Le Père François SÉGALA,
1870-1910.


François Ségala naquit à Gramat, le 28 août 1870. Ses parents, anciens intendants d'un château, tenaient un café et bureau de tabac à Monvalent. Us envoyèrent leur fils à l'école des Frères de Gramat. Après sa première communion, l'enfant sentit un puissant appel au sacerdoce. En 1885, il arrivait à Beauvais, où l’œuvre des Petits clercs de Saint-Joseph prospérait déjà sous la main forte et paternelle du P. Limbour. Deux ans après, l'adolescent s'en fut à Cellule (Puyde-Dôme) finir ses humanités. Après son service militaire, il suivit au grand scolasticat de Chevilly la préparation au sacerdoce. Prêtre le 30 mai 1896, il reçut son obédience pour la Guinée le 15 août de la même année.

Le jeune Père fut accueilli à Conakry par le P. Lorber, premier préfet apostolique, qui l'envoya à Boffa, origine de la mission depuis 1877, pour l'initier à la langue et aux coutumes du pays. Il fut ensuite affecté à la mission voisine de Boké, qui venait tout juste d'achever ses premières constructions. Le P. Ségala y arriva le 13 janvier 1898 et ouvrit la première école primaire avec 40 enfants. Parmi eux, douze reçurent le baptême au mois de novembre des mains du R.P. Lorber. le comportement du P. Ségala, très naturellement prêtre et religieux, lui facilitait les contacts avec les adultes comme avec les enfants, par la douceur de son regard et la simplicité de ses actions. Bienveillant pour tous, il fut vite accepté par tous.

Son problème sera toujours sa santé, sujette aux fièvres du paludisme. Lors des premiers jours de 1900, le P. Lorber ayant donné sa démission pour raison de santé, le P. Ségala reçut la dépêche de sa nomination comme préfet apostolique quand il se trouvait lui-même aux prises avec un violent accès de fièvre bilieuse hématurique, qui mettait ses jours en danger. Comme il était d'usage à l'époque, il fut nomme en même temps supérieur religieux de ses confrères spiritains. Il n'avait pas 30 ans et ne comptait que 3 années d'expérience africaine ! Les pionniers doivent souvent affronter des circonstances sans précédent.

Le P. Ségala, second préfet apostolique, prit sa place à Conakry, qui, dix ans plus tôt, n'était qu'une forêt de palmiers à huile, avec deux petits villages dont la population ne dépassait pas 150 habitants. Mais M. Ballay, fondateur de Conakry et premier gouverneur de Guinée, avait déjà tracé de larges avenues et de grands boulevards plantés de manguiers et sillonnés de rails Decauville. Un aqueduc de 41 kilomètres fournissait une très bonne eau potable, un wharf permettait aux navires d'accoster et le premier tronçon de chemin de fer atteindra Kindia en 1904, en attendant Mamou, Kouroussa et Kankan.

Sous le rapport matériel, Conakry avait donc marché à pas de géant. Cela ne fut possible que par l'apport d'un afflux extérieur d'argent et de population. Dans la communauté catholique, on enregistrait alors des étrangers : 300 européens, 150 libanos-syriens, 100 portugais ; et parmi les africains : 250 guinéens, 200 sénégalais, 30 congolais-gabonais, 25 Sierra-Leonais et 20 Soudanais. Le ministère paroissial auprès d'une population composée d'éléments si hétérogènes, différant à la fois de -langue, de caractère et de mœurs, n'est pas facile. En outre, ces éléments sont si mobiles qu'au bout de six mois le livre de statu animarum est couvert de ratures et de modifications. Mais la bonne volonté de part et d'autre apporte bien des consolations. En 1902, un jeune prêtre apporta un élément de stabilité, car Raymond Lerouge resta à Conakry jusqu'à sa mort en 1949, d'abord curé de la paroisse, puis vicaire général, ensuite préfet apostolique en 1911, enfin évêque en 1920.

Avant d'entreprendre l'implantation de nouveaux postes à l'intérieur du pays, le P. Ségala voulut refaire ses forces en France et affermir ses liens avec la congrégation, seule habilitée à lui fournir le personnel nécessaire. Arrivé à Bordeaux le 22 mai 1901, il participa à la retraite annuelle de Chevilly du 18 au 25 août et prit le bateau de retour le 15 décembre de la même année.

Le nouveau préfet apostolique avait trouvé les trois missions que ses prédécesseurs avaient échelonnées sur la côte : Boffa en 1877, Conakry en 1890 et Boké en 1897. L'arrière-pays restait encore une sorte de regio incognita. La réalisation du chemin de fer allait faciliter la pénétration. Mais un premier problème se posait aux missionnaires spiritains et aux pères blancs : ils résolurent de rectifier leurs frontières : les premiers cédèrent aux pères blancs leurs missions de Kayes et de Kita, proches de Bamako ; et les pères blancs abandonnèrent aux spiritains leur mission de Bouyé en Haute Guinée.

C'est pourquoi, le 13 décembre 1902, deux missionnaires quittaient Conakry... au son du cor, pour que la séparation parût moins triste. Dieu sait pourtant s'il y avait quelque émotion dans les notes du P. Lecler, au départ de ce voyage de 750 km à pied, qui devait durer vingt-huit jours. Il était écrit que la Guinée sèmerait là-bas dans les larmes, et que la croix pousserait en Haute Guinée sur une tombe d'apôtre. Un soir, plus fatigué que de coutume, le P. Devante, qui avait accompagné le P. Lecler, dut laisser inachevé le toit de sa case. Deux jours après, il mourait d'un accès pernicieux : c'était le 8 février 1903, un mois environ après son arrivée. Au mois de décembre de l'année suivante le P. Préfet vint pendant trois mois partager les travaux de ses missionnaires, les encourager et se rendre compte personnellement des problèmes locaux, comme celui des prix par suite des frais du portage sur ces longues distances. Mais au bout de six ans, on admirait la belle mission de Brouadou, quand on voyait le dimanche la longue file des chrétiens s'engouffrer dans la chapelle déjà trop étroite ...

A son retour de Brouadou, le P. Ségala constata que le chemin de fer était parvenu au kilomètre 153, où devait s'élever la gare de Kindia et la cité commerçante. Comme la population augmentait sans cesse, les PR. Abiven, Lerouge, Lacan, Quillaud et Sage y venaient régulièrement dénombrer et soutenir les chrétiens. Le 17 décembre 1907, le P. Lacan, chargé de fonder la mission, y vint pour chercher son emplacement et son premier local. Il fut bien accueilli. Il y resta 30 ans, réalisant tout ce qui était possible en cette contrée.

En 1908-1909, le P. Ségala fit un nouveau voyage à Brouadou. Il eut le bonheur de constater les progrès du ministère. Il décida de fonder une seconde mission plus au sud, en bordure de la frontière du Liberia et de la Sierra-Leone. Ce fut Saint-Michel de Mongo, ouvert en 1910.

Le Préfet apostolique, à 40 ans, était à bout de force. Rentré en France, il succomba à Monaco le 22 décembre 1910. Il avait reçu trois missions, dix ans après il en laissait six. Le bon travailleur de l'évangile pouvait entrer dans la joie de son Maître.

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