Le Frère Lambert OLLIVIER,
1877-1909


Jean-Louis Ollivier naquit le 6 juillet 1877 à la Forêt-Fouesnant, au diocèse de Quimper. Il fit ses études secondaires au petit séminaire, et il étudiait la philosophie au grand séminaire, quand il sentit s'éveiller en lui les aspirations qui révèlent une vocation apostolique.

Admis au noviciat des clercs de Grignon à Orly, en mars 1900, il y passa une année entière, mais il n'eut pas le bonheur de voir ses efforts couronnés par la profession religieuse. Son âge déjà avancé, sa santé chancelante, un retard considérable dans ses études, et de ce fait, la perspective imminente d'un complément de service militaire, un caractère manquant de souplesse et surtout une vocation dépourvue de garanties suffisantes : telles furent pour ses directeurs autant de raisons de le détourner de la voie sacerdotale.

Il en prit bravement son parti, et gardant au cœur la ferme résolution d'être missionnaire "quand même", il quitta la soutane pour revêtir l'uniforme. Deux ans durant, il subit la vie de caserne comme un ancien, l'envisageant par le bon côté et remplissant consciencieusement sa charge de garde-magasin, fonction enviée, par cela seul qu'elle est une situation de tout repos, ou, dans le langage militaire, une place de "tireur au flanc".

En juin 1903, notre soldat s'écriait : "Vive la classe" et toujours fidèle à lui-même, il entrait le 20 septembre 1904, au noviciat des Frères à Chevilly, après avoir passé 15 mois d'épreuve à Saint-Ilan, en qualité de professeur. Le 1er janvier 1905, il faisait enfin sa profession religieuse sous le nom de Frère Lambert, et, dès lors, rêvait de suivre ses anciens condisciples sur la terre d'Afrique.

Hélas! les caves de Chevilly devaient le garder prisonnier et pour un temps bien long à ses désirs impatients. Cette impatience, d'abord sagement contenue par la première ferveur du jeune religieux, se manifeste dans ces mots qu'il adressait plus tard au T. R. Père : " Me voici à Chevilly, attendant depuis six mois une obédience quelconque. Ah ! s'il m'était permis d'aller en Afrique, ce serait pour moi une belle récompense du sacrifice que j'ai fait du sacerdoce, sacrifice qui m'est toujours bien pénible, et qui me serait cependant bien doux et même presque oublié en pays de mission.

Des vœux si ardents furent exaucés, et le 15 octobre 1905, le Frère Lambert s'embarquait à Bordeaux pour le Sénégal. Il devait, croyait-il, remplir à Dakar les fonctions d'aide-procureur, charge délicate à laquelle il semblait avoir été préparé par ses études secondaires. Mais, à lui comme à beaucoup de missionnaires, il échut un emploi aussi modeste qu'imprévu : son champ d'action se borna tout simplement aux soins de la sacristie et du jardin. Surpris et un peu désappointé, le Frère accepta pourtant ce travail et l'accomplit régulièrement plusieurs années, mais sans y mettre rien d'un dilettante. Aussi, dans les jours plus sombres, son imagination s'envolait-elle vers un poste de catéchiste en pleine brousse, ou, encore, se créait un idéal de la vie rigoureuse des Trappistes : plus d'une fois, le sacrifice qu'il avait généreusement consenti en renonçant au sacerdoce lui pesa lourdement et lui ramena au cœur sa première amertume.

Néanmoins, toutes ces tentations, si profondes et si cruelles qu'elles fussent, fondaient comme neige au printemps sous l'influence des sages conseils de ses supérieurs, et faisaient place à un nouveau courage pour remplir son monotone et astreignant emploi.

En janvier 1907, le F. Lambert fut envoyé à Thiès : le service intérieur de la maison lui fut confié, et le voilà toujours dans les caves et les magasins auxquels il lui semblait dès lors être prédestiné. Le temps passa vite
à son avis, et en septembre il demandait à renouveler ses vœux : " Je n'ai pas été un modèle, écrivait-il humblement au T. R. Père, mais je n'ai qu'un seul désir : faire plaisir à mes confrères, avancer de plus en plus dans l'amour de Dieu et contribuer ainsi en très petite part à la conversion des païens du Sénégal.

En 1908, le F. Lambert était de nouveau à Dakar et y occupait les mêmes emplois que précédemment, mais on remarquait en lui plus d'esprit de foi et aussi plus de résignation religieuse. On l'eût pris volontiers pour un philosophe à voir sa patience, sa bonhomie, les innombrables taquineries dont il était l'objet. Ou lui attribuait quantité d'expressions bizarres que l'on dénaturait à plaisir pour les rendre plus burlesques, et le Frère s'en amusait le premier dans la société de ses confrères.

Vers la fin de l'hivernage 1909, le F. Lambert, déjà très anémié, ressentit une fatigue générale compliquée d'un gros embarras bilieux. Sur sa demande, il entra au dispensaire de la mission où il fut entouré des soins les plus assidus. Quoique son état ne parut pas grave, le Frère restait sous le coup d'une dépression morale invincible. était-ce un pressentiment ? Tous les confrères savaient qu'il avait été atteint de la tuberculose dès avant son noviciat, tous semblaient ignorer qu'il fût sujet à une affection cardiaque, et c'est un accident du cœur qui devait l'emporter, presque à l'improviste.

Le F. Lambert avait au dispensaire pour compagnons de misère les PP. Le Hunsec et Grimault (Tous deux futurs évêques du Sénégal: 1920-26 et 1926-46.) qui s'efforçaient de le distraire de ses idées noires, mais sans résultat appréciable. Le 8 octobre, tous trois avaient pris ensemble leur repas à midi : après une courte récréation, chacun se retira pour se reposer.



Quelques minutes s'étaient à peine écoulées, que le Frère, tout à coup, perdit connaissance. Les confrères n'eurent que le temps de lui administrer l'extrême-onction ; le docteur le plus proche, appelé d'urgence, tenta des injections de caféine, tout fut inutile ; le Frère Lambert expira après une agonie d'une demi-heure.

Les funérailles eurent lieu le lendemain et furent des plus imposantes : le Gouverneur général intérimaire, la Délégation du Sénégal, nombre de Maisons de commerce se firent représenter aux obsèques de ce Frère, qui eut le grand et rare mérite d'accepter de bon cœur et de remplir jusqu'au bout, avec foi et générosité, l'humble charge par laquelle Dieu voulait le sanctifier et lui assurer la récompense des bons et fidèles serviteurs.

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