Le Père Émile RAY,
1843-1892


Émile Ray naquit à Saint-Trivier de Courtes, le 27 janvier 1843. Son enfance s'abrita sous l'aile d'une pieuse a~ieule. Des mains de cette aïeule il passa dans celles des Frères de la Croix, qui dirigeaient l'école du village, puis, de là, au pensionnat que les mêmes religieux venaient de fonder à Bourg-en-Bresse, près du siège de leur maison mère.

Bientôt, pourvu d'une excellente instruction primaire et d'une éducation soignée, il rejoignait sa mère à Paris. Celle-ci lui procura une situation avantageuse dans le commerce ; mais au lieu de s'adonner au plaisir, il consacrait tous ses loisirs et une bonne partie de ses appointements àdes œuvres de miséricorde. Il résolut bientôt d'embrasser la vie religieuse.

C'est sous les auspices de M. l'abbé Hamon, auquel le jeune employé avait confié la direction de sa conscience, que sa pieuse mère vint ellemême le présenter au Père Le Vavasseur en novembre 1860. Celui-ci fut ravi des bonnes dispositions du nouveau postulant. Aussi le reçut-il avec empressement, et lui-même le conduisit au petit scolasticat que l'on venait d'ériger à Cellule (Puy-de-Dôme), au commencement de cette même année.

Dès son arrivée, Émile Ray dut mener de front l'enseignement de la tenue des livres et des mathématiques aux élèves du premier cours de français, avec l'étude du latin et du grec. Au rapport de son supérieur, il profita si bien des leçons de son professeur, qu'à la rentrée d'octobre 1861 il pouvait suivre la classe de troisième.

Voici un extrait de la note prophétique que rédigea sur lui le Préfet du scolasticat, lorsque le jeune Ray dut entrer en philosophie :

" Travail constamment opiniâtre, conduite irréprochable. C'est le meilleur enfant que nous avons connu à Cellule. A fait toutes ses études secondaires en quatre ans, avec de modestes mais constants succès. Travaille lentement, mais réussit très bien, surtout en littérature. Fera un excellent Professeur. A des aptitudes marquées pour la musique. Homme formé, quant au jugement et à la vertu... "

Les études du scolasticat et surtout les exercices du noviciat, suivis avec contention et une ardeur excessive par le pieux aspirant, affaiblirent considérablement sa santé. Mais on espérait que la vie active le remettrait bientôt. Admis à la profession le 23 août 1868, il reçut son obédience pour le collège de la Basse-Terre, à la Guadeloupe. Le beau ciel des Antilles et les saines exhalaisons de la plage eurent bien vite produit leur salutaire effet, et voilà le P. Ray plein d'entrain et de santé. Il ne tarda pas à être appelé à occuper la chaire de rhétorique. Il cumulait en même temps la charge de préfet des études et de directeur de la musique du collège. Avec toutes ces fonctions, le zélé religieux trouvait encore le temps d'exercer le ministère au pensionnat de Versailles de la Guadeloupe, dont la direction spirituelle lui avait été confiée. Pendant six années, interrompues seulement par un séjour de quelques mois en France, pour se remettre de quelques accès de fièvre, il s'acquitta de tous ses devoirs avec une régularité et des succès toujours constants. Le P. Ray alla prononcer ses vœux perpétuels au collège de Saint-Pierre, à la Martinique, le 8 janvier 1872.

Deux ans après, fatigué par une névralgie qui ne lui laissait aucun repos, accablé, comme il le disait lui-même, de souffrances morales et physiques, sans consolation ni du ciel ni de la terre, il rentrait en France. Attaché d'abord à l'Archiconfrérie de Saint-Joseph de Beauvais, il s'y livra avec une ardeur toute nouvelle au saint ministère et à la direction des âmes.

Après quatre ans de séjour à Beauvais, nous retrouvons le P. Ray au petit séminaire de Saint-Sauveur, à Cellule, berceau de sa vie religieuse, en qualité de préfet de la division des moyens et de professeur de troisième, avec une classe qui ne comptait pas moins de 50 élèves.

Deux ans après, il devenait l'assistant du P. Sundhauser et professeur au collège de Rambervillers (Vosges), que la congrégation venait d'accepter. Le P. Ray avait trouvé là son affectation définitive.

En prenant la direction du collège de Rambervillers, il était convenu que, la première année, on ne recevrait point d'élèves audessus de la troisième : le P. Ray, chargé de cette classe, devait donc suivre ses élèves jusqu'en philosophie, et occuper ensuite la chaire de rhétorique. Trois sortes d'occupations se partageaient ses journées dans ce nouveau poste : la classe, la direction des consciences, et le soin de sa propre sanctification.

Chargé de la préparation à la première partie du baccalauréat ès lettres, il ne tarda pas à entrer en relation avec les personnalités les plus marquantes de la Faculté de Nancy. Il avait trouvé, en particulier chez l'un d'eux, l'accueil le plus sympathique et le concours le plus éclairé. Une ou deux fois par trimestre, un stock de devoirs était expédié de Rambervillers àl'éminent professeur, pour en revenir bientôt, chargé de notes et d'appréciations du plus haut intérêt. Qu'il nous soit permis de rapporter ici le témoignage d'affectueuse sympathie recueilli de la bouche de ce professeur, lors du départ et de la maladie du P. Ray : "Je regrette profondément ce départ, nous disaitil. Vous perdez dans ce bon Père un excellent professeur et un maître plein de dévouement et d'affection pour ses élèves."

Le P. Ray avait pris une part importante aux conseils pour le transfert de la maison de Rambervillers à l'institution Saint-Josep4 d'Épinal. C'est là qu'il devait offrir à Dieu son dernier sacrifice. Depuis quelque temps déjà, il supportait en silence les atteintes d'un mal terrible. Après deux années de pénibles travaux à Épinal, il lui fallut bien, enfin, demander un soulagement à ses souffrances. Le 3 avril 1891, il quittait, les larmes aux yeux, sa chère maison d'Épinal pour rejoindre Paris. Retiré à Chevilly, le P. Ray rendit sa belle âme à Dieu, le 24 août 1892. Il n'avait que 49 ans.

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