Le Père Victor PARIS
décédé à Bergheim, le 13 mars 1896,
à l'âge de 46 ans.


Le PèreVictor Paris était né le 29 août 1850, à Bergheim (Alasace). Après avoir passé quelques années au collège des Frères de Marie, il travailla avec son père, honnête cultivateur. En 1870, il s’enrôla dans l’armée en qualité de volontaire et conquit rapidement les galons de sergent-major. Fait prisonnier au Mans, il fut transporté en Allemagne, où il subit de longs et pénibles mois de détention. La paix conclue, il rentra dans ses foyers, pour être placé, quelque temps après, dans une maison de commerce à Reims.

Un jour, le curé de Bergheim dit au père du jeune Paris : « Faites revenir Victor ; il ne sera heureux que dans un couvent. » Il se décida, en effet, à se préparer au sacerdoce. Il se mit à l’étude du latin avec son curé, qui le fit entrer au petit scolasticat de de Langonnet. En 1880, il fit profession au noviciat de Chevilly.

Après quelque temps dans cette même communauté comme économe, il fut, envoyé en mission et arriva au Congo, en 1882. Il fut placé à la mission de Saint-Antoine, par le P. Carrie, alors préfet apostolique du Congo.

En 1884, le P. Augouard avait fondé la Mission de Linzolo, près Brazzaville, et devait rentrer en France, pour réparer sa santé délabrée. Le P. Paris fut désigné pour aller le remplacer. Les voyages n’étaient point ce qu’ils sont aujourd’hui, la route n’était pas sûre et on marchait alors vers l’inconnu. Le P. Paris ne se laissa pas effrayer ; il prit bravement le bâton du voyageur et arriva sans encombre à Linzolo, en mars 1884.

La mission commençait ses installations et l’esprit inventif du P. Paris le servit admirablement en bien des circonstances. Les travaux avançaient rapidement et, sans ménager ses forces, le missionnaire menait de front l’évangélisation aussi bien que les constructions.

En 1885, le P. Paris, accompagnant le P. Augouard, entreprit un premier voyage d’exploration vers le Haut-fleuve, à la recherche de la rivière Kassaï, dont le P. Duparquet disait des merveilles. Pendant que les voyageurs, suivant de fausses cartes de Stanley, cherchaient au-dessus de l’Équateur, la fameuse rivière s’était amusée à déboucher 500 kilomètres plus bas, et l’explorateur Wisemann venait d’en descendre le cours, dont il nous donnait la position exacte.

Le P. Paris devint supérieur de la mission de Linzolo après être redescendu à la côte avec le P. Augouard, pour rendre compte à Mgr Carrie du résultat de leur voyage.

En 1889, lorsqu’il fallut installer la mission de Saint-Louis de Liranga, on fit appel au dévouement du P. Paris, qui accepta avec empressement d’aller diriger les travaux de la nouvelle station. Il resta seul pendant près de deux mois, avec de nombreux ouvriers à diriger chaque jour.

Au mois de novembre 1889, le père descendit à la mission de Brazzaville, dont il devait prendre la direction, mais sa santé délabrée réclamait impérieusemeent un retour en France, et il prit le chemin de la côte. Pendant près de trois ans, sa santé ne se remettant que très difficilement, il dut rester en France, où il fut employé en qualité d’économe à Cellule.

En, 1893, il demanda avec instance de revenir dans sa chère mission, et la maison mère voulut bien accéder à ses désirs. Il fut alors nommé provicaire apostolique de l’Oubanghi, et Mgr Augouard voulut le garder près de lui à Brazzaville. Dès son arrivée, le père se remit au travail et sut doter la cathédrale de Brazzaville d’une foule d’ornementations qui prouvent son goût délicat.

Mais si le P. Paris se rendait si utile dans les travaux matériels, il n’oubliait pas non plus le spirituel, et il fut toujours le modèle du bon prêtre et du bon religieux. Sa nature un peu lente lui valut quelquefois de petites observations, mais il les reçut toujours avec la plus grande docilité. C’est aussi avec une parfaite charité qu’il soignait ses confrères dans leurs maladies et il avait pour eux une foule de petites attentions et de délicatesses qui savaient faire oublier les souffrances.

Il était aussi chargé des malades dans les villages. Plusieurs fois par semaine, il enfourchait un maître Aliboron de superbe prestance, et on le voyait arriver avec joie près des malades qui lui avaient donné le surnom de Kimboukambouka (médecin pour le vulgaire). Une longue pratique lui avait valu une réputation méritée et, en effet, il fit des cures extraordinaires. En faisant du bien aux corps, il n’oubliait pas les âmes, et profitait de toutes les circonstances pour parler aux indigènes de notre sainte religion.

À force de distribuer des remèdes, le Père y avait peut-être pris goût. Avant de les administrer aux autres, il voulait sans doute les expérimenter lui-même, et ses confrères le plaisantaient parfois sur la pharmacie complète qu’il possédait dans son estomac.

Toutefois, ses forces diminuant, Monseigneur l'obligea à partir, en septembre 1895. Il arriva à la côte, exténué et affaibli par les hémorragies fréquentes. Il s'embarqua sur le premier paquebot en partance. C’est avec peine qu’il parvint jusqu’en Alsace auprès de son vieux père, qui semblait, lui aussi, n’attendre que l’arrivée de son fils afin de partir pour l’éternité.

Voici en quels termes une de ses tantes faisait part des derniers moments du P. Paris : « Le 12 mars, nous avions plein espoir ; le docteur, ainsi que nous, constataient un mieux dans son état. Mais nos illusions sont tombées bien vite. Le vendredi matin, 13, la voix lui manquait, il ne voulait prendre que quelques boissons rafraîchissantes, était toujours assoupi. Vers quatre heures, ses yeux devenaient ternes, la sœur garde-malade qui était avec moi commença les prières des agonisants. Son vieux père (quatre-vingt ans), à genoux près de son fils mourant, pleurait et priait avec une résignation toute chrétienne. M. le curé était présent. À six heures, notre cher malade rendit son âme à Dieu avec cette résignation, cette patience et le calme qui le caractérisaient et faisaient l’édification de son entourage. » -
Mgr Prosper Augouard - BG, t. 18, p. 320.

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