Le Père Joseph MENUT,
1886-1917


Né le 28 juin 1886 à Plouézoch, de Joseph Menut et de Jeanne Morvan, le P. Joseph Menut fit ses études secondaires à Brest au collège de N.D. de Bon Secours. Entré au grand séminaire de Quimper, il y fit sa philosophie et reçut la tonsure et les ordres mineurs. Il accomplit son service militaire au 26e Bataillon de Chasseurs à pied, à Vincennes, et écrivait ensuite le 4 août 1909 à la congrégation : "Il y a deux ans, la veille d'entrer à la caserne, je vous faisais connaître mon ardent désir d'être missionnaire. Mon service militaire m'a donné le temps de réfléchir, et la proximité de Chevilly m'a davantage fait connaître la congrégation. Aujourd'hui, je vous fais ma demande d'admission, avec d'autant plus de joie que mes parents y consentent." Profès en 1910, prêtre en 1913, il faisait sa consécration à l'apostolat le 11 juillet 1914.

Le P. Berthet, son supérieur à Chevilly, lui a consacré la notice suivante, pleine d'affection : " Quand j'essaie de qualifier, à la lumière d'une maxime évangélique, l'âme du P. Menut, la parole qui me semble la révéler davantage est celle de Notre Seigneur, en saint Jean : " Mon commandement est que vous vous aimiez les uns les autres comme je vous ai aimes. Il n'y a pas de charité plus grande que de donner sa vie pour ceux que l'on aime."

" Le P. Menut aima Dieu et s'attacha aux âmes d'une charité profonde, riche en actes, autant que sobre en paroles. A Dieu et aux âmes, il se livra jusqu'au don de soi, à la fois réfléchi et spontané, volontaire et complet, jusqu'à la mort délibérément encourue. Cette générosité, il l'avait dans le sang. Son père, robuste marin, trempé de vigoureuse façon aux combats de la vie ; sa mère, douce et pieuse chrétienne, comme il s'en trouve beaucoup en terre de Bretagne, lui avait donné un coeur fait pour les actes généreux. La grâce, soigneusement cultivée par le jeune Joseph, avait accru les dispositions instinctives. C'est justice aussi de relever que ces bonnes semences de nature et de grâce avaient trouvé, dans la chaude et rayonnante atmosphère des beaux temps du Sillon, une culture intensive et un développement merveilleux.

Tout cela resta industrieusement voilé par notre confrère, pendant ses années de formation. Des choses pénibles mais salutaires, après l'avoir un instant déconcerté, le renfermèrent dans une réserve voulue. Livré à la vie active, il fut de nouveau lui-même et il épanouit toutes ses qualités premières.

Libre de toute militaire, au début de la guerre, il fut apôtre très zélé en la paroisse de Rosporden (entre Quimper et Quimperlé), où il venait d'être envoyé pour seconder temporairement M. l'abbé Le Borgne, l'un de nos plus dévoués amis de là-bas. On garde un véritable culte pour lui dans cette localité.

Mais la vue de ses confrères exposés au danger, la conscience du devoir patriotique, jointe au sentiment du bien à faire au front de bataille à nos vaillants soldats, ne lui laissaient pas de repos. Il n'y tint plus. Parti dans un dépôt, il voulut, au plus tôt, partager l'existence du soldat dans la tranchée pour lui faire plus de bien, pour l'assister de plus près, et plus efficacement àl'heure suprême, après avoir partagé l'angoisse de son attente.

J'ai recueilli, jadis, un impressionnant témoignage sur ces quelques mois de vie en campagne. Un acte de charité lui en avait ouvert le chemin en hâtant son tour de départ. Captif en Allemagne, encore grâce à son dévouement pour les blessés restés sur le champ de bataille, il refusa les adoucissements qu'on offrait à son caractère sacerdotal. De longs mois il vécut la vie du prisonnier ordinaire dans un camp de simples soldats groupés par milliers. Là son zèle, son dévouement, sa charité ingénieuse et inlassable lui acquirent un ascendant extraordinaire et firent l'admiration de témoins étrangers à sa foi, comme la stupeur jalouse de quelques irréductibles adversaires. Rapatrié comme sanitaire, à la disposition de son camp, il ne se résigna pas au train fastidieux du service intérieur. A travers mille difficultés vaincues par sa ténacité, il se fraya une nouvelle fois la route vers les formations de combat, malgré les fatigues et l'épuisement de sa captivité, dont il n'était pas encore remis.

En août et septembre 1917, il est sur le front d'Italie comme brigadierbrancardier. C'est là qu'il trouva la mort dans un acte de suprême dévouement volontaire, en risquant sa vie pour arracher a une catastrophe impossible à conjurer quelques soldats en service. Il fut l'apôtre consommé, celui qui peut, dans les minimes détails de la vie journalière garder des traces de l'humaine fragilité, mais qui sait envisager sans trembler l'étendue du plus rude sacrifice, et, sans sourciller, l'affronter jusqu'au don plénier de soimême. On a dit déjà, on redira peut-être plus complètement, je le souhaite, ce que fut sa belle vie, dont les beautés n'apparaissaient pas toutes à première vue. Il me semble qu'au spectacle d'une rapide carrière si fortement caractérisée, une impression domine les autres et la noye dans le rayonnement intense de la charité, qui pressait l'apôtre des Gentils. Le P. Menut a cru à la charité. Il en a saisi toute la portée. Il a embrassé toutes les obligations et réalisé toutes les conséquences.

On hésite à situer de telles âmes dans l'espace et dans le temps par les menus détails des circonstances biographiques. Elles resplendissent mieux dégagées des contingences communes.

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