Monseigneur Alfred MARIE,
1899-1974


Le jeune Alfred Marie naquit le 4 octobre 1899 à Vimoutiers, dans le diocèse de Séez, mais ses parents étant venus s'installer à Avranches en décembre 1907, alors qu'il n'avait que huit ans, il se considérait et était considéré comme un avranchin, un vrai fils du diocèse de Coutances. C'est là en effet qu'il fit sa première communion et reçut la confirmation. Il fréquenta d'abord l'école SainteMarie dirigée par les Frères de Saint Jean-Baptiste de la Salle ; on discerna vite chez lui une vocation sacerdotale, aussi un vicaire de sa paroisse, celle de la Basilique SaintSatumin, lui donna-t-il ses premières leçons de latin et le fit admettre àl'Institut Notre-Dame d'Avranches qui venait d'ouvrir ses portes en octobre 1913.

Il se sentait aussi attiré par la vie missionnaire et demanda aux Spiritains de le recevoir en 1917, ce qu'ils firent en l'envoyant à l'Abbaye de Langonnet dans le Morbihan. C'était la guerre ; l'année suivante, à 19 ans, il dut se rendre à l'appel sous les drapeaux, affecté au cinquième régiment d'artillerie à Cherbourg. Après un entraînement au camp de Joigny dans l'Yonne, il fut envoyé au front comme brigadier, mais l'armistice survenu, il fut incorporé aux troupes d'occupation en Allemagne, et passa ainsi trois années dans l'armée, avant d'être démobilisé en 1920.

C'est alors qu'il put entrer au noviciat d'Orly qu'il termina par la première profession religieuse le 3 octobre 1922. A Chevilly, il fit sa théologie et reçut la prêtrise le 28 octobre 1925. Il avait encore une année à faire pour achever son scolasticat, et c'est seulement après cette dernière année de théologie qu'il put se rendre à Avranches pour y chanter sa première grand-messe en juillet 1926, dans sa paroisse de Saint-Satumin.

Il venait d'être désigné pour le diocèse de la Guadeloupe. Il s'embarqua le 4 septembre à Saint-Nazaire pour gagner Pointe-à-Pitre, où il fut nommé vicaire de la paroisse. Il y resta jusqu'en novembre

1934, date à laquelle il lui fut demandé de rejoindre le diocèse voisin, celui de la Martinique. A Fort-de-France, il fut aussitôt nommé curé archiprêtre de la cathédrale. Il y resta dix années.

En septembre 1944, Mgr Gourtray étant décédé à Cayenne, le Saint-Siège choisit le Père Marie pour le remplacer en Guyane Très attaché à la Martinique, il voulut recevoir la consécration épiscopale dans la cathédrale de Fort-de-France, ce qui fut fait le 12 janvier 1945 ; son intronisation à Cayenne eut lieu le 11 mai suivant. Avranches n'ayant pu l'avoir pour la cérémonie d'ordination, s'était unie aux prières de la Martinique par une cérémonie dans la basilique Saint-Gervais, organisée par le chanoine Bouchard archiprêtre, avec le concours de l'Institut Notre-Dame, dont le supérieur, le chanoine Béranger, fut l'orateur. A son premier retour en France l'année suivante, il fut accueilli avec grande affection par l'évêque de Coutances, Mgr Louvard, qui l'invita à l'accompagner lors de différentes fêtes dans le diocèse. A Avranches, il célébra une messe pontificale le 27 octobre.

En 1950, il reviendra en congé, quand un de ses confrères, un avranchin comme lui, Mgr Michel Bernard, nommé Vicaire apostolique de Guinée, fut sacré évêque par Mgr Guyot, alors évêque de Coutances, dans la basilique Saint-Gervais. Il y fut co-consécrateeur avec un autre spiritain, Mgr Bonneau, Vicaire apostolique de Doua Belle cérémonie avec des confrères venus de Mortain. Une plaque commémorative de cette cérémonie reste fixée dans le fond de la basilique.

