Le Frère Hyacinthe Moritz
décédé à Bouanza, le 3 novembre 1898,
à l’âge de 24 ans.


Charles Moritz était né à Ribeauvillé, le 7 novembre 1874. Arrivé à Chevilly, le 25 octobre 1891, il y avait été admis à la profession le 4 avril 1894. Après avoir été employé deux ans à Chevilly et à Drognens, il fut envoyé au Congo français en octobre 1896, et placé aussitôt à Bouanza.

Quelques jours avant sa mort, ce bon frère écrivait au F. Hilarien, à Chevilly, la lettre suivante, qui témoigne à la fois de ses pieuses dispositions et des services précieux qu’il rendait à la mission.

« Vous me demandez des nouvelles de nos travaux : je veux vous causer un peu d’une pirogue que j’ai fabriquée ces jours passés. Celles des Noirs sont des espèces de sabots mal taillés, si étroits qu’on ne sait vraiment comment y loger, et qu’au moindre mouvement on est exposé à aller faire visite aux crocodiles. Je viens d’en faire une pour nous avec un arbre immense. Le bois en est jaune-brun et très dur. J’avais quatre hommes avec moi ; en deux jours nous avons abattu ce géant de la forêt. Il avait quinze mètres de long, sur un mètre soixante de diamètre. J’en ai coupé, pour la pirogue, une pièce de neuf mètres ; il m’a fallu un mois pour la creuser à la hache et à l’herminette. Elle a quatre-vingt-dix centimètres de large et huit mètres quatre-vingts de long ; il y a facilement place pour vingt hommes ou trente enfants : ça fait que nous pouvons nous payer à peu de frais des promenades sur le Niari, grande rivière qui coule devant la mission. Tous les Noirs des environs venaient avec curiosité nous voir travailler à cette pirogue ; et en voyant le cric soulever cette masse, ils étaient ahuris et restaient bouche béante.

« À l’arrivée de ma lettre, vous aurez déjà appris la fin tragique du pauvre F. Séverin, tué par les Bondjos. Nous aussi, nous avons été rudement éprouvés en ces derniers temps. »

En transmettant cette lettre, le P. George Schmitt, supérieur de la communauté, y ajoutait, tout désolé, ces quelques lignes : « Le bon F. Hyacinthe vient de nous quitter lui-même pour un monde meilleur, le jeudi 3 novembre, à quatre heures du soir, par suite d’un accès de fièvre pernicieuse. Cette mort foudroyante, après deux jours seulement de maladie, nous a plongés dans la consternation.

« Ces sortes de fièvres ont d’ordinaire pour cause quelque imprudence. C’est bien le cas du pauvre frère. Le lendemain du jour où il écrivait sa lettre, dimanche 30 octobre, il se sentit fatigué ; et, dans l’après-midi, au lieu de se reposer, il alla, sur l’invitation du P. Zimmermann, accompagner avec lui les enfants en promenade. Il faisait une chaleur extraordinaire. Au retour, il était à bout de forces et avait le sang “cuit”, comme on dit au Congo. On espérait encore que le repos le remettrait ; rien ne paraissait grave. Mais le 2 novembre il eut un premier et fort accès de fièvre ; le lendemain, survint un second qui l’emporta : il s’est éteint presque sans agonie. On a pu cependant lui donner les derniers sacrements. -
BG, t. 19, p. 555.

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