Père Léon PETER
décédé à Wolxheim, le 23 mai 1983, à l'âge de 75 ans


Le Père Léon PETER est né le 10 mai 1908 à Stetten, dans le diocèse de Strasbourg. Il fit sa première profession à Orly, le 8 septembre 1928. Ordonné prêtre à Chevilly, le 7 octobre 1934, il reçoit son obédience pour Madagascar au mois de juin de l'année suivante. Affecté au Vicariat apostolique de Majunga, il y passera 47 années de sa vie missionnaire.

A son arrivée, le Père Peter est affecté à la mission d'Anidriba ; il y fera ses premières armes avec le Père Batiot. En 1948 ce dernier, devenu Vicaire apostolique de Majunga, appelle auprès de lui son compagnon d'Andriba et en fait son Vicaire général. Après la mort prématurée de Monseigneur Batiot, le Père Peter sera nommé provicaire et assurera le gouvernement du Vicariat jusqu'à l'arrivée de Monseigneur Jean David. Il peut alors prendre un repos bien mérité.

A son retour à Madagascar en 1956, il est nommé directeur de la mission de Port-Bergé. En 1958, une série de cyclones provoque des inondations catastrophiques. Port-Bergé est entièrement détruite. L'eau est montée de 15 m en quelques jours. La ville sera déplacée et le Père Peter reconstruira la mission. Il y déploiera tout son savoir-faire, y mettra toute son énergie et, en quelques années, maison des Pères, église, maison des Soeurs, école primaire, C.E.G., salles d'oeuvres formeront une véritable cité dans le nouveau Port-Bergé.

Un autre projet lui tient à coeur et il va y consacrer 6 années de sa vie : l'aménagement et la mise en route d'une école de catéchistes. Il avait sa façon bien à lui d'en concevoir les buts et le fonctionnement. En 1973, déchargé de la direction de cette école, il demande à revenir à Andriba, là même où il avait débuté en 1935. Il y forme à nouveau le projet d'une école de catéchistes, projet qui aura un début de réalisation, mais qui n'arrivera pas à terme.

Les malaises dont il souffrait depuis de longues années s'aggravent, et le Père sent venir la fatigue. En mars 1982, il accepte de rentrer en France. Après deux longues hospitalisations et deux interventions chirurgicales, il est mis au courant de la gravité de son mal. Tous ceux qui l'ont rencontré à Chevilly, àMulhouse ou à Wolxheim, ont été frappés par la sérénité et le courage avec lesquels il a accepté l'épreuve de cette dernière étape de sa vie missionnaire.

Il a rejoint la Maison du Père, le 22 mai 1983, aux premières heures du jour de la Pentecôte.
P. PIERRE LAURENT

MISSIONS A MADAGASCAR avec le P. Léon Peter
Pour la Journée mondiale des Missions le témoignage du Père Léon Peter sur un exemple.

Le Père Léon Peter, de la congrégation des Pères du SaintEsprit, est arrivé comme missionnaire à Madagascar en 1935. Il avait vingt-sept ans. A part quelques courts séjours en France, tous les dix ans autrefois, à présent tous les quatre ou cinq ans, il n'a jamais quitté l'île. Il est actuellement en convalescence en France après avoir subi une grave opération. Il n'a pas perdu son sens de l'humour : " Vous savez, dit-il en riant, vous mourrez aussi bien avec deux reins.) Après un demi-siècle passé à Madagascar, il garde l'accent suisse de son village natal du sud de l'Alsace, sur la frontière.

La superficie de Madagascar est aussi grande que celle de la France, de la Belgique et de la Hollande réunies. Le pays n'a que 9 millions d'habitants, dont 2 millions de catholiques. En 1935, lorsque le Père Peter est arrivé dans l'ile, les Malgaches n'étaient que 2 millions et demi. C'est surtout la baisse considérable de la mortalité enfantine qui explique cette progression démographique : " Avant guerre, se souvient le Père Peter, j'ai baptisé à Noël, une année, 14 nouveaux-nés dans le même village. Quand je suis revenu à Pâques, il n'en restait que quatre. "

Le Père Peter vit à la Mission d'Andriba, au nord-ouest du pays, sur un plateau à 600 m d'altitude. Le territoire de la Mission est comparable à celui d'un département français.

