Le Frère Alpert STILTZ,
décédé à Langonnet, le 5 janvier 1954,
à l’âge de 73 ans.


Joseph Stiltz, né à Uhrviller (Bas-Rhin), le 10 janvier 1880, vint avec ses parents habiter à Paris en 1886. Pendant sept ans, il suivit les classes chez les Frères des Écoles Chrétiennes. Ce fut un bon élève qui s’attacha et comprit ses maîtres : jusqu’en ces dernières années, il piochait encore la grammaire française des Frères et n’admettait, en fait de langue et d’orthographe, que ce qui était enseigné par elle ; c’était un puriste. Son attachement à ses premiers maîtres lui fera choisir comme nom de religion celui de l’un d’eux, le saint Frère Alpert.

À treize ans, muni de son certificat d’études, il entra au postulat des frères, à Chevilly. Trois mois plus tard, en janvier 1894, son directeur, le P. Théophile Gaschy, l’envoya à Langonnet pour y préparer l’examen du brevet élémentaire qu’il subit avec succès à Saint-Brieuc, en 1896.

Le P. Xavier Libermann, son supérieur, le chargea alors de la classe de septième au collège et de quelques cours aux postulants et aux novices frères. À la fin de l’année scolaire, on l’appela à Chevilly pour qu’il y fit son noviciat.

C’était le temps où, à Chevilly, on voyait partout des tuberculeux et où la maison semblait contaminée. Le nouveau venu qui disait souffrir de la poitrine fut renvoyé dans sa famille pour ne pas être un foyer d’infection de plus. Il consulta la Faculté qui ne trouva en lui rien de compromettant. Il revint donc au noviciat et continua à faire la classe. Durant cette absence d’un an, il avait été employé de commerce et comptable.

Il prit enfin l’habit en mars 1899, sous le nom de F. Alpert. Le 25 mars 1900, il fit profession.

Le F. Alpert fut un grand voyageur. Pour s’en rendre compte, il n’est que de lire la liste de ses différentes affectations. 1900, professeur des novices, à Chevilly – octobre 1900, professeur et surveillant au collège de Beauvais – octobre 1902, professeur et surveillant à Saint-Michel – mars 1904, professeur et relieur à Loango – de 1912 à 1916, professeur et surveillant à Port-au-Prince – de 1916 à 1918, mobilisé – d’octobre 1918 à mars 1919, envoyé par Mgr Le Roy comme professeur et surveillant au petit séminaire du diocèse de Versailles – de septembre 1919 à 1926, au Congo (Loango et Brazzaville) – de 1927 à 1928, aide-économe au Séminaire français de Rome – de 1928 à 1935, à Fort-de-France – de 1935 à 1937, à la maison mère comme linger et autres emplois – de 1937 à 1939, à Bordeaux comme portier – enfin, en 1939, le F. Alpert arrive à Langonnet où il vivra encore quatorze ans dans ce qu’il appelle une demi-retraite.

Partout il eut à souffrir. Des misères physiologiques, qu’on cache de son mieux, mais qui n’en sont pas moins douloureuses pourtant, le poursuivaient sans répit et lui aigrissaient le caractère. Il allait aux extrêmes de l’exaltation et de l’abattement et ne savait plus trop comment revenir au calme.

Il avait le talent de rendre service et le faisait intelligemment. À Langonnet, après avoir accompli ses fonctions d’archiviste et de bibliothécaire, il occupait ses loisirs à taper à la machine de longues pièces, alors que sa santé ne lui permettait que de rares heures d’application par jour.

Dans ses dernières années, il tint avec une parfaite régularité le tableau des observations météorologiques quotidiennes au moyen des quelques instruments dont il disposait. Service minime, si l’on veut, mais qui était apprécié dans la communauté.

Jusqu’au début de décembre dernier, il fut exact à noter les températures diurnes et nocturnes sur le tableau qu’il renouvelait chaque mois depuis de longues années. Un matin, il n’osa pas descendre ; le lendemain, il ne sortit pas de sa chambre. C’est alors qu’on lui conseilla de prendre place à l’infirmerie. Il s’en trouva bien et jouit d’un peu de sommeil. Mais l’urémie se déclara et, le 31 décembre, son entourage fut surpris de constater chez lui des propos incohérents. Le docteur appelé d’urgence constata la gravité du mal et agit en conséquence, sans provoquer cependant la réaction escomptée. Dès le lendemain, 1er janvier, il fallut songer aux derniers sacrements. Le frère les reçut avec une grande piété ; n’avait-il pas dit, quelques jours auparavant : « Je suis prêt comme jamais je n’ai été : le Bon Dieu peut m’appeler. » Sa sœur vint le voir et il la reconnut encore le lundi matin 4 janvier. Le lendemain, le cher frère perdit connaissance à trois heures du matin et expira à midi comme pour rejoindre à temps le cortège des Mages, vers la céleste cité de David. -
BPF, n° 68.

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