Le Père Bernard NOËL,
1916-1987.


Né à Dieppe le 30 octobre 1916, orphelin de mère à six ans, c'est à Cherbourg (paroisse Notre-Dame-du-Vœu et collège SaintPaul) que Bernard Noël passa son adolescence. Une rencontre avec un jeune religieux spiritain originaire de la Manche, Jean Hyernard - qui sera une grande figure missionnaire en Centrafrique - oriente sa vocation vers la Congrégation du Saint-Esprit. Il entre à l'école apostolique de Cellule (Puy-de-Dôme) en 1932 : il est en classe de troisième. Après ses études secondaires, il fait son noviciat à Orly en 1936-1937. Il est à l'Abbaye Blanche de Mortain (Manche) pour le cycle de philosophie. Après sa démobilisation comme maréchal des logis, en août 1940, il commence sa théologie à Cellule et la poursuit à Chevilly. C'est là qu'il est ordonné prêtre le 29 juin 1943 et qu'il fait sa consécration à l'apostolat missionnaire le 18 juin 1944.

Le missionnaire - Après qu'il eut passé six mois comme aumônier dans un collège des Frères des Écoles chrétiennes à Santeny (Val-de-Marne) où il réussit très bien auprès des jeunes, le Père Émile Laurent, supérieur provincial des spiritains français, décide de l'envoyer, parce qu'il est manifestement fait pour le ministère auprès des jeunes et pour le travail intellectuel, comme professeur au collège Saint-Martial de Port-au-Knce, en Ha~iti. Il part en février 1945, sur le Sagittaire, et n'arrive que cinq mois plus tard, en avion depuis la Martinique.

Il passe en Haïti cinq années d'intense et heureuse activité missionnaire. Dans le collège réputé de Saint-Martial, aux mille deux cents élèves, il assure une partie des cours d'histoire et de geographie générales. Professeur compétent et scrupuleux, il innove en se montrant soucieux d'intégrer dans ses cours des éléments propres aux peuples de la région (civilisations aztèque, olmèque, etc.). Il est, par ailleurs, un aumônier enthousiaste de mouvements de jeunesse, jeannettes et guides. Des liens noués alors en Haïti le resteront pour toute sa vie. Par la suite, il accordera un soin particulier au secteur des archives spiritaines concernant Haïti.

Obligé de rentrer en France au début de 1950 en raison de l'état de ses poumons, Bernard Noël passe deux années à Montana (Suisse).

L'archiviste - Ne pouvant plus repartir en mission, Bernard Noël est nommé à Paris, au secrétariat général et aux archives de la congrégation du Saint-Esprit, 30 rue Lhomond, comme adjoint (1951-1956) puis comme archiviste général à partir de 1957. Il le restera trente ans. Il déménagera l'ensemble des archives de Paris à Chevilly en 1981 : énorme travail rendu nécessaire par l'exiguïté des locaux de la rue Lhomond mais qui le fatiguera beaucoup.

Bernard Noël n'est pas le fondateur des archives spiritaines. Mais il est celui par qui ces archives sont devenues scientifiquement utilisables. De temps en temps, il évoquait l'état dans lequel il avait trouvé les archives. Un travail énorme, certes, avait été accompli pour la conservation par ses deux prédécesseurs : le Père Cabon et le Père Navarre. Mais il héritait d'une montagne de documents, empilés partout, dans des cartons, sur des étagères, par terre, sans classification sinon rudimentaire, sans inventaire surtout... Avec ténacité et méthode, il identifie, trie, classe, répertorie. Grâce à lui, des documents d'une inestimable valeur pour l'histoire de l'Afrique et d'ailleurs deviennent Peu à peu accessibles et utilisables, précisément au moment où, avec les indépendances, les travaux et les thèses se multiplient.

Dans un des rares articles qu'il ait écrit sur son travail, sur son métier d'archiviste, en 1964, il tenait à s'expliquer sur la finalité de son labeur et sa signification dans une congrégation missionnaire. Déjà à cette époque, non pour se mettre en valeur, mais pour attirer l'attention de ses confrères missionnaires dont on ne peut pas dire que le souci des archives occupe une grande place dans leur vie, le Père Bernard Noël signalait les témoignages de satisfaction et d'admiration pour le travail accompli, reçus des grands noms de la profession en France et ailleurs : les Archives nationales, le service historique de la Marine, l'Université, les Hautes Études, l'Académie des Sciences d'Outre-Mer, les Archives de l'Église de France...

Ces témoignages se sont progressivement multipliés en proportion du nombre toujours plus élevé de chercheurs qui ont eu recours aux archives spiritaines, chercheurs de tous les pays du monde ; en proportion également du développement et de l'enrichissement que Bernard Noël a apportés au fonds initial par ses démarches incessantes auprès des confrères pour la collecte des documents et pour leur classification : plus de 1100 boîtes d'archives, contenant chacune des dizaines de documents identifiés et classés, avec une indispensable bibliothèque d'accompagnement.

Bernard Noël avait une haute idée de son travail, de sa mission d'archiviste, pas de sa personne. A l'occasion de la préparation du chapitre général de la congrégation du Saint-Esprit tenu en 1986, il plaidait une ultime fois la cause des archives dans une lettre au Père Timmermans, supérieur général : "Il ne s'agit pas de défendre le passe, mais de rendre service aux jeunes Églises en préservant et amassant les matériaux qui leur serviront, à elles, pour écrire leur Histoire." Et il demandait qu'on définisse les archives générales spiritaines comme la "Mémoire vivante de notre passé au service des jeunes Églises fondées par nous et désireuses de connaître leurs Acta Apostolorum...".

Le prêtre - Ce ne serait pas rendre service à Bernard Noël que de passer sous silence, même ici, le fait que, s'il était archiviste, il s'est voulu toute sa vie fidèle à sa vocation première : celle de religieux, prêtre et missionnaire. Il a exercé un très actif ministère sacerdotal, sa vie durant, àParis et dans la banlieue, dont les échos reçus après sa mort montrèrent la profondeur et la qualité. La fréquentation des hommes du passé n'avait point détourné son regard et son cœur de ses contemporains.

Frappé d'un infarctus, le mercredi saint 15 avril, après une longue convalescence, il subissait en juillet une intervention chirurgicale sur le cœur qui devait être suivie de complications et entraîner sa mort au matin du 11 août 1987. Dix mois auparavant, il avait enfin obtenu qu'on lui nomme un adjoint destiné à lui succéder. Les archivistes passent, le service des archives spiritaines continue...
(Extraits du Livre "Libermann" par Paul Coulon et Paule Brasseur, avec l'autorisation des auteurs).

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