bilieuse hématurique, que le cher Frère contracta le terrible mal qui l’a conduit à la tombe. Il avait une profonde vénération pour le caractère sacerdotal et, quand un père était malade, il se réservait auprès de lui les plus humbles services.

Le cher F. Désiré, né le 17 septembre 1864, à Willer (Alsace), aimait la congrégation comme un enfant bien né aime sa famille. Il conservait le plus suave souvenir de la communauté du Saint-Cœur de Marie (Chevilly), berceau de sa vie religieuse, où il entra en qualité de postulant-frère, le 31 août 1890, muni d’un excellent certificat de son curé. Après deux années de probation, pendant lesquelles il avait édifié ses confrères et ses supérieurs, il voyait son rêve réalisé, en partant pour les missions ; mais son cœur assistait toujours aux belles fêtes qui s’y célèbrent. La veille de sa dernière maladie, il nous disait encore : « Aujourd’hui, nos confrères de Chevilly sont dans la joie, ils célèbrent la Fête-Dieu. » Il ne se doutait guère, en parlant ainsi, qu’il célèbrerait au ciel l’octave de cette belle fête.

La défection de tel ou tel Frère lui causait une grande peine : « Ah ! les malheureux, s’écriait-il. S’ils connaissaient le monde, ils n’abandonneraient pas la vie religieuse. Ils verront bientôt la différence entre le monde trompeur et la congrégation. »

Le 14 juin 1895, la fièvre lente qui, depuis plusieurs jours, minait la forte constitution du frère, se changea en accès pernicieux, que les remèdes les plus énergiques ne parvinrent pas à enrayer. Dès le début, bien que sa maladie ne présentât aucun caractère grave, il parlait de sa fin prochaine et demandait les derniers secours de la religion. On n’accéda à sa demande que le lundi 17 juin, quand la fièvre eut pris un caractère alarmant.

Pendant qu’on lui administrait le sacrement des mourants, il suivait les cérémonies et répondait lui-même à toutes les prières. Après la réception des derniers sacrements, son âme était comme perdue en Dieu, et jamais la moindre plainte ne sortit de sa bouche.

Le 19 juin, à trois heures du matin, Marie reçut l’âme innocente de son cher enfant ; c’était un mercredi, jour consacré à saint Joseph, pour lequel le défunt avait une grande dévotion. - Georges Schmitt -
BG, t. 17, p. 854.

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