Le Père Henri Maurice,
1874-1929.


Mgr Le Roy raconte qu'un jour de novembre 1898, une dame vint le trouver, et montrant un jeune homme qui l'accompagnait : "C'est mon fils, dit-elle avec un sourire. Jusqu'ici je n'ai rien pu en faire. Mais si vous pouvez l'utiliser, je vous le donne."

Il s'agissait d'Henri Maurice né le 2 avril 1874, à Cherbourg, d'un père officier d'administration de la Marine. Durant son lycée, il était pieux et pensait aux missions. Mais après son baccalauréat-ès-lettres et ès-sciences naturelles, il s'engagea vers la médecine. Il suivit à Bordeaux les cours de médecine navale, qu'il vint poursuivre à Paris. Avant de les achever, certains écarts le firent réfléchir, et le déterminèrent à faire, à la Trappe de Bricquebec, une retraite en vue de s'orienter dans sa vocation. La conclusion fut le noviciat d'Orly, sous la direction du Père Genoud. Après un scolasticat normal à Chevilly, il fut ordonné prêtre en 1902.

A cette époque, il semblait que la mission de l'Amazonie (Brésil) allait prendre une réelle importance. Le P. Maurice y fut envoyé, après un stage de portugais àLisbonne. Mais les espérances relatives à la mission ne se réalisèrent pas, et il revint peu après.

Le P. Maurice fut alors envoyé à Fribourg, en Suisse, pour y préparer un doctorat ès-sciences naturelles. Il l'obtint avec la mention magna cum laude. Le gouvernement belge cherchait des spécialistes pour combattre au Congo la maladie du sommeil ; le P. Maurice présenta sa candidature et reçut pour le Katanga une mission officielle, en qualité de médecinmissionnaire.

Revenu au début de 1913, le P. Maurice fit un stage à l'Institut Pasteur de Paris. Survint la guerre qu'il passa à Cherbourg comme médecin auxiliaire au service de bactériologie. Après la guerre, il prit le temps de terminer un livre : Sous les tropiques, Notions hygiène et de Médecine à l'usage des Coloniaux. Paris, Vigot, 1920, 293 pages.

En 1922, une mission d'un caractère très spécial se présenta pour le P. Maurice. Il s'agissait d'aller en Guinée française, capturer, acheter et transporter en France quelques chimpanzés pour les expériences biologiques du docteur Calmette, qui préparait le vaccin antituberculeux, dit B.C.G. (Mgr Lerouge, évêque de Conakry, qui n'avait pas été consulté, manifesta son étonnement près de la congrégation : "J'aime beaucoup le P. Maurice, écrit-il, mais pas dans cette fonction, et surtout cette mission simiesque en Guinée! ")

C'est alors que fatigué d'attendre et désireux d'utiliser enfin sa vie dans un ministère sacerdotal régulier, il supplia le Supérieur général de l'envoyer en Guadeloupe, sous la direction de Mgr Genoud, et dans le dernier poste de la colonie : la petite île de la Désirade, 1700 âmes et une léproserie (mai 1923).

Durant six ans, il y fut parfaitement heureux : "Ma petite paroisse va bien ; j'ai de bons rapports avec tout le monde ; les instituteurs et institutrices fréquentent l'église ; et après le cyclone, j'ai béni leurs écoles neuves. Aucun de nos pauvres lépreux ne part pour l'Eternité sans avoir ses papiers en règle... J'ai des livres, une vigne avec une treille qui me donne des raisins deux fois l'an... J'ai réuni des tas de notes sur tout et sur tous, et trouvé des objets caraïbes fort intéressants. Jusqu'ici, on s'est beaucoup occupé des flèches et trop peu soucié des outils : j'en ai recueilli quelques-uns. La géologie de l'île est fort curieuse ... "

Le 13 juin 1929, entre les bras du Père Gaillard, il est décédé à la Désirade. Il a eu la satisfaction de réaliser le programme qu'il s'était tracé au lycée de Cherbourg: être médecin, prêtre, et missionnaire.

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