Le Père Yves PICHON,
1892-1952
Yves Pichon est né à Brest, le 22 juillet 1892, du mariage de Jacques Pichon et de Marie-Olive Lejeune. Ils eurent 10 enfants, quatre moururent en bas-âge, un cinquième donna sa vie pour la France en 1918 ; deux filles prirent le voile et trois garçons entrèrent chez les missionnaires du Saint-Esprit : Pierre, Yves et François.
Pierre et Yves apprirent à lire et à écrire à l'école maternelle de Mme Coatalem, de la paroisse Saint-Martin, rue Malakoff. Ils allèrent ensuite à l'école primaire des Frères des écoles Chrétiennes, rue Lannouron. A dix ans, Yves avait une voix belle et sûre, il devint choriste à Saint-Louis, la plus grande paroisse de Brest. C'est là qu'il trouva une bonne part de sa vocation sacerdotale. Il fut aussi un enfant du patronage Saint-Louis, qui était à l'époque un des plus beaux de France. Yves Pichon était un joyeux vivant, et cette gaîté, cette "vie" de sa jeunesse ne le quitteront pas de toute son existence.
Vers quinze ans, il trouva une place comme commis aux écritures, en attendant d'être marin ou instituteur. Mais en visitant son frère au noviciat, le P. Giroud lui proposa une retraite de trois jours pour étudier sa vocation. Il accepta aussitôt de préparer le baccalauréat et de suivre son frère. Profès le 3 octobre 1909, il fut désigné pour poursuivre ses études à Rome. Celles-ci interrompues par sa mobilisation de 1917 à 1919, il revint à Rome pour son ordination sacerdotale le 11 juillet 1920 à Saint-Jean de Latran. Ce jour-là, d'après une confidence qu'il en fit à sa sœur, "il demanda à Dieu de s'occuper d'enfants pauvres, les plus malheureux, les plus déshérités". L'année suivante, en la fête de l'Assomption, il chanta sa première grand messe au pays natal.
Or il dut avouer à sa famille qu'on lui demandait d'enseigner la philosophie au scolasticat de Neufgrange. Mais sur ces entrefaites, Mgr Rémond, Aumônier général de l'Armée du Rhin, ayant prié Mgr Le Roy de lui procurer un secrétaire, c'est le P. Pichon qui fut désigné pour cet office. Il s'établit à Mayence, et s'y créa des relations d'amitié qui lui furent fort utiles plus tard quand il devint Aumônier des Orphelins d'Auteuil. De fait, Mgr Le Roy le désigna bientôt comme collaborateur du Père Brottier dans cette \'8cuvre d'Auteuil, que le Cardinal Dubois imposait aux Pères du Saint-Esprit. La prière de sa première messe fut ainsi exaucée, près des "enfants pauvres, les plus malheureux, les plus déshérités".
L'abbé Roussel, fondateur de l'œuvre d'Auteuil, avait commencé par la réunion des enfants des rues, afin de les préparer à la première communion. Quand le P. Pichon prit l'œuvre en main, en 1923, le groupe comptait 14 enfants, dont dix petits arméniens. De trimestre en trimestre, leur nombre s'accrut jusqu'à 60, 70, il monta jusqu'à 93. C'était beaucoup, mais plus les enfants étaient nombreux, plus il y avait du bien à faire, et plus le directeur était content. Tous les jours il leur faisait la classe, assurait des projections sur l'histoire sainte, les entendait en confession, et connaissait chacun d'eux personnellement. Le jour même de la Communion était grande fête, autant pour le Père que pour les enfants, qui avaient appris de lui qu'au jour de sa première communion un enfant choisit le sort de son éternité, et que rester fidèle à sa première communion, c'est s'assurer le paradis. Sur l'œuvre de la première communion, le Père Brottier disait : "Cette œuvre est notre paratonnerre. Dieu ne peut pas frapper une œuvre qui sauve tant d'âmes de pauvres enfants."
Le second champ d'action du P. Pichon fut sa collaboration au Courrier et à l'Almanach d'Auteuil. Entrant à Auteuil, le P. Brottier avait dit à son collaborateur : "Ce que je ne puis pas dire, ce que je n'ose pas demander, ce que je ne sais pas raconter, ce que je ne pourrais pas expliquer, dis-le à ma place, toi Zidore..." Tous les genres sont bons, a-t-on dit, sauf le genre ennuyeux. Celui du P. Pichon n'avait rien de maussade ; ses nombreux lecteurs riaient et disaient encore ! Et le Père continuait. Depuis le mois de février 1933 qui vit paraître le premier numéro de la revue Missions, jusqu'au mois de décembre 1950, où la maladie le terrassa, le P. Pichon en fut le directeur et le principal rédacteur. C'est le P. Brottier qui l'avait conçue. Missionnaire au Sénégal, il avait gardé de cette vie d'Afrique, au milieu des païens et des mahométans, une nostalgie indélébile. Non content de s'occuper de faire construire à Dakar, une magnifique cathédrale, il aurait voulu collaborer d'une façon plus efficace à l'œuvre des missions. Ce fut ainsi qu'un jour de novembre de l'année 1932, germa dans son esprit l'idée d'une Revue missionnaire, destinée aux enfants de France, dont le but serait de susciter en eux la connaissance et l'amour des missionnaires. Diriger une revue mensuelle de ce genre, n'est pas un travail de tout repos : il exige, en plus d'un certain talent, de nombreuses recherches, une vaste correspondance, beaucoup de lectures, en un mot : une sérieuse occupation. De l'ardeur, de l'enthousiasme, de l'humour, on trouve tout cela dans cette publication, c'est-à-dire qu'on y retrouve le P. Pichon.
Le P. Pichon fut aussi l'auteur de plusieurs biographies. Celle du Père Brottier, dès le mois de mars 1938, deux mois après sa mort en 1936. Ouvrage de 450 pages, qui fut un succès de librairie : huit éditions de dix mille exemplaires se sont suivies à une cadence rapide; et ces 80.000 volumes on fait connaître partout et aimer le cher Père Brottier.
Dix ans après, le P. Pichon présentait encore au public la vie et l'œuvre de l'Abbe Roussel, Fondateur de l'œuvre d'Auteuil. Enfin, aux derniers moments de sa vie, il eut encore le temps d'écrire la vie d'un remarquable évêque du Cameroun, Mgr Vogt, que ses frères lui avaient demandée. Le P. Pichon souffrit quatre ans d'un cancer des intestins. Il en fut opéré à la dernière extrémité, et reprit vie de façon étonnante. C'est alors qu'il pouvait espérer encore quelques années de vie, qu'un accident d'automobile mit fin brutalement à ses jours. Ses obsèques furent célébrées à la Chapelle de l'orphelinat d'Auteuil, avec la scola du séminaire de Chevilly. C'est chez ses confrères que le P. Yves Pichon repose en paix dans l'attente des glorieuses résurrections.