Le Père François PÉLÉ, décédé à Loango, le 28 juillet 1913, à l’âge de 37 ans.

François Pélé, naquit le 15 janvier 1876, d’une famille très chrétienne habitant La Fontenelle, au diocèse de Rennes. C’est à l’institution libre de Launay qu’il débuta dans ses études, et il les continua au petit séminaire de Saint-Méen, où, à dix-sept ans il tenait les premières places sur les trente-cinq élèves de sa classe. Pendant son grand séminaire, à Rennes, il dut commencer son service militaire, mais au bout de deux mois de caserne il fut réformé, et put ainsi achever tranquillement ses études théologiques.

Il fut ordonné prêtre le 27 mai 1899 et il entra dans la congrégation de ses anciens maîtres, les Prêtres de l’Immaculée-Conception de Saint-Méen. À la même époque il prépara son examen de licence-ès-lettres et fut reçu le 7 juillet 1900, à la Faculté des lettres de Rennes. À la date du 3 octobre suivant, il était chargé du cours de littérature au petit séminaire de Saint-Méen. Dans cette fonction, comme aussi dans la prédication, l’abbé Pélé se révélait comme un sujet d’avenir quand, en 1903, sa société fut dissoute en vertu des lois contre les congrégations.

Depuis fort longtemps la vie de missionnaire l’avait attiré. Désireux de se vouer au salut des Noirs dans quelqu’une de nos missions, il vint immédiatement solliciter son admission dans notre institut. Il a d’ailleurs rappelé plusieurs de ces détails dans sa demande de profession : « Ce qui m’a attiré dans la congrégation, c’est la grande vie apostolique qu’on y mène car dès mon enfance j’ai ressenti de vifs attraits pour les missions lointaines et maintes fois, en manifestant à mes anciens supérieurs le désir de me consacrer à l’apostolat de Noirs, je m’étais mis entièrement à leur disposition sous ce rapport. Les événements douloureux qui ont détruit notre chère congrégation m’ont paru une indication de la Providence, et j’aurais cru manquer à ma vocation en différant de répondre à l’appel de Dieu. »

Le 30 août 1903, il entrait au noviciat d’Orly. L’année qu’il y passa fut pour lui une année heureuse. Il fut noté par ses directeurs comme « caractère bon, vertu et piété solides, diligent dans les charges et appelé à faire du bien ».

Comme il était arrivé au noviciat ayant déjà émis les vœux perpétuels, un rescrit de Rome l’autorisa à renouveler ces mêmes vœux dans notre congrégation en y faisant sa profession, laquelle eut lieu le 8 septembre 1904. Le même jour il faisait sa consécration à l’apostolat. Puis il recevait son obédience pour Loango.

Dans ses notes intimes nous lisons, à la date de son débarquement : « Le P. Dérouet, provicaire-administrateur, est là, entouré de tous les confrères. Puis avec cette escorte d’honneur, ou plutôt au sein de cette réunion de famille, je suis conduit à la salle à manger pour déjeuner. Après quoi, visite à la chapelle, à la tombe de Mgr Carrie, aux ateliers, au jardin, aux plantations, etc. Je passe trois jours au milieu de ces aimables confrères. Cependant j’ai reçu ma destination définitive pour Linzolo. Je quitte Loango plein de souvenirs et de réflexions.

« 19 Novembre. – Enfin j’arrive à Linzolo, je me présente en invoquant les anges gardiens de ma mission. La veille, le P. Supérieur m’avait fait parvenir une carte pour me souhaiter la bienvenue. La connaissance est vite faite avec lui et les deux frères ; au bout d’un moment nous sommes des amis ; Dieu veuille que je fasse ici beaucoup de bien ! »

Avec sa nature ardente et généreuse, le P. Pélé se dépensa aussitôt beaucoup dans les œuvres de cette station. Il y déployait depuis un an son zèle, quand il se trouva tout à coup impliqué dans un conflit avec l’administration. Mandé à Loango par le Père provicaire pour mener à bien cette affaire, il eut vite fait de remettre les choses au point. Vers la Noël, il était momentanément adjoint au P. Kieffer pour la fondation de la station de Nsessé.

En mars 1906 « le différend administratif qui avait donné lieu à sa descente à Loango, ayant été résolu de la façon la plus heureuse, à la suite d’une contre-enquête », il retournait à son poste de Linzolo. Il fut au comble de ses désirs lorsque peu après, le provicaire l’envoya fonder l’œuvre de Kialou, à quatre jours au nord de Linzolo. Il y fit preuve d’endurance et d’activité.

