LE P. ÉTIENNE RIEGERT
Décédé à Port-au-Prince, le 16 juin 1911,
à l'âge de 37 ans.
(Not. Biog. V p. 202-205)
Une lettre du P. E. Riegert lui-même nous donne sur sa naissance et son entrée dans la Congrégation les détails suivants : « Je suis né le 25 décembre 1873, à Mackenheim, diocèse de Strasbourg, en Alsace. Ma mère est morte. Mon père donne son plein consentement pour ma vocation.
« J'ai connu la Congrégation par mon cousin, M. Joseph Riegert, qui est au Grand Scolasticat. Par son entremise, j'ai pu être reçu à Beauvais, où je suis allé et où mon désir d'entrer dans la Congrégation augmenta de jour en jour. Après deux ans, sur l'avis de mes Directeurs, j'ai été envoyé à Mesnières, pour y continuer mes études et reconnaître mieux encore ma vocation. » (Lettre du 30 avril 1890.)
Cette lettre adressée au T. R. Père sous forme de demande d'admission à l'oblation, était accompagnée de ses notes., où se lit cette recommandation de ses directeurs Cet enfant est bon postulant, satisfaisant bien à tous ses devoirs.
Admis à cette cérémonie, le 15 mal, il prit saint François Xavier pour patron de religion; et le coeur plein de reconnaissance, il remerciait ainsi le T. R. Père: « Je vais m'efforcer de devenir désormais un digne enfant de la Congrégation par ma piété, mon travail, ma docilité et ma persévérance. c'est ainsi, je crois, que je répondrai à vos. paternels désirs. »
Ses notes, pendant ses années de formation, le montrent d'un bon caractère, de formes un peu rudes parfois, d'un tempérament vif, sachant faire à la gaieté sa part, mais d'une nature au fond sérieuse, avec des capacités au-dessus . de l'ordinaire et des aptitudes spéciales pour les mathématiques. Malheureusement, sa santé avait été affaiblie par une longue maladie et ses forces étaient plus ou moins anémiées. C'est ce qui explique divers séjours qu'il dut faire dans les communautés de province, notamment à Beauvais, à Cellule, où il eut deux années de professorat, et à Orgeville.
Le 18 juillet 1899, il faisait sa demande d'admission à la profession. « Monseigneur, écrivait-il, en s'adressant à Mgr Le Roy, c'est en versant des larmes de joie et de reconnaissance que je devrais vous parler de cette année de grâces et de bénédictions. Non seulement Dieu a daigné me conserver ma vocation, mais il me l'a fait aimer plus encore... Sacrifices pour le, corps, sacrifices pour le coeur, sacrifices pour l'esprit, sacrifices pour la volonté: c'est là, je crois, tout ce que l'avenir me réserve. J'embrasse avec plaisir une vie en apparence si pénible, mais en réalité si pleine de joies, n'y eût-il d'ailleurs que celle de plaire à Dieu en accomplissant sa très sainte volonté. » (Lettre du 18 juillet 1899.)
Il fit sa profession le 15 août 1899. Elle avait été précédée de l'émission de ses voeux privés de religion, auxquels il avait ajouté celui de stabilité. Ses différentes ordinations, sauf la tonsure reçue en 1896, eurent lieu en 1900, couronnées, le 28 octobre, par la prêtrise.
Le 30 septembre 1901, il était admis à la Consécration à l'apostolat et l'année d'après, il recevait son obédience pour le séminaire de Saint-Martial, en Haïti. Son embarquement n'eut lieu que le 19 mars 1902. A peine arrivé, il écrivait à Mgr Le Roy pour demander d'émettre ses voeux perpétuels. « Mon désir, disait-il, est de me donner à la Congrégation aussi complètement que possible et de travailler au salut des âmes abandonnées, là où mes Supérieurs jugeront à propos de m’envoyer et dans l'emploi qu'ils jugeront devoir me confier.(Lettre du 26 mai 1909.)
Ces dispositions, exprimées avec un accent de si parfaite sincérité, s'unissaient en lui à un dernier désir porté sur les Noirs d'Afrique; et, en le marquant d'un sacrifice, ce désir tout soumis à l'appréciation de son Supérieur général, y attachait un mérite nouveau.
