Le Père Julien RYO,
1900-1969


Né à Péaule, le 24 septembre 1900, d'un père menuisier et bedeau de l'église locale, Julien Ryo fit partie d'une génération nombreuse de petits et grands scolastiques, que le P. Marc Pédron, missionnaire en Oubangui, au verbe enthousiaste et enthousiasmant, sut attirer vers la congrégation. Julien faisait partie du groupe d'apostoliques qui fréquentaient les classes du collège diocésain de Rostrenen, et qui, pour les vacances, se repliaient sur l'Abbaye de Langonnet. En 1918, il contracta une mauvaise typhoïde qui le fatigua beaucoup, il put cependant se présenter au noviciat et y fit profession le 11 octobre 1923. Travaillant avec application et ténacité, creusant son sillon tout droit dans le calme et l'humilité, il arriva à la prêtrise le 28 octobre 1927 et reçut son obédience pour l'Angola l'année suivante.

L'évêque de Nova Lisboa l'affecta à la mission de Quihita, et il y resta toute sa vie active : 4 ans comme adjoint et 34 ans comme supérieur. L'évêque et les Portugais l'appelaient couramment le Père Ryo de Quihita, et les Noirs disaient entre eux : "Onbwalé yétou", notre vieux, terme qui chez eux signifie : notre père, notre grandpère, notre sage, notre chef. En effet, il est toujours resté avec eux, car il fut un "missionnaire sans retour".

Fondé sur la rive droite de la rivière Cacoulouvar, la mission avait une lugubre renommée, on la tenait pour responsable de la mort d'un bon nombre de confrères. Pour commencer, le P. Ryo contraignit son supérieur à déménager la mission sur la rive gauche, et sur un site plus salubre. L'inhospitalité de l'endroit recula nettement devant l'hospitalité personnelle du P. Ryo bientôt légendaire.

Une autre coutume ruineuse sévissait dans toute cette région. Les gens avaient pris l'habitude de mendier, de venir à la messe pour les distributions de nourriture. On prêtait également des semences et autres objets, avec le naïf espoir de recouvrer ce dû, inscrit dans le livre de compte. Chargé par le Père principal de remédier à ce mal endémique, le P. Ryo annonça que désormais il ne donnerait plus un seul grain. Ce fut un choc dans le pays ; pendant plus d'un mois, personne ne mit les pieds dans la mission ; le P. Ryo fut mis en quarantaine comme un pestiféré. Mais il ne céda point.

Entre temps, la situation se clarifia, la mission cessa d'être la vache laitière ; peu à peu des autochtones, bravant l'opinion, reparurent à la mission pour s'adresser au prêtre, et non plus au distributeur d'aumônes. Le Père se mit alors à entreprendre des travaux d'utilité publique : il embaucha tous ceux qui se présentaient, hommes et femmes, pour ouvrir des pistes carrossable, cuire des briques, construire une citerne pour capter l'eau des pluies, commencer une école qui devint finalement une spacieuse chapelle. Tous ces travaux étaient rémunérés par le Père et entrecoupés de pauses-repas. Quihita avait tenu, survécu.

Les bâtiments anciens rongés par les termites nécessitèrent leur reconstruction en dur. Il construisit encore un barrage sur le Cacoulouvar, et un canal d'irrigation pour desservir les champs de la mission et des paysans voisins. Il obtint aussi des Ponts-et-Chaussées la construction d'un pont sur la rivière, à l'emplacement qu'il leur avait montré comme le plus sûr et le plus approprié. Enfin, il obtint que le Service de Géologie et des Mines forât pour la mission un puits artésien qui fournit cette denrée précieuse jamais vue, de l'eau potable.

Le ministère sacerdotal de la grande paroisse n'était pas négligée, car le P. Ryo travailla pendant 28 ans avec le même confrère, le P. Antonio Joaquim da Silva, qui parcourait sans cesse le territoire.

Garder pendant 38 ans un heureux équilibre entre la fermeté et la bonté, dans ce pays austère, au milieu d'une tribu très peu encline à la ferveur, n'était pas un mince mérite. Son fameux sourire ne signifiait nullement qu'il était content, mais qu'il était bon. Dans les cas critiques, le sourire s'effaçait, la bonté restait, avec la Foi.

Puis vint l'heure du grand renoncement. Le Père Supérieur l'avertit que dans un an, l'évêque demanderait aux missionnaires de remettre Quihita au clergé africain. Il reçut un collaborateur avec future succession. Il ne put s'y résoudre et préféra se retirer. Au départ, il pleura comme un enfant.

Après avoir rendu service selon ses moyens, à la mission de Sendi, qu'il avait choisie comme lieu de retraite, il sentit le besoin de prendre du repos et se retira auprès du P. Le Roux, à la mission du Chiulou. C'est là qu'il remit son âme à Dieu le 30 juillet 1969, à l'âge de 68 ans, et après 46 ans de profession religieuse et missionnaire.

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