Le Père Ignace STOFFEL,
décédé à Misserghin, le 11 octobre 1921,
à l’âge de 81 ans.


Les parents d’Ignace Stoffel étaient cultivateurs et tenaient une auberge à Sainte-Croix-en-Plaine (Haut-Rhin) ; lui-même naquit en ce lieu le 2 octobre 1840. Son frère Barthélémy plus âgé de quatre ans et demi le précéda au Collège libre de Colmar et l’attira dans la Congrégation. Barthélemy en effet entra à Sainte-Marie de Gourin en seconde en 1856 ; Ignace s’y rendit en 1858 pour commencer sa cinquième.

Il fit profession le 23 août 1868 et fut envoyé au Gabon où son frère avait passé deux ans, de 1863 à 1865. On le chargea aussitôt de l’économat et des apprentis.

Sa mission ne tarda pas à obtenir à Libreville la concession du terrain où les sœurs étaient établies depuis vingt ans et l’on put y entreprendre la construction d’une maison. Le P. Stoffel s’y dévoua pendant deux ans. Il dut faire au plus fort de la chaleur, tous les jours, une ou deux fois, le chemin de Sainte-Marie à Libreville, diriger avec le F. Henri, les travaux de maçonnerie et de charpente ; en même temps il s’occupait des plantations, jaloux de trouver sur place de quoi nourrir les enfants de la mission ; car les difficultés de ravitaillement en Europe devinrent telles qu’il ne fallut plus compter sur les provisions importées. D’autre part, la culture diminuant dans le pays, on achetait au jour le jour le nécessaire ; enfin, les subventions de l’administration coloniale furent réduites, puis supprimées. Il ne restait qu’un moyen de faire face à cette pénurie de ressources : renvoyer des enfants et faire effort pour entretenir ceux qui demeuraient à la mission.

En même temps, on construisait encore : « Le Plateau, écrivait le P. Stoffel, c’est-à-dire le siège de l’administration, des commerçants et des sœurs, est à vingt minutes de la mission ; Glass, village où sont fixées les factoreries anglaises et américaines, en est à une grosse lieue : tels sont mes voyages à faire journellement ; souvent la fièvre avant de se mettre en route ; puis j’ai à suivre les travaux des constructions en pierre : maçons, manœuvres ; des cultures, etc… Aussi, tant de travaux commencent à me fatiguer. Il faut chercher à une demi lieue tous les bois qui nous sont nécessaires. Et quel travail ! Plus de cent cinquante personnes s’attellent à une voiture qui passe à travers fossés, ruisseaux, broussailles, etc… »

À ces difficultés, se joignaient des ennuis qui aggravaient la position de l’économe. La maison des apprentis s’effondra par suite de malfaçon dans le travail de maçonnerie avant même qu’elle ne fût achevé ; il fallut la réduire à des proportions plus modestes.

Cependant les plantations prospéraient, les ateliers se développaient : tout à son œuvre, l’économe de la mission constatait les progrès et était heureux de les faire valoir devant les visiteurs de marque. Il faisait construire à peu de frais les cases des stations établies aux environs de Libreville, fournissait aux commerçants des ouvriers appréciés, introduisait dans la colonie la culture de la vanille, des arbres fruitiers ; en un mot, étendait l’influence civilisatrice de la mission par un travail qui, en outre, récompensait les efforts dépensés. Enfin, il ajoutait à la culture l’industrie de l’extraction de l’huile de palme et la mission trouvait dans le produit qu’elle en retirait de quoi nourrir son personnel, ses enfants, ses malades. Mais tout cela n’allait pas sans de nombreuses déceptions.

En 1887, le P. Stoffel quitta le vicariat de Libreville et fut chargé de fonder une mission à Mayumba (vicariat de Loango). Il choisit lui-même le terrain du nouvel établissement à la Pointe Benda : « Sol fertile, élevé de cinquante cinq pieds au dessus du niveau de la mer, brise relativement fraîche, qui y règne toute la journée, vue magnifique sur la mer. »

On défricha d’abord ; on traça des chemins de la lagune à la mission, de la mission à la fontaine et au jardin ; on aménagea un débarcadère sur la lagune avec hangar pour les embarcations ; on bâtit enfin : en six mois la maison d’habitation fut élevée et, deux ans plus tard, les enfants à leur tour avaient un local vaste et commode.

L’œuvre des enfants avait été inaugurée dès les premiers jours : elle donna des néophytes ; elle fut aussi un puissant moyen de développer les cultures. En 1890, une bananeraie de 4 000 pieds était plantée et bientôt en rapport ; vinrent ensuite les manguiers, les mandariniers, les avocatiers, les arbres à pain, et tout ce qu’une initiative intelligente peut tenter en ce genre. En décembre 1894, au départ du P. Stoffel, 90 hectares sur 216 que comprend la concession étaient sinon exploités du moins déjà propres à la culture. Et, si le père lui-même, occupé à cette organisation intérieure, ne pouvait se livrer beaucoup au saint ministère, il préparait à ses confrères la base d’action de leur apostolat, base matérielle sans doute, mais indispensable.

Son influence sur les populations ne laissa pas que d’être considérable par les merveilles qu’il réalisa et par l’exemple d’endurance et de persévérance qu’il leur donnait : des chefs qui avaient d’abord regimbé contre notre influence, il parvint à faire de véritables amis.

Rentré en France, le P. Ignace Stoffel passa comme économe dans divers établissements : Drognens (Suisse), Castelnaudary, Cellule, Épinal.

Mais l’Afrique ne cessait de l’attirer. On était en 1902, et il avait cinquante-huit ans. Il repartit cette fois pour la Guinée française et y resta une dizaine d’années.

À soixante et onze ans, il accepta de rentrer en France et demanda à prendre sa retraite à Misserghin, qui lui rappellerait de loins ses défrichés, ses plantations et ses espérances. Il y vécut encore dix ans.

Voici sur ses derniers moments, la note qui nous est transmise :
« Le 5 octobre, le P. Stoffel eut une attaque de paralysie partielle pendant la nuit : le frère infirmier qui ne s’en était pas rendu compte, le trouvant encore couché à huit heures, voulut le faire lever, mais il constata que les jambes du père se dérobaient sous lui, et le laissa au lit. Vers midi, il le trouva râlant, avec le pouls imperceptible. Pendant qu’on s’empressait pour lui administrer l’extrême-onction, le mourant revint à la vie peu à peu mais sans reprendre ses sens. Ce fut sans succès qu’on essaya de lui suggérer un acte de contrition : depuis plus d’un an, le pauvre père était en enfance. Le 11 octobre, à une heure du matin, il expira. » -
BG, t. 30, p. 440.

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