En avril 1908, Mgr Dérouet le rappelait auprès de lui, pour l’aider dans le ministère à l’extérieur et pour diriger les classes ; puis un vide s’étant produit dans le personnel de Nsessé, il dut l’envoyer temporairement au secours du P. Kieffer. « Pendant ses deux séjours à mes côtés, écrit celui-ci, je n’ai eu nulle plainte à formuler à son sujet. Dès le début, il s’est mis à apprendre la langue Yombi et à enseigner les éléments de la religion. Durant les moments de repos, alors qu’il surveillait les travaux à la forêt, il essaya un vocabulaire et la traduction de quelques cantiques qu’il fait chanter par les ouvriers à la messe du dimanche. Les relations avec les indigènes étaient fraternelles sans faiblesse, aussi quand on annonçait un malade, il ne trouvait guère de difficulté pour le visiter. Quant aux travaux, il ne se rebutait pas chaque fois qu’il fallait échanger la plume contre la scie ou la hache. Durant son second séjour il a été d’un secours précieux pour les divers travaux, et cela ne l’empêchait pas de faire des voyages de ministère dans les terres voisines de Nsessé. Il avait une âme apostolique. »

En octobre 1909 il revint à Loango ; Mgr Dérouet, qui avait depuis longtemps apprécié les talents de ce missionnaire, le nommait économe de la communauté et procureur du vicariat. Il devait en même temps diriger l’Œuvre des enfants et desservir l’Œuvre des sœurs.

C’est dans cet obscur labeur qui exigeait un dévouement de tous les instants, qu’on put se rendre compte de ce qu’était le P. Pélé. On le voyait toujours prompt à rendre service aux confrères et aux stations. Il se dépensait pour le progrès moral et intellectuel des enfants des deux œuvres, il les aimait, s’intéressait à eux, les attirait à la piété et leur faisait goûter les charmes de la religion. La bonté communicative de Mgr Dérouet influa bien vite sur le naturel quelque peu vif du P. Pélé : vers les derniers temps celui-ci était de plus en plus aimé de toute cette jeunesse quoiqu’il n’eût rien relâché de sa fermeté dans la discipline.

La plume alerte de l’ancien professeur de belles-lettres a été d’une collaboration précieuse pour la revue Le Mémorial du Loango ; elle nous a fourni des “Revue du Mois”, ainsi que des articles qui témoignent d’un écrivain doublé d’un observateur. Le P. Pélé était aussi un homme d’étude : il a laissé un grand nombre de manuscrits qui traitent de questions théologiques, philosophiques, littéraires, etc. ; il a recueilli des notes sur les superstitions des païens, rédigé beaucoup de sermons, soit en français, soit en langue indigène.

L’obéissance a toujours tenu une grande place dans sa vie de missionnaire. Sensible comme il l’était, elle dut lui être bien méritoire, surtout quand sa nomination d’économe-procureur l’arracha à son idéal, l’évangélisation des villages ; il obéit une fois de plus comme un enfant, et vint aussitôt se mettre à une fonction qui lui était tout ce qu’on peut imaginer de plus antipathique. Quand, peu de temps avant sa mort, la maison mère, sur la proposition de Mgr Dérouet, le nomma vicaire général, la modestie du P. Pélé se trouva désorientée de cette situation en vue : pour la première fois il eut un moment d’hésitation, mais sur un mot de son évêque il fit taire ses répugnances.

Il commençait à faire preuve d’une grande expérience des affaires, il promettait de longues années et un excellent concours pour nos œuvres, quand une mort prématurée est venue nous l’enlever.

Le 23 juillet, en revenant de dire la messe chez les sœurs, il s’alita : il était pris d’une bilieuse hématurique. Quelques heures après, la fièvre s’aggrava d’une complication d’anurie. Les soins dévoués du médecin ne purent enrayer la maladie. Puis une prostation complète survint, qui enleva toute illusion au cher malade : il demanda aussitôt les sacrements et les reçut avec la plus grande piété.

Après deux jours de grandes souffrances, durant lesquels il montra de vifs sentiments de foi et de résignation, il rendit son âme à Dieu. C’était dans la matinée du 26, le jour même où Mgr Dérouet fondait la station de Mourindi. -
Claude Murard. - B, t. 5, p. 446

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