LE F. ARNOLD PRINZ
DE LA PROVINCE DES ÉTATS-UNIS
décédé à Ferndale le 12 janvier 1901
NOTICES Biog. III 43-44. Novembre 1907.


Le F. Arnold, dans le monde Ludwig Prinz, était né à Scheuerbusch, diocèse de Cologne (Prusse rhénane), lé 6 février 1842. Tout jeune encore, il perdit sa mère ; son Père était continuellement malade; et, comme il était fils. unique, sou enfance fat, selon qu'il le racontait lui-même, dépourvue de ces joies de la famille qui font le charme des- premières années. Cela ne semble pas avoir été sans influence sur son caractère, qui était sérieux, un peu timide, avec une teinte de mélancolie, accompagnée parfois d'une certaine raideur, qu'il s'efforçait pourtant de combattre. A peine était-il sorti de l'enfance qu'il perdit également son père, Il fut alors recueilli par une famille amie, de Kirchen, diocèse de Trèves, petite ville peu éloignée de nos anciennes maisons de Marienstadt et de Marienthal : c'était une excellente famille, très religieuse. il y fut regardé et traité, vu Ses bonnes dispositions, comme un enfant de la maison. Un de nos Frères, le P. Léo, qui le connut dans sa jeunesse, lui rend ce témoignage, qu'il fut toujours d'une conduite irréprochable et exemplaire. Quelques années plus tard, eut à faire son service militaire. Une fièvre typhoïde, dont il avait été atteint peu auparavant, lui avait laissé une grande faiblesse dans une jambe. Il eut beaucoup à souffrir de la part de ses chefs, jusqu'à ce qu'enfin il parvint à se faire libérer. De ces mois passés à la caserne il gardait de pénibles impressions ; mais aussi ce souvenir l'aidait à supporter plus tard avec plus de résignation les difficultés de la vie religieuse.

Bientôt après son retour de la caserne, le 19 mars 1865, il entra comme postulant au noviciat qui venait d'être érigé dans notre maison de Marienthal. Ici encore sa conduite fut excellente, comme le constatent les renseignements envoyés sur lui par ses Supérieurs. Cependant, après neuf mois de postulat, il se laissa influencer par un autre novice et retourna dans le monde. Le R. P. Strub écrivait à ce sujet, en le proposant plus tard pour la profession : « A peine sorti, le F. Arnold reconnut son illusion et demanda sa réadmission avec instance : je l'ai fait attendre assez longtemps pour l'éprouver ; mais, depuis son retour, il s'est maintenu dans la plus grande ferveur. Cet écart lui a donc fait plus de bien que de mal. »

Admis au saint habit, le 21 septembre 1867, dans la maison de Marienstadt, où le noviciat avait été transféré depuis peu, le cher F. Arnold y fit sa profession le 18 mars 1869 et resta dans cette communauté, où il fut successivement employé à la cuisine, aux commissions et aux travaux des champs. A la suppression de nos maisons d'Allemagne, par suite des lois de mai 1873, il vint à Chevilly; et deux mois après, lot janvier 1874, il s'embarquait pour l'Amérique, avec la caravane des Pères et Frères , envoyés aux États-Unis. Là, il fut successivement attaché communautés de Piqua, de Sharpsburg et de Pittsburg; lors de l'acceptation de la paroisse de St-Antoine à Maillale, à la fin de 1886, on le plaça dans la nouvelle communauté établie sous ce même nom; pour un nouveau séjour de courte durée à Sharpsburg, il est resté dans cette maison durant 20 années, jusqu'à ce qu'enfin la maladie le forçat de demander sa mise à la retraite (mai 1906).

La position d'un Frère dans un presbytère n'offre rien de bien attrayant pour l'activité naturelle. C'est bien la vie de Nazareth,. vie de prière et de travail, vie humble et cachée, où la régularité, la discrétion, la fidélité aux devoirs de chaque jour, sont des vertus d'autant plus précieuses qu'on est facilement porté à y manquer. Or, pour le cher F. Arnold, tous ceux qui ont vécu avec lui dans les différentes communautés où il a passé, souscriront volontiers à ce témoignage rendu à son sujet lors de son admission à la profession et aux voeux perpétuels (1877) : qu'il savait parfaitement tenir une maison, qu'il était fidèle observateur de la Règle, et qu'il était en même temps d'une discrétion à toute épreuve. D'un naturel peu communicatif, il évitait les rapports inutiles avec les gens du dehors ; il n'en était que plus estimé de tout le monde. Cependant, doué d'un grand esprit d'observation et d'un jugement droit, il se rendait facilement compte de ce qui se passait dans la paroisse, et il communiquait discrètement aux Pères ce qu'il croyait utile de leur faire remarquer, sans pourtant jamais imposer ses avis ou s'arroger la moindre part dans la direction des oeuvres. Sa vie s'écoulait ainsi simple et paisible, quoique assez monotone; et, s'il traduisait trop facilement cette monotonie dans l'apprêt ou le menu de la table, ce qui de ce côté laissait à désirer se trouvait abondamment racheté par ses excellentes qualités.

Dans ces derniers temps, le cher Frère avait beaucoup à souffrir de différentes infirmités; et il était impossible de lui donner à Millvale les soins que son état réclamait. Il lui en coûtait néanmoins de quitter un poste où il avait passé une, grande partie de sa vie, où il s'était sacrifié et sanctifié, où tout le monde l'aimait et le vénérait. Enfin, n'en pouvant plus, il se résigna, en avril 1906, à se retirer à Ferndale, où l'ancienne villa, entièrement séparée du nouveau noviciat, venait d'être spécialement affectée aux vieillards et aux infirmes de la Province. Une opération chirurgicale, qu'il subit un peu plus tard à Philadelphie, lui apporta quelque soulagement, et il put ainsi traîner une pénible existence le reste de l'année. Mais vers Noël son état empira visiblement. Le médecin constata alors un cancer tellement avancé, que la mort ne devait plus beaucoup tarder. Le cher Frère, se rendant compte de la gravité de son état, demanda à faire encore une fois une confession générale; et, le jour de Noël, il reçut les derniers sacrements. Le 6 janvier, sa faiblesse devint extrême; les jours suivants, il perdit assez souvent connaissance, et enfin le samedi 12 janvier, il expira doucement après une longue agonie, pendant que les Pères et Frères entourant son lit récitaient le chapelet.

C'est le premier de nos confrères défunts qui repose au nouveau cimetière de Ferndale. R. L P.
Antoine ZIELENBACH.

Page précédente