" Ce qu'on appelle là-bas une " Mission ", explique-t-il, est un centre où résident les Pères missionnaires, avec souvent aussi une communauté de Soeurs, des écoles, des salles d'oeuvres. La vie du prêtre missionnaire n'a pas grand-chose à voir avec la vie d'un curé de paroisse en France. A la Mission d'Andriba, nous ne sommes que deux prêtres pour desservir 45 églises dispersées dans cette immense brousse. La distance d'un poste à un autre varie entre une et six heures de marche. Il n'y a pas de chemins carrossables, en dehors d'une seule route. Le Père missionnaire est pratiquement toujours en voyage pour visiter les chrétiens. Il arrive à les voir deux ou trois fois par an, s'il ne tombe pas malade. D'où le rôle capital des laïcs dans les communautés chrétiennes : le prêtre administre les sacrements et donne ses conseils ; mais ce sont les laïcs qui font le catéchisme et qui s'occupent des oeuvres de charité, du soin des malades. "


Madagascar est un pays naturellement riche, surtout grâce à l'élevage. Mais, depuis 1973, l'instauration d'un régime marxiste a plongé l'île dans un profond marasme économique, constate le Père Peter : " Autrefois, dit-il, on appelait Madagascar " l'île heureuse " parce qu'on n'y manquait de rien. Il n'y avait véritablement ni riches ni pauvres mais chaque famille pratiquait l'élevage. On trouvait partout des boeufs, des vaches, des cochons, des poulets. Depuis la révolution de 1973, le pouvoir a été prétendument remis c( au peuple ". C'est-à-dire que tous les notables et les fonctionnaires de l'ancien régime ont été remplacés du jour au lendemain par des gens dévoués au nouveau gouvernement, mais le plus souvent inexpérimentés ou n'ayant pas les capacités suffisantes. Les candidats aux élections sont désignés par le gouvernement. De plus, si l'armée est toute puissante, la police n'intervient plus contre les voleurs de boeufs qui pillent les villages. C'est au peuple de faire justice lui-même, quand il le peut... Bien entendu, les voleurs ont des armes tandis que les villageois n'ont que des bâtons pour se défendre. Vous voyez d'ici comment les choses se passent !

Dans le village qui est à côté de la Mission, il n'y a plus aujourd'hui que deux boeufs, Dans certaines familles en avaient jusqu'à 70 naguère. A Noël, cette année, nous n'avons pas mangé de viande. J'ai vu de mes yeux des gens mourir de faim. Peu avant mon départ, un médecin a pesé le corps d'un enfant de cinq ans qui venait de mourir : il pesait 4 kg ! Il m'a dit qu'il y avait déjà parmi les enfants 50 morts de plus que l'an dernier.

" Lorsqu'une révolte éclate à cause de la famine, l'armée tire... Les Russes font la loi en sous-main dans le pays, souvent par l'intermédiaire de NordCoréens. Les Malgaches ne sont pas dupes : une émeute a éclaté au mois de janvier pour obtenir le départ des Russes. Les gens disaient ouvertement : " Si vous voulez nous donner des Blancs, rendez-nous les Français ! "

S'ils n'ont plus aucune possibilité d'intervenir auprès du gouvernement malgache, les missionnaires ne semblent pas être menacés pour le moment. Quant à la population, elle a gardé dans l'épreuve sa gentillesse traditionnelle. " Nulle part ailleurs, je n'ai rencontré des gens d'une telle bonté. Si j'avais à recommencer ma vie, je me ferais encore missionnaire à Madagascar. "
PHILIPPE OSWALD

Page précédente