LE F. LAZARE STINNER
Décédé à Dinan,le 18 décembre 1969,
à l'âge de 69 ans.
(Not. Biog. V p. 146-152)


Lucien Stinner était né le 3 juin 1840, à Herdorf, petite ville industrielle de la Prusse rhénane, peu éloignée de nos anciennes maisons de Marienthal et de Marienstatt. Dans la suite, la famille e transporta à Moerlen, petit village du duché de Nassau, au diocèse de Limbourg, à deux lieues de Marienstatt. Sa famille était une des meilleures du pays et jouissait d'une honorable ai­sance. Elle possédait, outre une ferme, un moulin appelé Kloster­mühle, ou moulin du monastère, parce que, au commencement du XIIIe siècle, une colonie dé moines cisterciens s'était établie là, avant de fonder, en 1215, le monastère de Marienstatt. La famille Stinner jouissait dans tout le pays environnant, où la majorité des habitants est protestante, d'une réputation bien méritée de droiture, d'honnêteté et d'une vie franchement catholique. Moerlenen ce temps-là, ne possédait pas encore d'église, mais toutes lés intempéries de l'hiver, si rude en ces montagnes, n'empêchè-rent pas ces fervents catholiques de faire tous les dimanches une bonne lieue pour accomplir leurs devoirs de chrétien. Quand plus tard une chapelle eut été bâtie, ce lut dans cette famille que le prêtre qui venait célébrer la messe le dimanche, reçut un bon et religieux accueil. Dans ce milieu sincèrement chrétien grandit notre jeune Lucien. Après sa sortie de l'école, il s'appliquait aux travaux de la ferme et apprenait en outre le métie ' r de minotier.

Il était dans toute la force de la jeunesse, quand en 1864 turent fondées nos maisons de Marienthal et de Marienstatt. Préparé par u ne bonne éducation, le jeune homme demanda son admis­sion au noviciat des Frères, installé provisoirement à Marien­thal. Il entra au postulat le 8 décembre 1864, et le 10 mai 1865,il fut un des sept premiers postulants qui eurent le bonheur de revêtir l'habit religieux et de faire leur oblation dans le pieux sanctuaire de Notre-Dame des Sept-Douleurs. Le Bulletin de l'époque nous raconte que cette cérémonie inaccoutumée dans pays, avait attiré beaucoup de monde et qu'elle lit sur les pèlerins une forte et salutaire impression. Les sept novices furent tout de suite remplacés par sept nouveaux postulants.

C'est à Marienthal le nouveau Frère Lazare continua et acheva son noviciat bien que l'oeuvre eût été transférée à Marienstatt. Une exception avait été faite pour lui, car à Marienthal comme le constate l’information, on ne pouvait se passer des services du jeune novice qui était le factotum » de la maison. Le 2 février 1867, il fit sa profession. La période des premiers vœux achevée, F. Lazare demanda la faveur d'être admis aux vœux perpétuels. - Il serait difficile de trouver dans un dossier une information plus élogieuse que celle faite par ses Supérieurs en cette occasion; elle n'était du reste que la répétition de celle qui avait été faite pour son oblation et pour sa profession et en tout conforme aux votes très détaillées envoyées sur lui à la Maison-Mère pendant son noviciat. Il reçut le suffrage unanime des Pères; parmi les Frères on avait exprimé la crainte que ce Frère, qui avait toujours été dans la même communauté et dans le même milieu, ne fît pas aussi bien, s'il venait à être employé dans une autre communauté. Sur, quoi, le R. P. Strub, supérieur de Marienstatt, remarque « Le R. P. Burg (Provincial et supérieur de Marienthal) est excessivement content de ce Frère et il a la plus grande confiance en lui: il dit qu'il mérite les voeux perpétuels plus que tous les autres .... que malgré sa vivacité naturelle, il se soumet en tout sans difficulté... » Ensuite, le R. P. Strub ajoute encore : « Les confrères qui vivent avec lui le trouvent un peu raide et cassant; cette raideur lui est assez naturelle et elle a peut-être trouvé un aliment dans la position du Frère, qui est depuis longtemps le factotum de là communauté; je suis cependant le premier à reconnaître que c'est un Frère réellement précieux pour la Congrégation et qu'il mérite certainement les voeux perpétuels. La faveur fut accordée ; le Frère émit les voeux perpétuels, le 19 mars 1870, et demeura à son poste jusqu'au moment de l'expulsion, suite des lois du Kulturkampf, en octobre 1873.. - Après avoir été à Beauvais, en 1874, et 1875, il reçut son obédience pour Chevilly, où il resta chargé de la lingerie jusqu'en 1889. On sait bien que la fonction de linger ne donne, pas l'occasion de se distinguer par des faits remarquables; c'est le travail humble et caché, et un exercice continuel de patience, de charité et de pauvreté religieuse. …..

Après ce long séjour à Chevilly, le F. Lazare passa deux ans à Epinal, comme sacristain et linger (1889-1891) ; puis il reçut son obédience pour Rome, où il devait terminer sa vie active (1891-1906).

En 1906, le F. Lazare paraissait fatigué ; il ne sortait presque jamais, ayant un peu de peine à marcher. Les vacances des séminaristes arrivèrent. Il passa à Rome tout le mois de juillet et une partie du mois d'août pour mettre tout en ordre dans les chambres des élèves. Il alla enfin se reposer là la campagne à San Valentino. On lui, offrit d'aller chez lui. Il refusa cette offre, craignant peut-être de ne plus revenir à Rome qu'il aimait.

« A la maison de campagne le Frère se montra taciturne, il ne dormait pas, ne mangeait pas, se promenait seul. Tous ceux qui étaient à la campagne s'inquiétaient. Le R. P. Supérieur était en France; on attendait son retour pour prendre une décision. La décision fut de faire rentrer le Frère d'abord à Rome, où il arriva à la fin de septembre, accompagné du P. Haegy. Ceux qui le revirent alors en furent dans la consternation. Impossible d'en obtenir une parole ; le Frère ne voulait pas se nourrir. Après une nuit consacrée à un repos qui n'en fut pas un pour le pauvre malade, le F. Lazare partit pour Paris avec le P. Haegy. Arrivé à la Maison-­Mère, il fut décidé que le Frère serait envoyé à la maison de santé de Dinan. »

Le F. Lazare, dans l'exercice de fonctions qui, tout en étant humbles, étaient néanmoins de vrais postes de confiance, avait fourni une longue carrière, riche en bonnes oeuvres. On lui aurait bien souhaité quelques années d'un repos relatif et honorable. Dieu lui envoya une maladie pénible et humiliante. Dans les desseins impénétrables de la Providence, cette épreuve devait durer encore trois années; et cette vie entièrement vouée à Dieu et à la Congrégation devait se terminer loin de sa communauté et de ses confrères. Le 18 décembre 1909 le Supérieur de la mai­son de santé de Dinan annonça sa mort par la lettre suivante :

« Depuis plusieurs mois, ce bon Frère était soigné à l'infirmerie où il suivait un régime spécial. Il s'y plaisait du reste et pouvait à son aise se reposer quand il se sentait fatigué. Hier soir, vers quatre heures, il fut pris d'un malaise et de vomissements avec diarrhée; peu après, il se couchait, la respiration devenait pénible.

« M. l'Aumônier, appelé en toute hâte, put confesser le mourant et lui administrer le sacrement de l'extrême-onction; peu après, on apporta le saint Viatique que le cher Frère reçut pieusement. L'état ne lit qu'empirer dans la nuit. L'agonie commença vers onze heures du matin; un peu avant deux heures, M. Stinner rendait le dernier soupir. »
A . Z.

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