Le Frère Roch MAJOREL,
1880-1959.


Pierre-Laurent Majorel naquit à Raynals, commune de Castelnau dans le canton d'Espalion, le 8 septembre 1880, et fut baptisé le jour de sa naissance. C'est à 15 ans qu'il vint frapper à la porte du postulat de Seyssinet. Après son noviciat à Chevilly, il prononça ses vœux, le 8 septembre 1898, sous le nom de Frère Roch.

Affecté au Gabon, il y resta toute sa vie : 5 ans à Libreville, 10 ans à Sindara, un an à Mouila, 20 ans de nouveau à Libreville, et les 15 dernières années à Lambaréné.

Le Frère Roch s'acquitta de toutes ses fonctions avec un grand sérieux et un grand dévouement. Jusqu'à la fin de sa vie, il s'ingénia à rendre service. Maçon, menuisier, charpentier, il était devenu par son travail un maître-artisan, capable d'élever un bâtiment, de le couvrir, de le meubler. Il aimait le travail bien fait ; quand il remettait la clé au supérieur celui-ci savait que tout était prêt et que Vœuvre était solide.

A Libreville, il s'occupa surtout de maçonnerie, ainsi que des carrières et de la fabrication de la chaux. On lui confia l'œuvre importante des apprentis. Il construisit plusieurs bâtiments à Libreville et agrandit la résidence épiscopale.

A Sindara, il dirigea l'atelier de menuiserie, s'initia à l'art de tracer et de poser les charpentes. Il avait plusieurs équipes de scieurs sous ses ordres, et très souvent il allait dans la grande forêt abattre les arbres, les faire tronçonner et tracer les billes, que ses ouvriers débitaient en planches ou en madriers. Il bâtit l'église de Sindara.

A Lambaréné, c'est lui qui surveillait la fabrication des briques, et des tuiles en ciment. On lui demanda de refaire les toitures de presque tous les bâtiments de la mission. La toiture de la maison des Sœurs avait été emportée par un ouragan ; le F. Roch la refit et compléta l'installation. Il découvrit de la chaux près d'un lac, à Zilé ; c'est là qu'il aménagea une maison de repos pour les Sœurs, et un campement de pêche pour les jeunes filles de l'interne.

Bel homme, le F. Roch attirait les sympathies. A Libreville on le prit quelquefois pour l'évêque, à Lambaréné pour le supérieur. Le Frère s'amusait de ces situations, car il aimait la plaisanterie, et savait également taquiner gentiment les confrères et les gens.

Deux accidents marquèrent la vie du F. Roch. En 1905, il avait perdu trois apprentis dans un naufrage entre Donguila et Libreville ; et à Sindara, il avait été lui-même foudroyé. Toute sa vie, il garda la crainte des gros orages et des traversées sur l'eau. Ce qui ne l'empêcha pas, au cours des deux guerres d'être nommé chef de flottille. En 1915, sur la Ngounié, en cas de conflit, il devait prendre le commandement d'un convoi de pirogues pour le transport des défenseurs de Mouila, capitale de la région. En octobre 1940, lorsque la guerre fut aux portes de Lambaréné, les autorités locales décidèrent d'évacuer femmes et enfants sur Port-Gentil, et c'est encore au F. Roch que fut confiée la direction du convoi composé de plusieurs pinasses à moteur. A deux ou trois reprises, il fallut essuyer le tir de postes riverains, commandés par de jeunes lieutenants. Le Frère, en soutane blanche, se dressait alors sur le devant de la première embarcation, donnant ainsi à comprendre qu'il n'y avait Pas de troupes à bord. Il parlementait, et le convoi passait. Racontant, après coup, ces glorieux épisodes, le Frère aimait à redire : " Ah! je leur ai dit ce que je pensais à ces jeunes blancs-becs !"

Il aimait les bêtes et revivait ainsi les temps lointains où, jeune enfant, il avait la garde de milliers de têtes de bétail dans ses Causses natales. Dans toutes les missions par où il est passé, il s'est occupé des troupeaux ; à Lambaréné, les nombreux moutons de la mission avaient pris l'habitude, au signal du Frère, de rejoindre la bergerie pour la sieste. Ses loisirs, il les passait à la chasse, en écoutant le chant et en observant le comportement des oiseaux. Se méfiant des serpents, il ne leur faisait pas grâce ; il a dû tuer des kilomètres de serpents dans sa longue vie.

Le F. Roch fut toujours d'une régularité exemplaire dans la vie religieuse. Bien souvent le matin il arrivait le premier à la chapelle. A la fin de sa vie, malade, il s'efforçait encore de venir à l'église, revêtu de sa grande pèlerine. Il était très aimé, parce que charitable. Un confrère qui vécut assez longtemps avec lui, affirme : "Je n'ai jamais entendu le F. Roch dire du mal de quelqu'un." A 78 ans, à Lambaréné, il nous a quitté sereinement pour rejoindre son Seigneur dans la paix.

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