Le Père Vincent POURCHASSE,
1899-1969


Le P. Pourchasse est né à Saint-Avé, le 5 août 1897. Profès à Chevilly en 1916, prêtre en 1921, il reçut l'année suivant son obédience pour les missions de Brazzaville, où Mgr Guichard venait de succéder au fondateur, Mgr Augouard.

Après les missions de Linzolo, Mbamou-Kibouendé et Kindarnba, c'est àVoka qu'il passa la majeure partie de sa vie et donna le meilleur de son activité, parfaitement assimilé à la population, par la langue et les coutumes. Aussi ne sera-t-on pas étonné que nous laissions la parole au journaliste congolais qui lui a consacré l'article suivant dans le journal La Semaine africaine , du 22 juin 1969 :

" YA DzOMA-Dia-NGANGA ! On pourrait épiloguer longuement sur le sens et les justifications de ce surnom donné au Père Pourchasse. Une chose est sûre en toute hypothèse : il veut exprimer l'ardeur et le zèle un peu mythique du vieux missionnaire ardent qu'il était.

Le P. Pourchasse est arrivé à Brazzaville par Matadi, en novembre 1922. Il fut affecté d'abord à Linzolo, sous la direction de cet autre ancien, le Père Côme Jaffré. Dès cette époque il visite Voka dont il fondera plus tard la mission actuelle. En 1926, il est à Kibouendé (Baratier) qu'on est en train de construire ; en 1931, il est envoyé à Kindamba, jusqu'à son départ pour son premier congé en 1932.

De retour au Congo en 1934, on lui confie la mission de Voka. A cette époque, ce n'était qu'une station rudimentaire, située à proximité de Nzaza et de la mission protestante de Musana. C'est le Père Pourchasse qui en assure le transfert à son emplacement actuel, près du carrefour des routes de Boko, de Kinkala et de Linzolo., Progressivement il en construira tous les bâtiments : église, résidence, écoles, dortoirs, et plus tard vers 1957, la résidence des religieuses de Ribauvillé avec les oeuvres féminines dont elles s'occuperont.

Court de taille, des petits yeux malins et énigmatiques enfonces dans un visage bruni par le soleil et avivé par la couperose, le Père se présentait comme l'ancêtre des termitières, voulant ainsi mettre en vedette sa vieillesse et son prestige d'ancien. Je le revois, de la véranda de la maison des Pères, me montrant l'endroit où il reposerait après sa mort, à l'ombre d'un manguier. C'était là que se trouvaient les premiers chrétiens de la mission, c'était là aussi qu'il aurait voulu être en attendant l'éternité.

Des souvenirs sur ce prêtre ? En voici un, qui date de mon enfance. Pour beaucoup d'enfants de ma génération, le Père Pourchasse fut le premier Blanc qu'ils voyaient. Le département du Pool - on l'appelait alors ainsi -vivait à cette époque les sombres jours de la guerre des Trois Francs. Je retrouve dans le fond de ma mémoire des images brutales : les miliciens cernent notre village, ils bousculent, matraquent, incendient... De quel étrange sommeil ma mère dortelle, étendue sur le sol poussiéreux de la cour ? Je ne comprends pas ! Je la retrouvai un peu plus tard sur un grabat de dispensaire, la lèvre fendue par le brodequin d'un milicien, la respiration haletante. Il y a un home blanc qui la soigne avec de l'eau rouge. Lorsque j'irai à l'école j'apprendrai qu'il s'agissait de permanganate. Ya Dzoma la soigna pendant quelque temps avec soin et patience, toute païenne qu'elle était. Quelques années plus tard, il m'ouvrira les portes de son école.

Toutes les histoires qu'on raconte sur le Père Pourchasse ne sont pas aussi dramatiques. Elles ne sont d'ailleurs pas aussi véridiques, car la mythologie populaire lui brodait peu à peu une légende. N'estce pas lui qui "dégringolé" d'un pont avec sa moto s'en tirait sans une égratignure, et qui avait la possibilité, lorsque personne ne l'observait (et pour cause !), de voler de village en village. La réalité c'est qu'il était robuste, plein d'endurance, et malgré ses petites jambes il avait une foulée extrêmement rapide. Lorsqu'il arrivait dans un village, c'était presque un miracle ; aussi le saluait-on dans le délire.

Ya Dzoma ne se prenait cependant pas pour un héros ni pour un saint. Nous non plus d'ailleurs ! Il avait ses petites rognes, ses sévérités brusques et inexpliquées, qui en faisaient une personnalité pleine de contrastes parfois difficile à comprendre. Mais ces ombres, ou tout au moins ce qui nous en apparaissait ainsi, s'estompent derrière le lumineux souvenir que nous laisse cet homme qui, à une époque où l'on ne parlait pas encore de développement, a tant fait pour aider une population à sortir de son ignorance et de sa pauvreté."
F. Kimina-Makumbu.

Page précédente