Le Père Joseph MoéLO,
1879-1947


Joseph Moëlo est né le 15 avril 1879 au Buzédo en Arzano, dans une famille de cultivateurs qui eurent 8 enfants. Excellents chrétiens ils étaient disposés à faire la part de Dieu. On a d'ailleurs déjà compté dans cette famille un prêtre, chanoine honoraire de Quimper. Joseph fit donc ses études classiques au séminaire de Pont-Croix de 1893 à 1898 ; il se classait dans les bons élèves, le premier même en mathématiques. Il jouissait d'une robuste santé. Il sera cependant exempté de service militaire par le fait que l'index et le pouce de sa main gauche conservaient quelques traces d'un accident provoqué par l'explosion d'une cartouche de dynamite.

Durant son noviciat, le P. Genoud lui suggéra de remplacer le service militaire par une deuxième année consacrée à approfondir ses connaissances religieuses et sa vie spirituelle. Il accepta volontiers, et en profita si bien qu'au sortir du noviciat il ressemblait, disait-on, à "un saint breton descendu de sa niche."

Ainsi préparé il ne pouvait que bien poursuivre sa montée au sacerdoce. Ordonné prêtre à Chevilly le 28 octobre 1904, il reçut l'année suivante son obédience pour la Guinée.

Voici comment il raconte sa première année en Afrique :

" Quelques jours après mon arrivée, j'ai été attaché à la mission de Boffa, tout près de la mer, sur ce large bras de mer qu'est le Rio Pongo. Je me promettais d'y faire de bonnes courses apostoliques, mais durant les cinq premiers mois j'ai dû me mettre à l'étude de la langue. Or pendant l'hivernage, c'est bien difficile de circuler. Je suis allé à pied plusieurs fois de Sangha à Farinthia ayant de l'eau sur le tiers du chemin jusqu'à la cheville, et de nombreux ruisseaux à traverser, de l'eau jusqu'à la ceinture, parfois plus haut. Sous le rapport de la santé, j'ai passé une excellente année, n'ayant eu qu'une petite maladie de dix jours, dont je suis entièrement guéri. A Boffa, je me suis ennuyé les premiers mois, ayant été laissé comme si j'avais été de trop : rien à faire qu'à bouquiner le soso tout seul ; heureusement que le P. Caradec me faisait sortir, à peu près tous les soirs. Ce n'est pas la vie qu'on a rêvée à Chevilly. Mais on sait qu'on n'est pas venu en Afrique pour accomplir sa volonté ; aussi après avoir fait son possible, ou, si l'on a manqué, après avoir tout réparé, on tâche de continuer son chemin le cœur joyeux.

En 1907, son apprentissage terminé à Boffa, dans cette première mission de la Guinée, il fut choisi pour travailler à la première mission ouverte en 1903 en pays Kissien. Il avait donc une nouvelle langue à apprendre, et un grand chantier à entreprendre. Il s'y donna de tout cœur. Voici, par exemple, comment se passa à Brouadou le premier enterrement d'un chrétien : " Nous n'avions perdu jusqu'ici qu'un de nos jeunes gens, et c'est tout récemment ; c'était dans le district du Père Moëlo. On vint nous avertir de grand matin de la mort ; le Père avait vu le malade quelques jours auparavant. Il partit immédiatement avec l'intention de vaincre toutes les difficultés, s'il s'en présentait, pour pouvoir donner une sépulture religieuse. Mais, loin de s'y opposer, le chef et les habitants du village répondirent que, depuis que nous l'avions baptisé, cet enfant était à nous, et que personne ne pouvait empêcher une sépulture donnée selon l'enseignement qu'il avait reçu. Le Père les laissa s'occuper à leur manière de la toilette du défunt, lui faire leurs adieux selon la coutume du pays, et procéda en dernier lieu à l'inhumation, entouré des chrétiens du village et de quelques-uns d'alentour. C'est donc encore une difficulté vaincue et qui le sera pour tous ; car il suffit qu'un seul village consente à ce que nous demandons pour que, en pareil cas, tous les autres suivent son exemple.

En plus de son ministère et de l'économat, le P. Moëlo était maçon, menuisier, jardinier et planteur. C'est aussi à lui qu'on demanda de construire la nouvelle église. " L'ancienne, construite en 1904, pouvait contenir 500 personnes en les tassant bien, mais elle était mal aérée et surtout elle était devenue beaucoup trop étroite. Le plan approuvé par Mgr Lerouge, les matériaux préparés à l'avance et réunis, le P. Moëlo se mit à l'œuvre. Le 13 décembre 1918, la première brique était posée ; le 20 avril 1919, l'édifice était debout. C'est bien une cathédrale que cette église à trois nefs, à colonnes de bois très dur, flanquée de deux tours. Elle dépasse en beauté, en hauteur, et surtout en longueur, tout ce que nos braves Kissiens pouvaient imaginer : 1000 à 1200 personnes s'y tiennent à l'aise. C'est à ce jour le plus beau monument religieux de la Guinée.

Après vingt ans de bon travail en Guinée, le P. Moëlo prit un congé apprécié en Bretagne. Il accepta ensuite de partir en Guyane, capable de s'adapter une troisième fois. Faute de documents, nous ne pouvons que mentionner les postes qui lui furent confiés. Arrivé en 1931, il fut chargé de la paroisse de Remire où il trouva 649 catholiques au centre et 215 habitants à la desserte de Matoury. En 1936, devenu conseiller du Vicaire apostolique, Mgr Gourtay, il fut curé d'Iracoubo, où il trouva 600 catholiques, et y laissa 1100, à son départ en congé en 1947.

Ce fut en fait, son départ définitif. De forte constitution, il avait joui d'une excellente santé pendant ses 42 ans de mission, en Guinée et en Guyane. Il fut étonné de se sentir fatigué, et négligea de se soigner aux premiers malaises. Bien vite, il préféra abandonner la lutte. Il disait : "A quoi bon occuper encore une place sur terre, quand on n'est plus bon à rien ? Je suis venu ici non pour rester, mais pour aller plus haut ! Oui, je vais chez mon Père. - A quand la cérémonie, pour quel jour avez-vous fixé la cérémonie ? " Ce sera jeudi, dit-il lui-même. Et c'est ce qui arriva, le jeudi 10 juillet 1947.

Décédé à Langonnet, il repose auprès du Père Joseph Nicol, qu'il avait bien connu à la cathédrale de Conakry, et qui l'a devancé au cimetière de quelques jours seulement. Qu'avec lui et tous les saints, il repose en paix dans la gloire de la Très Sainte Trinité

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