En 1956, le Saint-Siège érigea le Vicariat apostolique de Guyane en diocèse résidentiel dont Monseigneur Marie devint le premier évêque de Cayenne. Il en profita pour faire restaurer la cathédrale, dénommée du Saint-Sauveur, et prépara une inauguration solennelle pour l'année suivante, en mars 1957, fêtant à cette occasion le premier anniversaire de l'érection du diocèse. Il en présida les fêtes, en présence de son voisin, Mgr Etienne Kuypers, évêque du Surinarn, la Guyane hollandaise. Ce fut très solennel, avec la présence du Préfet, des représentants de l'Assemblée parlementaire, du département, de la municipalité, de l'Armée, de la Magistrature et des corps constitués. Un nombreux clergé et une foule importante y prenaient part. Le Père Perret, un dominicain, qui avait été le prédicateur du Carême, parla avec toute son éloquence.

Le Concile Vatican II s'ouvrit à Rome en 1962 ; Mgr Marie prit part àtoutes les sessions. Dans son diocèse, pendant 28 ans, il suivit avec soin tous les problèmes, spécialement ceux de la famille chrétienne, de l'enfance malheureuse, des malades et des vieillards. Il eut à cœur d'éveiller et de suivre les vocations religieuses et sacerdotales problème et souci de nombreux autres diocèses.

Un orphelinat important fut ouvert à Montjoly, sous le nom de "Foyer Dom Bosco". Le Père Yves Barbotin en fut le premier responsable. Ce foyer a duré près de cinquante ans, avec une centaine d'orphelins et de cas spéciaux..

Il fut aidé par des congrégations religieuses, dont celle des Sœurs de SaintPaul de Chartres, qui alors s'occupèrent surtout du soin des malades, avant de se charger aussi d'œuvres d'éducation. Elles sont présentes en Guyane, sans discontinuité depuis 1727. Une autre congrégation importante en Guyane, est celle des Sœurs de SaintJoseph de Cluny, arrivée en 1822. Elles soignèrent les bagnards, s'adonnèrent à l'éducation des jeunes filles, et pendant de longues années prirent soin des lépreux de l'Acarouany, jusqu'à la fermeture de la léproserie. La Bienheureuse Anne-Marie Javouhey, leur fondatrice, avait vécu elle-même à Mana, une quinzaine d'années, à partir de 1828, où elle travailla à la libération des esclaves noirs et à leur éducation.

Une autre congrégation arriva en Guyane en 1931 : les Franciscaines Missionnaires de Marie, qui fondèrent une école importante à Saint-Laurentdu-Maroni et un Home indien pour filles indiennes à Sinnamary. Monseigneur Marie contribua à fonder deux homes ou internats pour Indiens à Mana, pour 120 garçons et filles, et à Iracoubo, pour une centaine de garçons, les filles allant à Sinnamary, pour permettre à tous les jeunes Indiens d'aller à l'école primaire.

Le pays avait été marqué par la présence du fameux pénitencier, fondé en 1855 par Napoléon III, et supprimé en 1946 par le général de Gaulle. Mgr Marie connut les derniers bagnards, qui partirent en 1949.

Il connut aussi les chercheurs d'or, les fameux orpailleurs, qui, à partir de 1852, et pendant une centaine d'années, par milliers fouillèrent la rude forêt guyanaise. De temps en temps, l'évêque partait pour l'intérieur du pays, jusqu'à Saül ou Sophie, en pirogue et ','l pied, pour deux ou trois mois de voyage, à la rencontre de ces populations déracinées, dont s'occupait un vaillant missionnaire, le P. Maurice Didier, qui essayait de les évangéliser, tout en les défendant contre toutes sortes d'exploiteurs. On trouvait ces orpailleurs un peu paartout en Guyane, sur l'Approuague, la Mana, le Maroni ...

