LE PÈRE JACQUES MONTEL de la Mission d'Haïti.
(Notices biographiques V p.436-439)
(1850-1913)


Le P. Jacques Montel, né a Saint-Bonnet d'Orcival (Puy-de-Dôme) le 8 août 1850, fit ses études secondaires au Petit Séminaire de Cellule, sa philosophie au Grand Séminaire de Montferrand, et se présenta à Langonnet le 3 octobre 1874 pour y être admis au Grand Scolasticat. A Langonnet, il accomplit tout le cours de sa théologie, y reçut la tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat - et passa au noviciat de Chevilly à l'automne de 1877. Le 25 novembre de la même année il était ordonné prêtre et le 25 août suivant il faisait sa profession religieuse.

Son premier poste, qu'il eut avant de passer en Haïti fut Nossi-Bé, aux petites îles Malgaches. Son départ fut retardé cependant jusqu'au 5 avril 1879 : les Jésuites, qui jusque-là avaient dirigé la mission des Comores, et qui la cédaient à la Congrégation du Saint-Esprit, ne devaient quitter leur poste que vers le milieu de 1879. A Nossi-Bé, le P. Montel lit assez rudement l'apprentissage de la vie apostolique. Son premier curé, le P. Stervenou fut constamment malade ; il eut donc à pourvoir presque seul aux soins de la première installation, et il traversa pendant cette période une épidémie de fièvre pernicieuse qui 14i donna beaucoup de travail.

Le ministère de Nossi-Bé le prépara à celui de Pétionville : la paroisse y est régulièrement organisée avec ses écoles, ses hôpitaux... En 1879 on y comptait 4.000 chrétiens, dont 2.500 avaient fait leur première communion. Le P. Montel resta à Nossi-Bé jusqu'en mai 1894, et il y fit ses vœux perpétuels 1623 août 1885.

Après quatre mois de séjour en France, il s'embarqua le 25 octobre 1894 avec le P. Limbour, pour Haïti. Le P. Limbour venait fonder les ateliers Saint­-Joseph, et le P. Montel devait l'y aider; le 1er juillet 1895, la Communauté était installée dans un bâtiment de 57 mètres de long à peine terminé, et l'œuvre commençait.

Le P. Montel devait bientôt être appelé à des fonctions qui convenaient mieux à ses goûts et à ses aptitudes. Quand, en avril 1896, le P. Wenger quitta PétionVille pour faire un voyage en France, le P. Montel fut désigné pour le remplacer, et au retour du P. Wenger il resta vicaire de la paroisse. Bien qu'il eût atteint 46 ans, il était le plus jeune des. trois prêtres de Pétionville; le P. Runtz avait 47 ans, le P. Wenger 52 ans, et malgré leur âge, tous trois firent de la bonne besogne Le P. Runtz seul était constructeur et il sut tous les déboires de ceux qui bâtissent en Haïti.

Le P. Wenger et le P. Montel étaient tout entiers au soin spirituel des fidèles. Leur ministère très monotone - visites aux Chapelles, courses aux malades, catéchismes, confessions –n’a rien qui retienne particulièrement l'attention. Il faudrait pour le comprendre avoir une base d'estimation des résultats obtenus autre que le nombre des sacrements administrés, des jours passés dans les chapelles, des chevauchées à travers mornes. On pourrait dire qu'ils ont partout maintenu dans leurs centres religieux le courant vers les choses de Dieu qui a permis à leurs successeurs plus jeunes de récolter ample moisson. Le P. Wenger était plus sévère, le P. Montel était trop bon. Il pratiquait le principe de St Paul * « impendam et super impendar » avec une largeur d'idées qui déconcertait souvent ses confrères. Nul doute qu'on ait parfois abusé de sa condescendance, mais il n'y avait rien dans son laisser-aller qui sentit un retour vers soi-même : il donnait pour faire le bien et son indulgence allait aussi loin qu'il lui était permis sans faiblesse.

Il avait en tout de la méthode. Il suivait dans la composition de ses sermons les préceptes qu'il avait appris au temps de sa jeunesse; il écrivait ses instructions, les conservait, les reprenait au beso in. Son travail passé n'était jamais perdu, et pour des­cendre, à des détails d'un ordre plus familier, mais qui le peignent bien : il ne' descendait jamais en ville sans se munir dans sa sacoche de voyage, qu'il dénommait sa « gibecière », de tous les objets dont il aurait pu avoir besoin. Il avait dressé soigneu­sement la liste de tout ce qu'il lui fallait quand il entreprenait une tournée dans les mornes. On disait même que dans le « sac-paille » de ses provisions chaque chose avait son coin déterminé d'avance, de sorte qu'il eût pu tout y retrouver à l'aveuglette. Et, s'il aimait ces minuties, il n’hésitait pas à se déranger, à changer l'ordre de ses occupations quand on avait besoin de son ministère. Il lut toujours à la disposition de tous, des fidèles et de ses confrères ; et jusqu'aux derniers mois de sa vie, quand il ne pouvait plus guère rendre d'autre service, qu'il sentait même tout le poids de son impuissance, il était toujours prêt à chanter les grand'messes, les magnificat, les libéra. -Le jour où il cessa de réclamer pour soi cette part du service, ses confrères jugèrent qu'il était à bout.

Depuis quatre ou cinq ans, le P. Montel était à la retraite il -venait tic faire un voyage en France, le premier depuis 1894. Chaque aimée, au début de l'été, il descendait à Port-au-Prince pour subir quelques jours d'une médication plus suivie. Cette année, an lieu de se faire traiter en mai ou juin, comme d'ordinaire, il ne vint au Petit-Séminaire que le 7 juillet. Il se plaignait d'un vieux rhume.

Malgré le traitement prescrit par le médecin, il se trouva plus mal dans la nuit du 13 au 14 juillet. Le lendemain, le docteur constatait une broncho-pneumonie contre laquelle on ne put rien, le malade étant dans un trop grand état de faiblesse. Il fallut insister vivement, le 14 au soir, pour qu'il consentit à se confesser, une dernière fois : la soudaineté du coup qui l'atteignait lui causait cette illusion que son état de fatigue et de prostration n'était que passager, et que bientôt il aurait le loisir de recevoir les derniers sacrements en toute connaissance et en paix parfaite. Après sa confession, il reçut l'extrême-onction à 8 heures du soir, et dès lors ses forces baissèrent rapidement. Une demi-heure après minuit, le 15 au matin il s'éteignait sans secousse.

Les obsèques eurent lieu le soir même ; il est inhumé au cimetière du clergé. Un moment on eut l'idée de transporter son corps à Pétionville, mais la rapidité du dénouement n'avait pas permis de prendre des mesures à cet effet : ses confrères de Petionville durent se contenter d'un service de huitaine à son intention, le 22 juillet.

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