Le Père Ferdinand PÉDUX,
décédé à Langonnet, le 7 avril 1956,
à l'âge de 76 ans.


Ferdinand Pédux naquit à Laventie (diocèse d’Arras), le 21 janvier 1880. Il fit ses études secondaires à Merville, de 1891 à 1898, ses études philosophiques et théologiques à Chevilly, de 1899 à 1904. Il fit profession à Orly, le 1er octobre 1899, fut ordonné prêtre à Chevilly, le 28 octobre 1904, et fit sa consécration à l’apostolat, le 9 juillet 1905.

Le jeune missionnaire qui, cette année-là, allait rejoindre, comme première obédience, Linzolo au Congo français, devait, toute sa vie, rester dans la ligne de fidélité qu’il se traçait ainsi : il restera toujours un vrai nordiste, enthousiaste, entreprenant, prompt en affaires, se créant partout de nouvelles relations, de nouvelles amitiés, sans nullement délaisser les anciennes, et parvenant à ses fins comme en se jouant. C’était quelqu’un de très avisé, fin d’esprit, de bonne culture générale, parfaite, d’ailleurs, à l’université de Fribourg, à l’œil vif, pas inquiet mais volontiers inquisiteur, à tout prendre, un malin qui avait plus d’une corde à son arc, qui n’en oublia aucune, et qui eut à cœur le noble désir de les faire servir toutes au triomphe de la cause missionnaire.

En 1911, le P. Pédux rentre en France ; congé fini, il retourne au Congo, avec Mbamou comme nouvelle obédience. Ici du moins, il n’aura plus à s’inquiéter de la dépendance juridique de la station : si Mgr Dérouet et Mgr Augouard revendiquaient chacun pour sa part la possession de Linzolo, Mbamou appartient de toute évidence à Brazzaville. Pour le reste, pas de différence d’avec Linzolo : œuvre d’enfants et ministère dans les villages, tout intéresse le père, tout le préoccupe. Pour Dieu, pour les âmes, que ne ferait-il pas ? Que n’a-t-il pas fait ? Le voici, un soir entre les autres, « qui escalade les collines du Djoué, franchit les marigots, tirant sa montre aussi souvent qu’il éprouve le besoin de tirer la langue, pour aboutir finalement, au coucher du soleil, au village de Boula Mangou, mais sans y trouver l’unique chrétien du village pour faire palabre avec lui en vue de son mariage ; et de rentrer dare-dare à la mission, exactement à minuit moins sept, juste à temps pour avaler un verre de vin ».

Un document officiel nous donne un aperçu d’ensemble sur l’activité du missionnaire au Congo français : « Le Lieutenant Gouverneur du Moyen-Congo sollicite la nomination au grade d’Officier d’Académie pour le P. Pédux qui a contribué à la diffusion de la langue française, en dirigeant successivement les écoles de Linzolo et de Mbamou. Un grand nombre d’élèves qu’il a formés sont actuellement au service du Gouvernement. A pris part, à plusieurs reprises, à des tournées médicales, notamment en 1907, 1908, et 1910, où il a accompagné les médecins en mission dans la circonscription et facilité grandement leur tâche, en les aidant de sa connaissance des idiomes et des coutumes du pays. La mission de Mbamou compte actuellement une quarantaine d’enfants suivant assiduement les cours et appelés à devenir des agents du Gouvernement. En outre, le dispensaire est fréquenté chaque jour par une quantité de malades qui y trouvent des soins éclairés et des médicaments ; d’autre part, au cours de ses nombreuses tournées dans les villages, le P. Pédux laisse partout des marques apparentes de son dévouement pour les indigènes, secondant ainsi notre action de civilisation avec son zèle désintéressé d’autant plus louable qu’il s’exerce modestement et discrètement. Enfin, si ce détail pouvait augmenter les titres à la distinction sollicité pour le supérieur de Mbamou, j’ajouterais que les relations qu’il entretient avec les autorités locales sont rendues faciles et agréables par une courtoisie et un tact parfaits. »

Le candidat aux palmes académiques ne fut pas insensible à la reconnaissance officielle de ses mérites. « Je ne vous cache pas que ce document officiel m’a fait plaisir, non pour la gloriole qui en résultera si on me “palme”, mais pour la constatation officielle que, quoique curé, j’ai servi la cause de la civilisation et que j’ai été utile à la Patrie. Si par hasard j’avais affaire à un sectaire, je le prierais de prendre connaissance du document et cela pourrait lui en boucher un coin ! »

Comme on le voit, le P. Pédrux vibre à toutes les causes ; sur place, il se démène avec ardeur, se prodiguant à tous sans compter.