Complétons ces pages par une notice nécrologique que le Bulletin religieux d'Haïti a consacrée à notre regretté confrère. Ses études théologiques terminées, le P. E. Riegert lut envoyé au Grand-Quevilly, dans un poste de repos. Déjà, en effet, sa santé était profondément atteinte; un refroidissement qu'il avait pris pendant son grand . scolasticat avait produit un commencement de tuberculose. Sa forte constitution semblait cependant devoir vaincre le mal et quand il arriva à Port-au-Prince, le 9 mai 1902, il avait l'espoir de se remettre bientôt. Cinq mois plus tard, à l'automne, il eut besoin de longs soins qui lui permirent cependant de reprendre ses classes dès le début de 1903. Il était professeur de mathématiques dans les classes de grammaire, en même temps il prêtait un précieux concours au R. P. Scherer, directeur de l'Observatoire, non seulement pour le travail ordinaire, mais encore pour les diverses installations qui s'y firent à cette époque.
En juin 1909, le P. Riegert fut envoyé en congé. Après un séjour dans sa famille, il se retira à Fribourg au début de l'hiver et il y souffrit beaucoup des premiers froids. Puis, ses, Supérieurs lui assignèrent pour résidence la maison de Misserghin (Algérie). Ce doux climat lui fit du bien et, l'hiver passé, le docteur lui donnait l'autorisation de rentrer en Haïti, à la condition de n'y pas travailler avant quelques mois. Ainsi le P. Riegert rentra à Port-au-Prince, en juin 1910, après avoir consulté diverses sommités médicales qui lui laissèrent l'espoir de refaire sa santé. Mais lui revenait pour travailler. Il reprit ses classes en octobre 1910 et put atteindre, bien que péniblement, la fin- du premier trimestre de l'année scolaire. En janvier 1911, il demande à être déchargé d'une partie de son travail et ne garda que cinq heures de classes par semaine, juste assez pour se souvenir qu'il est encore professeur. Cependant il s'affaiblissait de jour en jour, et % souffrait surtout de 1 ' 'estomac..Un travail de peinture qu'il voulut faire lui-même à l'Observatoire, lui valut, le 18 mai, une congestion pulmonaire. Il s'en remit assez bien; mais une seconde congestion, dont il lut atteint le 11 juin, ne put être combattue en raison de la grande faiblesse du malade; le mercredi 14 juin, il reçut, en présence de la communauté., l'extrême onction, et, après trois jours de crises fréquentes ' il mourut doucement le vendredi 16 juin, à 11 h. 50 de la nuit.
Le P. Riegert ne fut jamais professeur brillant; mais la précision dans son, enseignement, la régularité dans ses fonctions, la grande maîtrise de soi -qui assurait à sa classe l'ordre le plus parfait et la discipline la plus exacte sont des qualités solides qui en valent bien d'autres plus éclatantes. Il faisait l'impression d'un homme de devoir; sa rigueur apparent laissait percer une bonté qui ne se déconcertait jamais en face des fautes des élèves, et, dans l'intimité de la communauté, c'était bien la bonté qui était sa caractéristique. De caractère très enjoué, il riait de tout, se prêtait à tous les divertissements, fussent-ils un peu trop bruyants et contrastant avec s'on sérieux ordinaire. Jusqu'en sa dernière maladie, le jour même de sa mort, il plaisantait volontiers sur sa fin prochaine. Non pas qu'il ne l'envisageât comme il le devait. Depuis longtemps il y songeait, il n'avait jamais eu la prétention de la retarder par les remèdes, il se soignait afin d'être apte à rendre service. Et quand il se sentit plus gravement atteint, il réclama qu'on eût à son égard toute la franchise possible.
Quand il fallut recevoir les derniers sacrements, il se déclara prêt tout de suite. Il se confessa, renouvela ses voeux, fit sans regret le sacrifice de sa vie et répondit avec assurance à toutes les prières liturgiques. Le surlendemain, cependant, il avouait . qu'à ce moment il avait été un peu troublé et voulut recommencer sa confession, fit les recommandations qu'il avait oubliées et attendit la mort dans le plus grand calme, réglant ses dernières volontés avec un esprit d'une entière tranquillité, disposant des quelques souvenirs qu'il destinait à ses parents et indiquant les personnes de sa famille à qui il faudrait annoncer sa mort. Sa fin si consciente a laissé en tous ceux qui en ont été les témoins, en même temps qu'une profonde impression de sa vive piété, le désir de mettre ordre à leurs affaires du temps avant de rentrer dans l'éternité, avec la même résignation ou plutôt la même joie que le P. Étienne Riegert. (Bulletin religieux d'Haïti, juillet 1911.)
Le cher P. Riegert succombait ainsi, jeune encore, âgé de trente-sept ans et quelques mois, ayant passé vingt et une années dans la Congrégation, dont plus de dix comme profès.
Z . Z.