A partir de 1964, la Guyane a pris une nouvelle orientation, avec l'installation de la Base spatiale de Kourou. Tout le terrain environnant fut nationalisé (50 000 ha), dont 15 hectares (le la mission catholique, plusieurs chapelles démolies et quelques villages supprimés Kourou avait 400 habitants, et en a plus de 20 000 en 1995. La ville de Cayenne s'agrandit aussi, il a fallu créer de nouvelles paroisses. Mgr Marie prit à cœur la construction de l'église Saint-Louis à la cité Mirza, et y envisagea l'emplacement de sa tombe.

En 1965, il eut le plaisir d'accueillir dans son diocèse un spiritain récemment ordonné prêtre, qui portait le nom d'André Bobelin. Celui-ci avait été son camarade de classe à l'école primaire (le Sainte-Marie d'Avranches. De Guyane, où il est toujours à l'eouvre, à 95 ans, il nous rappelle ce souvenir d'enfance : "A 12 ans, j'ai vu Alfred Marie partir pour l'Institut Notre-Dame d'Avranches, pendant que moi, les larmes aux yeux, je restais chez les Frères, qui me conduisirent jusqu'à l'obtention du Brevet élémentaire d'enseignement en 1915." N'ayant pu réaliser son désir d'être prêtre, il était devenu instituteur à Mortain, où il avait bien connu les spiritains de l'Abbaye Blanche ; ceux-ci, sur le tard, l'invitèrent à entrer dans leur congrégation. Ainsi à 65 ans, il avait pu, ordonné prêtre, être envoyé dans le diocèse de son ami d'enfance. Mgr Marie l'affecta à son arrivée comme aumônier de la léproserie de l' Acarouany. A la fermeture de la léproserie, il a rejoint la station de Maripasoula, bien loin dans la forêt guyanaise, d'où il nous a écrit récemment. Les deux amis ont été fidèles àleur pays d'adoption, mais c'est le dernier arrive qui aura eu la joie d'y travailler le plus longtemps.

En 1972, Mgr Marie fêta ses 50 ans de vie religieuse. Il se sentait vieillir ; il offrit au Saint-Siège sa démission, qui fut acceptée l'année suivante. Le Saint Père nomma pour le remplacer le Père Morvan, lui aussi spiritain, ancien supérieur du grand séminaire de Dakar et ancien Provincial de France. Quand il arriva à Cayenne,

Mgr Marie se retira dans une villa qu'il avait fait construire sur la plage de Montjoly. Il l'avait nommée Villa Saint-Aubert, en souvenir du premier évêque d'Avranches, dont le crâne est gardé avec vénération dans la salle des reliques de la Basilique Saint-Gervais. Il Pensait y passer encore bien des années, mais sentant la nécessité de se soigner en France, il partit le 16 octobre 1974.

A son arrivée, les spécialistes jugèrent qu'il devait subir une operation. Il fut hospitalisé à Villejuif. Il ne devait pas se remettre et décéda le 8 novembre 1974. Son successeur, Mgr Morvan se trouvait en France, il présida la cérémonie de ses funérailles au séminaire de Chevilly. Le Ministre des Départements d'Outre-Mer s'était fait représenter. Mgr Marie était officier de la Légion d'honneur et commandeur de l'Ordre du Mérite National. Nombreux furent les Guyanais et les Antillais de la région de Paris qui tinrent à être présents à ses obsèques.

Le 15 novembre, une messe de Requiem fut célébrée dans la Basilique Saint-Gervais d'Avranches, présidée, en l'absence de Mgr Wicquart, par le Vicaire général, entouré du supérieur et des professeurs de l'Institut NotreDame. Par la suite, selon son désir, ses restes funèbres furent transportés en Guyane et le 19 février 1981 déposés dans le caveau qu'il avait fait préparer dans l'église SaintLouis.

Mgr Morvan présida la cérémonie et le Père Joseph Lutz présenta les derniers adieux des fidèles. Mgr Morvan pouvait écrire à la famille du défunt : "Ainsi donc les restes mortels de Monseigneur Marie reposent dans la terre de Guyane qu'il a tant aimée, et dans l'église SaintLouis de Mirza qui lui a coûté bien des labeurs et bien des soucis." Comme un bon et fidèle serviteur, il repose maintenant dans la paix de son Maître.

Page précédente