Le Père Yves MESSAGER,
1858-1906


Le P. Messager naquit le 5 septembre 1858, à Henvic, d'une famille profondément chrétienne qui a donné trois prêtres à l'Eglise. Ses deux frères aînés se sont succédé à la tête de la bonne paroisse de Mespaul-en-Léon. Pour lui, après de fortes études classiques à St-Pol-de-Léon, il n'attendait que sa consécration sacerdotale le 23 décembre 1882, pour s'engager dans la carrière apostolique. Il fit sa profession à Chevilly le 24 août 1884, et reçut son obédience pour Nossi-Bé, île proche de Madagascar.

Il ne fit qu'y passer : au bout de quelques mois, le conseil médical fut unanime pour prescrire d'urgence sa rentrée en France. Alors se commençait dans l'Ariège un excellent sanatorium du nom de Gethsémani. Le P. Messager y fut envoyé et y recouvra les forces perdues.

L'année suivante, sur la demande officielle du ministre de la Marine et des Colonies, la congrégation envoyait six missionnaires dans les îles des Comores. Le P. Messager en faisait partie. Mais le commandant de ces îles, qui était alors M. Gerville-Réache, frère du député, ne crut pas devoir les accueillir ; et, profitant du retour en France du transport Le Tarn, il prit sur lui de les faire repartir, sans attendre la réponse du ministre à sa dépêche. Ainsi pour la seconde fois, le P. Messager, accomplissant son pénible retour de la mer des Indes, rentrait à Toulon le 23 décembre 1886.

Peu après, dès le 20 janvier 1887, il s'embarquait à Bordeaux pour la Sénégambie, qui sera, jusqu'à la fin de sa carrière, le théâtre de son fécond apostolat.

Mgr Picarda, qui connaissait ses précieuses qualités, l'appelle à l'oeuvre aussi importante que difficile de la formation du clergé, à St-Jospeh de Ngasobil. Il est économe de la communauté, professeur, puis directeur du séminaire et des Soeurs indigènes. Il y déploie tous les talents de l'homme surnaturel et toutes les vertus du bon religieux, l'esprit de foi et la régularité, le dévouement et l'humilité, la fermeté unie à la douceur.

Ce premier stage dans la Mission dura près de 7 ans. Neuf mois passés en France, en 1892-1893, ayant rétabli ses forces, il rentre et reprend son poste à St-Joseph. Puis nous le voyons se lancer dans les courses apostoliques. Il a appris le wolof et le sérère, ce qui lui permet de se rendre utile à Joal, à Poponguine, dans la Casamance. Il parcourt le Sine et le Saloum, le Baol et le Diéghem, tant pour visiter les chrétiens des escales que pour étudier avec ses confrères, les PP. Jouan et Greffier, les chances et les lieux de fondations nouvelles toujours projetées en ces régions. En 1899-1900, il est à St-Louis-du-Sénégal au moment où éclate le fléau le plus redoutable du Sénégal, la fièvre jaune. Il assiste les victimes qui tombent si nombreuses sous ses yeux, entre lesquelles cinq de ses confrères, et le chef de la Mission, le regretté Mgr Buléon, le premier de tous. Lui-même est terrassé et doit entrer a l'hôpital, atteint d'une bronchite aiguë.

Un second voyage en France, qui ne fut peut-être pas assez prolongé (1901-1902), ne lui donna qu'une trempe insuffisante pour une troisième campagne. Il reçut à Thiès un poste moins fatigant ; et cependant l'épuisement se faisait sentir, en dépit de la force morale de résistance qu’y opposait la plus courageuse vertu.

En août 1904, il repartait en France, plein d'espoir de récupérer au pays breton des forces nouvelles pour des labeurs nouveaux. Hélas ! en dépit de tous les soins que lui prodigue le dévouement fraternel, au presbytère de Mespaul, la résurrection attendue ne s'opère pas.

Pendant cette longue villégiature forcée, le fidèle religieux se cramponne de tout son pouvoir à la vie de communauté. Il passe tour à tour à la Maison-Mère et à N.-D. de Langonnet, notamment aux époques de ses retraites annuelles. Malgré le délabrement de sa santé, il tient à se rendre utile, en prêtant son concours pour les confessions et le catéchisme, à la grande édification de tout le monde. Enfin ses forces l'abandonnent, et le lundi de la Passion, 2 avril, il célèbre pour la dernière fois. A partir de ce jour, il est contraint de garder la chambre et même le lit. Le samedi 5 mai, sentant ses forces l'abandonner, il reçoit sur sa demande les derniers sacrements, et, devant les assistants profondément émus, il renouvelle à haute voix sa profession de foi et ses voeux de religion, en demandant pardon à tous, en remerciant le bon Dieu de toutes les grâces reçues, comme chrétien, religieux, prêtre et missionnaire ; puis il fit à Dieu le sacrifice de sa vie pour l’Eglise, pour la pauvre France, pour sa chère congrégation , pour la sanctification des âmes, pour la conversion des pécheurs en général, et en particulier pour celle des Noirs d'Afrique. Deux heures après, survenait une forte fièvre, avec un délire qui a continué jusqu'au dernier soupir. Il a expiré le dimanche 13 mai, à 11 heures du soir. Ses obsèques ont eu lieu à la paroisse de Mespaul, au milieu d'un grand concours de fidèles et de prêtres des paroisses environnantes. Il repose en ce cimetière, à côté de son frère mort recteur de cette paroisse en 1887.

Ajoutons un dernier détail et qui n'est pas le moins touchant. Jusqu'au jour où il lui a fallu s'aliter, nous écrit son frère, il a travaillé, selon ses forces, à la traduction d'un Mois de Marie en langue wolof. Il paraissait satisfait d'avoir achevé son travail, au moment où il sentait s'achever sa course. Jusqu'à son dernier moment, il pensait à ses chers Noirs ; car au milieu de son délire nous l'avons entendu s'exprimer en une langue étrangère à toutes celles que nous connaissions ici. (Lettre du 19 mai 1906)

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