En 1922, après un deuxième congé en Europe, il est chargé, avec le P. Pédron, d’une importante mission de reconnaissance dans la région de la Sangha. Au retour de ce voyage d’exploration qui dura quatre mois, c’est lui qui en dresse le rapport en un compte-rendu circonstancié sur les possibilités de l’établissement de quelques missions au pays d’Ouesso, de Bania et de Carnot, dans les villages Kakas et Kangérés. « L’accueil enthousiaste que nous avons reçu partout au cours de ce voyage, conclut-il, et le désir manifesté par tous de voir les missionnaires s’établir chez eux montre bien que toute la population est prête à accueillir l’Évangile. Puissent leurs vœux être réalisés dans le plus bref délai possible, c’est le souhait que je forme en terminant ! »

Le P. Pédux continuera encore quelques années son apostolat africain, tour à tour à Boundji, à Liranga, à Brazzaville, mais quelques années seulement ; en avril 1927, il rentre en effet en France, malade et affligé de rhumatismes. Ainsi les années ont passé, du travail, du bon travail a été fait, que vouloir de plus ? Repassant ses souvenirs d’apostolat, le missionnaire se permet de faire le point, et note quelques confidences pour les générations futures : « Soyez contents du poste que l’on vous confie, la Providence sait ce qu’elle fait. En arrivant en mission, ne précipitez pas vos jugements, faites confiance à ceux qui vous entourent. Vivez votre vie de religieux et de missionnaire telle que vous l’avez rêvée et arrêtée devant Dieu au scolasticat, en admettant que d’autres peuvent avoir des raisons d’être plus larges que vous. Ne croyez pas trop facilement ceux qui prétendent que l’Afrique aigrit les caractères. L’Afrique peut préciser les caractères, mais ne les change pas complètement. Le caractère que l’on a eu au scolasticat, peut-on dire d’une façon générale, on le garde en Afrique. Ne vous laissez pas démonter par les événements ; comptez sur la grâce et vous ferez du bon travail. »

En 1927, le P. Pédux n’est pas pour autant à la porte du tombeau : de 1927 à 1956, l’étape est longue. Après avoir occupé le poste d’aumônier du collège d’Hulst, à la Manouba, en Tunisie, de janvier 1928 à juillet 1929, il fut nommé procureur des missions à Marseille. C’est l’occasion pour lui de tirer parti de ses nombreuses relations, et il en profite.

Aux services ainsi rendus aux confrères de passage à la procure, le P. Pédux ajoute sans répit des travaux de ministère dans les paroisses et les communautés ; les prédications sur les missions à l’occasion des Journées missionnaires ont pour lui un attrait tout particulier. Il y consacre le meilleur de lui-même, toujours par souci de l’essor de la cause missionnaire.

Nommé économe de la communauté de Piré-sur-Seiche, en octobre 1935, il continue en Bretagne, le même labeur apostolique qu’à Marseille, jusqu’au jour où, harassé de fatigue et n’en pouvant plus, il doit remiser sa bicyclette et ranger ses sermons.

Au lendemain d’une vilaine congestion pulmonaire, en décembre 1953, il ne se retira à Langonnet, avec une seule préoccupation, celle de prier encore pour les missions pour lesquelles il avait consacré toute sa vie. La Sainte-Vierge, notre Bonne Mère – comme il disait – pour qui il eut toute sa vie une dévotion particulière, le réconforta jusqu’au dernier jour, jusqu’au dernier soir qui fut le soir du samedi 7 avril 1956. -
Louis Didailler. - BPF, n° 80.

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