LE F. RIGOBERT STEICHEN
DE LA MISSION DU GABON
décédé à Ste-Marie de Libreville le 21 avril 1907.
(Notices Biographiques III p. 107-110)


Jean-Pierre Steichen naquit le 21 décembre 1857, à Huling, commune de Puttelange, diocèse de Metz. Encore mineur à l'époque de la guerre de 1870, il subit la nationalité de son père qui dut opter pour l'Allemagne. Il passe ensuite dans le Luxembourg, et y conquiert droit de cité, si bien qu'il se considérait et se faisait passer volontiers pour Luxembourgeois.

C'est dans cette principauté, à Marienhof, qu'il fit son essai de vie religieuse chez les Frères de St-Jean de Dieu. Après trois ans et demi de noviciat, consacrés en grande partie aux soins des aliénés, il lui fut déclaré que l'état de ses yeux constituait un réel obstacle à son admission. Cette décision le désola d'autant plus qu'il se sentait une véritable vocation pour la vie religieuse et les fonctions d'infirmier. Il trouva à utiliser ces dernières aptitudes dans l'hôpital des Soeurs de Charité d'Aix-la-Chapelle, où il demeura quinze mois. Il y tombe malade et n'a d'autre ressource que de rentrer chez son père. Il avait perdu sa mère dès 1865, alors qu'il avait à peine 8 ans. Il se remet de son mal, et songe à se consacrer aux Missions. La rencontre d'un scolastique, M. Joseph Sand, l'amène à Chevilly, au mois d'août 1883. Les mêmes causes qui l'avaient fait écarter par les Frères de St-Jean de Dieu firent également hésiter sur son admission au noviciat, et retardèrent même sa prise d'habit. Il s'y joignait aussi certains moments d'emportement, contre lesquels il eut à lutter plus ou moins toute sa vie. Toutefois, sur ses instances, vu son grand désir de se donner aux soins des malades, il fut admis à l'oblation le 19 mars 1884, et à la profession à la même date de l'année suivante, à Chevilly. Les postes qu'il occupa en France à cette époque furent Beauvais, le Bois-d'Estaire et Grignon.

Mais dans ces postes il n'eut que rarement à faire usage de ses talents d'infirmier. Aussi demanda-t-il, en 1889, à les con­sacrer au service des pauvres malades des Missions, ceux qui plus que tous autres ont besoin de soins et de dévouement. Cette requête si justifiée lui fut sur-le-champ accordée, et dès le 5 novembre de cette année, il s'embarqua à Bordeaux pour la Mission de Sénégambie. Il travailla à Thiès, à Poponguine, à Dakar, tantôt au soin des malades, tantôt à la culture des légumes et des arbres fruitiers. Mais, hélas ! tout aussi souvent, terrassé par les fièvres, il a besoin du secours charitable de ses confrères. Après avoir tenu tête au climat et aux fièvres du­rant quatre ans, force lui fut de mettre bas les armes et de rentrer en France.. Il arrive à la Maison-Mère le 18 novembre 1893, et est envoyé , pour rétablir sa santé, à la ferme de St-Lucien de Beauvais.

En 1895, le T. R. P. Emonet, frappé d'hémiplégie, se retire à Chevilly. Il lui faut des soins attentifs et de toute nature. Le Frère infirmier qui les lui rendra est tout trouvé. Le F. Rigobert sera cet homme providentiel. Il tiendra sa chambre en un irréprochable état d'ordre et de propreté; il l'aidera à se lever du lit et à se recoucher, à s'étendre sur le fauteuil, à faire quelques pas appuyé sur son bras vaillant ; à faire ses prières et à réciter son chapelet; à se rendre chaque matin à la sainte table ; à prendre ses repas et à faire ses lectures ; enfin on le verra promener à travers les allées des parterres et des jardins, .jusqu'au tombeau de notre Vénérable Père, son cher et digne Supérieur Général devenu plus respectable que jamais au sein de ses épreuves si pieusement sanctifiées. Ces services se prolongeront 3 ans, autant que l'état de souffrances du bon Père, et ils s'accentueront encore en dévouement et en mérite à l'heure des derniers moments (28 juin 1898). Justement vit-on figurer alors dans le cortège mortuaire, aux premiers rangs de ceux qui portaient le deuil, le fidèle, dévoué., inconsolables infirmier du regretté défunt.

Cette même année 1898, après avoir émis ses voeux perpétuels à Chevilly, il fut envoyé d'abord pour prendre un juste repos, puis aussi pour continuer ses fonctions d'infirmier, auprès de nos scolastiques dont la santé demandait à être mise en observation, au sanatorium de Pierroton.

Mais en la cruelle année 1903, il faut renoncer à l'entretien d'un sanatorium préventif de la tuberculose. Pierroton est fermé. Le F. Rigobert se trouve assez de forces et toujours le même ardent désir de soigner les missionnaires : il est envoyé au Gabon. Durant les 4 années qu'il passe en cette Mission, nous le trouvons tantôt donnant ses soins à l'hôpital indigène de St-Michel de Ndjolé, tantôt au centre du Vicariat apostolique, Ste-Marie de Libreville. C'est là qu'il succombe aux atteintes d'une entérite gangreneuse, le dimanche, fête du Patronage de St-Joseph, 21 avril 1907, à 8 h. 25 du matin.

Le F. Rigobert avait continué jusqu'au bout de sa carrière ses fonctions d'infirmier des indigents. Le dimanche octave de Pâques, il soigna encore ses chers malades ; puis, à bout de forces, il dut se coucher. C'était pour ne plus se relever. Rapides furent les progrès du mal, et le pauvre patient ne voulut se bercer d'aucune illusion. « Mon Père, dit-il au P. Dahin qui l'assistait, c'est fini, c'est fini ; aidez-moi, je vous prie, à bien mourir. »

Il a reçu les derniers sacrements en présence de toute la Communauté. Il a remercié le Père qui venait de l'administrer, lui témoignant qu'heureux de ces grâces suprêmes, il mourait content. Il ne paria plus, et ses derniers entretiens se passèrent avec son crucifix de missionnaire. Puis pendant le Gloria in excelsis de la grand'messe, la prière cessa avec la vie. Qui donc n'envierait un pareil trépas ?
Amet LIMBOUR.

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