Le P. Aloyse SCHEER
décedé à Bo (Sierra-Leone) , le 25 février 1955,
à l'âge de 78 ans et après 57 années de profession.


La physionomie morale du P. Aloyse Scheer évoque celle d'un autre confrère de Sierra-Leone, le P. Edouard Kuntzmann mort, il y a six ans, à Langonnet, à l'âge de 84 ans. Chez l'un comme chez l'autre, c'est le même penchant à plaisanter de tout, et le même sérieux aussi dans l'accomplissement du devoir d'état. Tous deux ont su prendre la vie en bonne part, sans jamais se plaindre des petites misères qu'elle leur apportait; tous deux ont fait du bon travail et se sont montrés vaillants à la tâche.

Aloyse Scheer naquit à Minversheim (Bas-Rhin), le 25 avril 1876, Par sa mère, il était le petit neveu du P. Jean-Baptiste Burg, mort à Chevilly le 1er mai 1887 en grand renom de bonté et d'austérité tout à la f ois.

Le P. Scheer nous raconte lui-même ses débuts dans la Congrégation:
J'avais 14 ans, écrit-il, quand, le 29 septembre 1890, la divine Provi­dence me conduisit du foyer paternel à l'OEuvre apostolique des Clercs de St Joseph de Seyssinet. Là, sous la direction des PP. Chauffour, alors supérieur, et Yves Lavolé, directeur des Clercs, je commençai par l'étude des premiers éléments du français et du latin, et à la fin de l’année 1892, j'entrai au petit scolasticat de Cellule, successivement sous la direction des PP. Lutaud, Jalabert et Meistermann. Je poursuivis régulièrement le cours de mes études littéraires jusqu'à la fin de la rhétorique. Je n'ai pas remporté de brillants succès, mais du moins je me suis toujours appliqué à la pensée constante de faire la volonté de Dieu... »

Il fit son oblation à Cellule, le 4 avril 1894, entra au noviciat, le 29 août 1896, fit profession, le 1er janvier 1898, au cours de cette longue cérémonie qui dura de 14 à 18 h., et vit défiler au pied de l'autel 100 jeunes profès sans compter ceux qui renouvelaient leurs vœux.

En octobre suivant, il fut envoyé en Irlande pour y commencer ses études ecclésiastiques : deux ans de théologie à Rockwell, 14 mois comme surveillant-professeur à Blackrock. Il passa ensuite six mois à Epinal. de décembre 1901 à juillet 1902, comme professeur d'anglais. Enfin, à la rentrée de 1902, il revint à Chevilly pour achever sa théologie.

Ordonné prêtre, le dimanche de la Passion 1903, il fit sa consécration à l'apostolat en juillet suivant, et le 15 août 1903, il s'embarquait pour Sierra-Leone où il devait passer tout le reste de sa vie, et y mourir lu 25 février dernier.

Mgr O'Gormann venait d'être nommé vicaire apostolique de cette Mission. Le P. Scheer le connut trente ans à ce poste. Mgr Wilson vint ensuite, de 1933 à 1937; puis ce fut Mgr Kelly, de 1937 à 1952. Depuis c'est Mgr Brosnahan qui préside aux destinées de Sierra-Leone en qua­lité d'évêque de Freetown et Bo.

Le P. Scheer fut d'abord placé à Bonthe, sous la direction du P. Noir­jean, jusqu'en mai 1904, puis à Freetown, comme procureur, jusqu'en 1905. Il fut alors chargé de la fondation de Blama, où il resta jusqu'en 1928. Après un congé en Europe, il fut chargé de Gerihun et de Bo. Le Père revint une dernière fois dans sa famille, en 1935; à partir de 1936, nous le retrouvons encore à Moyamba,et à Gerihun où il prit sa retraite sans cesser de s'occuper utilement.

Le 3 septembre 1953, le Père célébra le cinquantième anniversaire de son arrivée dans le Vicariat. De grandes fêtes marquèrent, à Free­town, ce jubilé.

L'humour du P. Scheer, sa simplicité et sa piété faisaient de lui un confrère très apprécié, plein d'attentions pour ses confrères nouveaux venus. Sa parfaite connaissance de la langue indigène, des coutumes et des traditions « mendé -» le rendaient populaire dans toutes les classes de cette société primitive. La dernière lettre que nous possédons de lui est adressée de Gerihun à Mgr Le Hunsec, le 30 mars 1950 :

« Il y a déjà quatre ans, écrit-il, je vous ai dit que je ne veux plus retourner en Europe, et je vous demandais si je pouvais aller à Misser­ghin quand l'heure de ma retraite aura sonné. Vous m'avez répondu que cette heure sonne le plus tard possible. . . Eh bien ! elle a sonné au mois de décembre 1948; et avec la permisssion de Mgr Kelly, je me suis retiré à Notre-Dame des Victoires, à Gerihun. J'aime bien cette mission; il y a beaucoup de ministère, des catéchistes, des catéchumènes, des chrétiens; pas de conversions en masse, mais enfin l'évangélisation pro­gresse. C'est une mission un peut à l'écart, tranquille. A part le chemin de fer, pas de routes, donc pas, de cars ni de camions; on marche à pied ou à bicyclette : le saint ministère ne s'en trouve que mieux... Je ne suis pas encore hors combat et rends encore service : je marche, je visite les villages les plus rapprochés, j'entends les confessions. Cependant, mon grand handicap, c'est que je suis un peu sourd. Je ne puis pas suivre la conversation qui se fait en anglais à voix basse; le français est plus clair et plus sonore. Je pourrai tenir encore une autre année j'aurai alors 75 ans. La longévité est un peu de tradition dans la famille en 1936, un oncle maternel est mort à 97 ans; ma mère a atteint 84 ans; mon grand­ oncle, le P. Burg, mort à Chevilly où il y à son portrait, est allé jusqu'à 84 ans. Donc, il y a encore de l'espoir pour moi... » Et, en homme, pra­tique, le R Scheer demande quelles sont les conditions d'admission à Misserghin ? quel trousseau faut-il y apporter ?

Il n'a pourtant pas eu le temps de venir mourir et il a pas atteint les 84 ans de sa mère et de son grand-oncle : il est mort à l'hôpital de Bo juste deux mois avant d'atteindre ses 79 ans. Mais le peu que nous avons pu dire de lui le montre missionnaire, désireux de travailler jusqu'au bout au salut des âmes. Il a travaillé courageuse­ment et intelligemment : 52 ans dans la même Mission, 3 voyages en Eu­rope, prêt à tous les sacrifices, expert en langues indigènes. . . Il a usé sa vie. au service de l'Eglise, digne neveu du P. Burg qui, il est vrai, n'alla jamais en Afrique, mais usa ses forces à la formation des missionaires.

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