Le Père Joseph Sutter
1897-1986


Joseph SUTTER est né le 10 février 1897, à Herrlisheim, dans le Haut-Rhin. En 1908, alors qu'il vient de perdre sa mère, il se présente à l'École SaintFlorent de Saverne pour commencer ses études secondaires et se préparer à devenir missionnaire. Coïncidence, le 8 juin de cette annéelà, meurt en Guinée, à l'âge de 48 ans, son oncle spiritain, le Père Martin Sutter.

Quand éclate la première guerre mondiale, il se trouve en Allemagne, à Knechtsteden. Mobilisé en août 1916, il est presque aussitôt envoyé sur le front russe. Il participe, en 1918, à la campagne d'Ukraine. C'est là, devant Kharkov, que le 7 avril, il est grièvement blessé et abandonné sur le terrain. Un soldat russe, l'apercevant, lui assènera un violent coup de crosse de fusil sur la tête, avec l'intention de l'achever. Quelque temps plus tard, il est récupéré, inanimé, par ses camarades et immédiatement transporté dans un hôpital militaire de Kharkov, puis à BrestLitovsk et Berlin. De cette grave blessure, dont il se sort miraculeusement, il gardera une paralysie partielle à la main gauche et des maux de tête causant chez lui une certaine irritabilité qu'il aura parfois beaucoup de mal à maîtriser.

Démobilisé au mois d'octobre 1918, il vient se reposer quelque temps à Knechtsteden avant de rejoindre Saverne où il termine ses études de philosophie. En 1919, il entre au Noviciat de Neufgrange et y fait profession, le 27 octobre de l'année suivante. Trois ans plus tard, le 28 octobre 1923, il est ordonné prêtre, à Chevilly, par Mgr Le Roy. Sa grave blessure de guerre lui interdisant les missions d'Afrique, ses supérieurs l'affecteront à l'enseignement des lettres classiques dans nos écoles apostoliques. Pendant 45 ans, il collaborera à la formation de nos aspirants missionnaires: 15 ans à Saverne et 30 ans à Allex, En 1952, il est nommé Supérieur de l'École de Bletterans, mais visiblement il n'est pas fait pour ce travail. Et au bout d'un an, il demande à reprendre l'enseignement à Allex.

Nombreux sont ceux qui ont eu le Père Sutter comme professeur. Le souvenir qu'ils en gardent en général, est celui d'un homme sévère, qui ne tolérait pas le moindre chahut pendant ses cours. A la façon particulière qu'il avait de caresser son bouc ou de déposer sa barrette sur le bureau au début d'une classe, chacun savait déjà jusqu'où il ne fallait pas aller. Mais ce qui est sûr, c'est qu'avec lui on apprenait à bien travailler et à se former l'esprit. En revanche, en dehors de la classe, ils savait se montrer accueillant, compréhensif Il aimait faire plaisir. Derrière une dureté et une rigueur qui n'étaient souvent qu'apparentes, se cachait une grande sensibilité et un cœur de prêtre. C'est surtout cet aspect de sa personnalité qu'ont finalement retenu ceux qui l'ont connu, soit comme élève, soit comme confrère ou collègue d'enseignement.

Le Père Sutter avait aussi deux violons d'Ingres: la musique c'était un organiste talentueux et d'une grande sensibilité - et la photographie. Les clichés qu'il a laissés dénotent un sens artistique et un goût très sûrs, Il mit toujours -.i et l'autre au service de tous.

En 1970, il se décide à prendre sa retraite. Il vient d'avoir 73 ans. Après 8 ans passés à Grasse, il demande à venir à Wolxheim pour se rapprocher de sa famille. Il vivra les dernières années de sa vie dans la paix et la sérénité, comme peut en témoigner la conclusion de la courte allocution qu'il prononcera, à Saverne, le 28 octobre 1983, à l'occasion de ses 60 ans de sacerdoce: "Puissiez-vous emporter de cette réunion... l'image d'un vieux bonhomme, heureux de sa vocation, infiniment, reconnaissant au Christ de l'avoir choisi, malgré ses défauts, pour le service de l'Église, pendant 60 ans et aussi longtemps qu'il lui plaira. "

Il est décédé à Wolxheim, en pleine lucidité, le samedi ler novembre 1986, en la fête de la Toussaint. Beaucoup de ses anciens élèves, prêtres ou laïcs, ainsi que de nombreuses personnes dont il était le conseiller spirituel, sont venus assister à ses funérailles et rendre grâce au Seigneur pour une vie si bien remplie.
P. René COURTE

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